Théâtre de foire, d'après Lesage et d'Orneval

14 octobre 1986
04m 01s
Réf. 00358

Notice

Résumé :

Extraits du Théâtre de foire, d'après d'Orneval et Lesage, et interview de Jean-Louis Barrault. Un spectacle d'après trois farces appartenant au répertoire de la Foire, très en vogue au XVIIIe siècle, où se mêlent travestissements, chants, grivoiseries et bons mots : Arlequin, roi des ogres et La Tête noire, de Lesage ; La Forêt de Dodone, de Lesage et d'Orneval.

Date de diffusion :
14 octobre 1986
Source :
A2 (Collection: MIDI 2 )

Éclairage

Pour le 40e anniversaire de la Compagnie Renaud-Barrault, en 1986, Jean-Louis Barrault rend hommage au théâtre populaire en mettant en scène une suite de saynètes empruntées à Lesage et d'Orneval, qui écriront plusieurs pièces à quatre mains et dont les piécettes seront souvent mises en musique par Fuzelier. Lesage et d'Orneval ont tous deux participé à la sauvegarde écrite du théâtre de Foire, dont seulement un petit nombre de textes nous sont aujourd'hui parvenus. Ces deux auteurs vont en effet s'atteler à collecter et à réunir dans un recueil de neuf volumes des pièces qu'ils considèrent comme exemplaires : on y trouve notamment la reproduction de « pièces à écriteaux », de pièces chantées par les acteurs, et de pièces mixtes, mêlant le chant et la prose, qui vont toutes participer à la naissance d'un nouveau genre, l'opéra-comique.

Jean-Louis Barrault, lors de l'interview, expose bien la complexité de la culture théâtrale au XVIIIe, très nettement partagée entre le théâtre forain et le théâtre institutionnel où règnent sans partage la Comédie-Française et l'Opéra. Le théâtre parisien est alors en concurrence avec les canevas du théâtre italien et en querelle avec la Comédie-Française qui, jalouse du succès des spectacles forains et voyant son public déserter le théâtre officiel, va, pour retrouver sa suprématie commerciale, faire pression sur le pouvoir pour obtenir l'interdiction des pièces foraines en « coupant la parole » aux acteurs. Interdiction de parole qui obligea les acteurs de la Foire à trouver divers subterfuges en donnant notamment au chant (ce qu'on appelle alors le « vaudeville ») un rôle de premier plan, en développant la pantomime et en inventant « la pièce à écriteaux » ou, grâce à des cartouches, on peut donner à lire au public des couplets et le nom des personnages.

Les contributions de Lesage et d'Orneval participent donc à un mouvement d'émancipation du théâtre populaire français et font acte de militantisme en prônant la reconnaissance du théâtre de Foire comme un lieu d'expression à part entière, où cohabitent marchands, bonimenteurs, jongleurs, bateleurs, chanteurs et acteurs. Les productions du théâtre de Foire sont considérées, parfois à juste titre, parfois sévèrement, comme des pièces mineures de l'histoire du théâtre, dans la mesure où elles appartiennent au « registre bas ». Mais ces spectacles étaient particulièrement courus au XVIIIe siècle et les comédies ou farces qui étaient données à la Foire Saint-Laurent (Faubourg Saint-Denis) ou à la Foire Saint-Germain (près de Saint Sulpice) attiraient un public hétéroclite où se confondaient les classes sociales. La Foire a cette vertu de réunir en effet tous les ordres sociaux qui composent la société de l'Ancien Régime : bourgeois, ouvriers, bacheliers, valetaille... Le tout Paris y accourait, friand de divertissement.

Jean-Louis Barrault, en célébrant l'anniversaire de sa compagnie avec cette programmation, choisit de redonner une légitimité à cette forme populaire et rappelle que le théâtre est avant tout une affaire de proximité avec le public, un acte capable de s'adresser à tous dans l'esprit de la fête collective.

Céline Hersant

Transcription

Jean-Louis Barrault
Il y a le désir.
Présentateur
Et vous êtes toujours en train de chercher des pièces nouvelles, des auteurs nouveaux, des metteurs en scène nouveaux ?
Jean-Louis Barrault
Là justement pour les 40 ans de notre compagnie, nous avons saisi cette occasion pour faire un spectacle sur le théâtre de foire. C’est un spectacle gai.
Denis Podalydès
Alors France va nous en parler parce qu’elle l’a suivie, cette pièce de théâtre de foire.
France Roche
Oui, alors c’est un spectacle fait de 4 parties qui sont des pièces qui appartiennent au répertoire du théâtre du crime au XIXe siècle qui mêle la danse, le chant, la comédie, le mime. Alors un de ces sketches, c’est celui de la Forêt de Dodone que vous allez voir et que nous avons tourné avec Dan Loustallot.
(Musique)
Comédien 1
Bonjour et bon an cousin chêne.
Comédien 2
Cousin ? Apprenez petit étourdi, qu'il s'en faut plus d'un quarteron de fagots que nous soyons de la même branche.
Comédien 1
Mais comment donc ?
Comédien 2
Taisez-vous.
(Musique)
Présentateur
Il faut être comédien, chanteur et danseur, à cette époque c’était un petit peu déjà la comédie musicale non ?
Jean-Louis Barrault
Oui, ça ce sont des pièces qui datent de 1720, ce n’est que la première moitié du XVIIIe siècle et qui ont été écrites par Lesage…
Présentateur
Très influencé par les Italiens donc.
Jean-Louis Barrault
Oui, oui, Lesage venait d’avoir son demi-succès de Turcaret et il est revenu vers les saltimbanques. Car c’est le théâtre de l’irrespect. Et c’est le théâtre de la joie. Comme il y a 40 ans, nous avons commencé par l’alternance, on a joué plusieurs pièces en même temps. Ça fait 40 ans que nous respectons l’alternance. Nous avons donc un répertoire un petit peu de théâtre de foire quoi, très varié qui va de Feydeau à Claudel, de Shakespeare à Racine.
France Roche
Il y avait même les derviches tourneurs.
Jean-Louis Barrault
Oui, oui c’est en ce moment oui.
Présentateur
Oui il y a trois pièces en alternance, c’est ça, le théâtre de foire, les villes d’Istanbul et les salons. Alors les salons de quoi s’agit-il ?
Jean-Louis Barrault
Les Salons c’est justement c’est de la même époque, du XVIIIe siècle. Ce sont les vicissitudes entre Judith de Lespinasse et Madame du Deffand. C’était l’époque des salons au XVIIIe siècle avec ce siècle des Lumières, etc. , et c’est très intéressant aussi comme sujet. Mais c’est tout à fait différent du théâtre de foire qui est... c’est du théâtre de saltimbanque, c'est Arlequin.
Présentateur
Oui alors, le théâtre de foire c’était un théâtre extrêmement populaire et c’était un bon moyen de le cultiver ce peuple si je puis dire, vu qu’on lui apprenait des choses.
Jean-Louis Barrault
C’est l’époque des Scaramouche, c’est l’époque de la commedia dell'Arte, etc. Et le rôle principal était surtout Arlequin. Et quand Arlequin par exemple endosse une peau de bête et il dit comme ça, on ne me tuera pas ; parce que les bêtes respectent les autres bêtes, et comme ce ne sont pas des hommes, ils respecteront leurs semblables.