Théâtre de foire, d'après Lesage et d'Orneval
Notice
Extraits du Théâtre de foire, d'après d'Orneval et Lesage, et interview de Jean-Louis Barrault. Un spectacle d'après trois farces appartenant au répertoire de la Foire, très en vogue au XVIIIe siècle, où se mêlent travestissements, chants, grivoiseries et bons mots : Arlequin, roi des ogres et La Tête noire, de Lesage ; La Forêt de Dodone, de Lesage et d'Orneval.
Éclairage
Pour le 40e anniversaire de la Compagnie Renaud-Barrault, en 1986, Jean-Louis Barrault rend hommage au théâtre populaire en mettant en scène une suite de saynètes empruntées à Lesage et d'Orneval, qui écriront plusieurs pièces à quatre mains et dont les piécettes seront souvent mises en musique par Fuzelier. Lesage et d'Orneval ont tous deux participé à la sauvegarde écrite du théâtre de Foire, dont seulement un petit nombre de textes nous sont aujourd'hui parvenus. Ces deux auteurs vont en effet s'atteler à collecter et à réunir dans un recueil de neuf volumes des pièces qu'ils considèrent comme exemplaires : on y trouve notamment la reproduction de « pièces à écriteaux », de pièces chantées par les acteurs, et de pièces mixtes, mêlant le chant et la prose, qui vont toutes participer à la naissance d'un nouveau genre, l'opéra-comique.
Jean-Louis Barrault, lors de l'interview, expose bien la complexité de la culture théâtrale au XVIIIe, très nettement partagée entre le théâtre forain et le théâtre institutionnel où règnent sans partage la Comédie-Française et l'Opéra. Le théâtre parisien est alors en concurrence avec les canevas du théâtre italien et en querelle avec la Comédie-Française qui, jalouse du succès des spectacles forains et voyant son public déserter le théâtre officiel, va, pour retrouver sa suprématie commerciale, faire pression sur le pouvoir pour obtenir l'interdiction des pièces foraines en « coupant la parole » aux acteurs. Interdiction de parole qui obligea les acteurs de la Foire à trouver divers subterfuges en donnant notamment au chant (ce qu'on appelle alors le « vaudeville ») un rôle de premier plan, en développant la pantomime et en inventant « la pièce à écriteaux » ou, grâce à des cartouches, on peut donner à lire au public des couplets et le nom des personnages.
Les contributions de Lesage et d'Orneval participent donc à un mouvement d'émancipation du théâtre populaire français et font acte de militantisme en prônant la reconnaissance du théâtre de Foire comme un lieu d'expression à part entière, où cohabitent marchands, bonimenteurs, jongleurs, bateleurs, chanteurs et acteurs. Les productions du théâtre de Foire sont considérées, parfois à juste titre, parfois sévèrement, comme des pièces mineures de l'histoire du théâtre, dans la mesure où elles appartiennent au « registre bas ». Mais ces spectacles étaient particulièrement courus au XVIIIe siècle et les comédies ou farces qui étaient données à la Foire Saint-Laurent (Faubourg Saint-Denis) ou à la Foire Saint-Germain (près de Saint Sulpice) attiraient un public hétéroclite où se confondaient les classes sociales. La Foire a cette vertu de réunir en effet tous les ordres sociaux qui composent la société de l'Ancien Régime : bourgeois, ouvriers, bacheliers, valetaille... Le tout Paris y accourait, friand de divertissement.
Jean-Louis Barrault, en célébrant l'anniversaire de sa compagnie avec cette programmation, choisit de redonner une légitimité à cette forme populaire et rappelle que le théâtre est avant tout une affaire de proximité avec le public, un acte capable de s'adresser à tous dans l'esprit de la fête collective.