Maurice Béjart et Cyril Atanassoff

09 décembre 1970
03m 06s
Réf. 00717

Notice

Résumé :

A l'occasion d'une série de représentations du Ballet de l'Opéra de Paris au Palais des Sports en 1970, Maurice Béjart, œil de velours et barbiche méphistophélique, exprime son opinion sur les bienfaits de la danse classique, et fait l'éloge de l'étoile Cyril Atanassoff, que l'on vient de voir danser un important fragment du Sacre du Printemps : celui du sauvage accouplement des Elus, avec Jacqueline Rayet.

Date de diffusion :
09 décembre 1970
Source :
Thèmes :

Éclairage

Le Palais Garnier étant fermé pour travaux - et grave crise directoriale - le Ballet de l'Opéra fait salle comble au Palais des Sports de la Porte de Versailles avec trois programmes différents, à peu près entièrement consacrés à Maurice Béjart, pendant un mois, du 13 octobre au 15 novembre 1970.

Les huit premières représentations sont consacrées à La Damnation de Faust de Berlioz, l'ouvrage lyrique qui marque les débuts du chorégraphe à l'Opéra de Paris. C'est en effet six ans plus tôt que Maurice Béjart fait son entrée au Palais Garnier pour y mettre en scène la légende dramatique de Goethe dans une superbe scénographie de son danseur-décorateur du Ballet du XXe siècle, Germinal Cassado. La célèbre Marche Hongroise constitue un des clous du spectacle, dansée par une armée d'hommes bardés de cuir noir, menés par un fougueux danseur de 22 ans, tout juste rentré du service militaire, Cyril Atanassoff.

« J'ai vu la salle de l'Opéra debout pour l'acclamer, se souvient Claude Bessy, dans un rôle pourtant court, mais où le chorégraphe avait su dégager l'artiste de sa contrainte physique, et que Cyril a rendu avec une telle puissance que les mots ne peuvent exprimer l'émotion ressentie ce soir-là ».

Les six représentations suivantes au Palais des Sports sont consacrées à la romantique Giselle dans la nouvelle production de Carzou, suivie en seconde partie de soirée par l'entrée au répertoire de Boléro, avec Claude Bessy, alors maître de Ballet de l'Opéra.

Cette saison au Palais des Sports se termine en beauté par treize soirées Stravinsky-Béjart. En ouverture, Les Noces, puis la création mondiale de L'Oiseau de Feu conçu pour Michaël Denard. Et la soirée s'achève par le Sacre du Printemps avec les deux étoiles qui en furent les premiers et inoubliables interprètes au Palais Garnier : Cyril Atanassoff et Jacqueline Rayet.

Cyril Atanassoff, fils d'un père bulgare et d'une mère française, est un pur produit de l'Ecole de Danse de l'Opéra. « Il a quelque chose de barbare au sens magnifique de ce mot » comme le définit Béjart dans cet interview où il ne se montre pourtant pas très tendre pour les danseurs français. «Pour bien danser il faut du muscle et du cœur. Et je crois que Cyril a cela... Il m'a beaucoup apporté. Il correspond à une esthétique qui est très proche de moi... Il a une puissance qui choque parfois avec les plafonds dorés et les loges de velours, mais qui donne un souffle d'air pur à cette maison ».

C'est à cette époque que Maurice Béjart projette de fonder une compagnie itinérante, dont Cyril serait la vedette. Mais le danseur qui a toutes ses attaches à Paris hésite et décline l'offre. Déçu, Maurice renonce à son projet.

Roland Petit lui aussi choisit Cyril pour créer le rôle de l'inquiétant Frolo dans Notre-Dame de Paris et Atanassoff succède à Roland Petit dans le rôle de Quasimodo. Le danseur, qui s'impose par sa puissance et sa virilité, n'en est pas moins un émouvant Prince dans Giselle aux côtés d'Yvette Chaviré, puis d'Alicia Alonso dans la chorégraphie hautement dramatique de cette dernière. Dans un genre plus léger il incarne Colin dans La Fille mal gardée de Spöerli, Basile dans Don Quichotte de Noureev et Fra Diavolo de Pierre Lacotte. Il est encore un bouleversant Vieux Clown dans la première et poétique création de Kader Belarbi Les Saltimbanques au cours d'un hommage à Picasso au Japon en 1998, spectacle repris deux ans plus tard à la Maison de la Danse de Lyon.

Mais c'est par sa fougueuse et sauvage création de l'Elu du Sacre du Printemps que Cyril Atanassoff marquera l'histoire de la danse à l'Opéra de Paris.

René Sirvin

Transcription

(Musique)
Maurice Béjart
Tu ondules un peu, et après ça, ça va bien. Non c’est pas pour répéter, c’est facile de le faire maintenant.
Journaliste
Le Sacre du printemps explique sans doute la rencontre de l’Opéra et du palais des sports, de Cyril Atanassoff et de Maurice Béjart.
Maurice Béjart
Danser c’est être, c’est exister, c’est s’exprimer, c’est vivre. Je crois que la danse, c’est vivre totalement.
Journaliste
Est-ce que vous avez besoin de danseur classique ?
Maurice Béjart
Pour moi, la danse c’est une chose unique. Dans ce sens que il y a pas finalement de grande différence. Un danseur, qu’il soit folklorique, espagnol, africain, asiatique, c’est la danse. Il y a les bons danseurs et les mauvais danseurs. Ceci dit, le classique est une discipline qui est très bonne pour des corps d’occidentaux qui ont un peu perdu le sens originel de la danse et ils le retrouvent grâce à une abstraction mathématique qui est la danse classique.
Journaliste
Qu’avez-vous trouvé spécialement chez Cyril Atanassoff ?
Maurice Béjart
Cyril a une force et une spontanéité extraordinaires. Il a quelque chose de barbare au sens magnifique du mot. Il a, il est merveilleux parce que finalement, il est très peu français. Vous voyez, les français sont des gens qui sont étriqués pour danser et qui ont, où l’intellect a pris le, a pris la place du cœur. Et pour danser, il faut des muscles et il faut du cœur. Je crois que Cyril a ça.
Journaliste
Est-ce qu’il vous a apporté quelque chose à vous ?
Maurice Béjart
Oui, oui. Beaucoup. Beaucoup, c’est un interprète que j’aime beaucoup et qui correspond à un esthétique qui est, qui est très proche de moi.
Journaliste
Et vous, avez-vous eu besoin de le modeler ?
Maurice Béjart
Non, c’était quelqu’un que j’ai rencontré et qui était, qui était prêt je crois et qui attendait un répertoire différent des Giselle et autres Lac des cygnes, vous voyez ? Quelqu’un qui, qui à l’Opéra fait un peu figure à part et qui a, qui a une puissance vous voyez, qui parfois choque un peu avec les plafonds dorés et les loges de velours mais qui donne un souffle d’air pur dans cette maison.