Patrick Dupond nommé Directeur de la danse à l'Opéra de Paris

08 février 1990
02m
Réf. 00953

Notice

Résumé :

Les informations télévisées du 2 août 1990 annoncent la nomination de Patrick Dupond directeur de la danse à l'Opéra de Paris, en remplacement de Rudolf Noureev dont le contrat n'a pas été renouvelé. Patrick Dupond explique son incompatibilité de caractère et de goût artistique avec Noureev, cause de son départ de l'Opéra pour prendre la direction du Ballet de Nancy de 1988 à 1990. Pendant les commentaires de Yoba Grégoire nous voyons Patrick Dupond danser le grand succès « japonisant » que Maurice Béjart conçu pour lui en 1986 : Salomé sur la musique très kitch de Drigo pour L'éveil de Flore de Petipa. En fin d'interview Patrick danse une chorégraphie contemporaine non identifiée.

Date de diffusion :
08 février 1990
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

Le ton des présentateurs comme celui de Patrick Dupond démontrent la tension et le climat d'hostilité d'une partie des danseurs et des médias envers Rudolf Noureev en 1989/90. Le présentateur parle tout d'abord de « Noureev disparu sans laisser d'adresse ». En juillet 1989, à l'expiration de son contrat avec l'Opéra et sans nouvelles depuis un an de sa reconduction, Rudolf Noureev craignant « de [se] retrouver le cul entre deux chaises » accepte une longue tournée de la comédie musicale Le Roi et moi aux Etats-Unis, tout en gardant sur son agenda quinze jours par mois dans l'espoir de revenir à Paris. Après de longues négociations afin de garder les ballets de Noureev sans Noureev, Pierre Bergé alors président de l'Opéra, nomme pour le remplacer à la tête de Ballet de l'Opéra Patrick Dupond, directeur du Ballet de Nancy depuis deux ans.

Brillant danseur et comédien (Voir Patrick Dupond et Sylvie Guillem super vedettes), Patrick Dupond manque en revanche de discipline et de rigueur, d'où une « incompatibilité d'humeur » avec Noureev. C'est pourquoi après d'importantes tournées seul ou avec d'autres compagnies - tout en se produisant régulièrement à l'Opéra - Patrick Dupond a accepté de prendre la direction du Ballet de Nancy le 1er janvier 1988. Dans cette interview, il se félicite à juste titre de son bilan à Nancy, où ses programmes font part égale aux ballets classiques (remontés par son prédécesseur Jean-Albert Cartier, comme la soirée Diaghilev avec Petrouchka) et aux créations contemporaines dont celles de Thierry Malandain, Pierre Darde et Ulysses Dove.

Le passage de Patrick Dupond à la tête du Ballet de l'Opéra de Paris est également loin d'être négatif même si sa Giselle dans un décor de menhirs ne remporte pas le succès escompté, tout comme son Lac des Cygnes de Bourmeister repris dans des costumes japonisants. Il multiplie les galas d'étoiles, inscrit au répertoire Push comes to shove et crée Grand Pas de Twyla Tharp, programme des soirées en hommage à Balanchine, Lifar, Robbins (avec The Concert), Roland Petit ou Nijinski (et la recréation mondiale de son Till Eulenspiegel). Enfin en 1992, Noureev, déjà rongé par la maladie, revient créer La Bayadère dont le triomphe le 8 octobre - trois mois avant sa mort - lui rallie jusqu'à ses anciens détracteurs.

Brigitte Lefèvre, nommée administrateur du Palais Garnier, marque déjà fortement de son empreinte la programmation 1993/94 avec la création du Parc d'Angelin Preljocaj. La saison 1994-95 qui se déroule entièrement à l'Opéra Bastille comprend Les Variations d'Ulysse de Gallotta et La IXe Symphonie de Béjart, les deux avec Patrick Dupond en vedette. Mais dès 1995, il doit céder son poste de directeur à Brigitte Lefèvre et n'est plus que danseur étoile.

Coup de théâtre en juin 1997 : l'administration de l'Opéra se sépare de Patrick Dupond, qui a quitté sans autorisation les répétitions du Sacre du printemps de Pina Bausch, le temps de siéger au jury du festival du film de Cannes. Hugues Gall propose alors à Patrick un nouveau contrat de dix ou vingt représentations par an, que le danseur refuse. Pour lui commence alors une véritable descente aux enfers, comme il l'évoque dans un chapitre très émouvant de ses mémoires éditées en 2000 : Patrick Dupond étoile.

Bibliographie

- Patrick Dupond, Etoile, Fayard, 2000.

René Sirvin

Transcription

Présentateur
A l’opéra, les stars se suivent et ne se ressemblent pas. Après Noureev, disparu sans laisser d’adresse, c’est Patrick Dupond qui prend en charge le Ballet de l’Opéra de Paris ; Jack Lang l’a annoncé ce matin. Dupond, qui n’a que 30 ans, est une star réclamée par toutes les scènes du monde entier. Yoba Grégoire.
(Musique)
Journaliste
Personne ne s’étonne aujourd’hui de la nomination de ce jeune homme de 30 ans, très doué. En 77, il est nommé danseur étoile, en 86, il claque la porte de l’Opéra de Paris pour incompatibilité d’humeur avec un autre danseur à qui il faisait de l’ombre, Rudolf Noureev. En 88, il est nommé Directeur du Ballet Français de Nancy. Et aujourd’hui, Noureev parti, voici Patrick Dupond.
Patrick Dupond
Son goût de directeur n’allait pas dans mon sens en tant qu’artiste-interprète. Donc, moi, je n’appréciais pas la façon dont il dirigeait la maison, lui, n’appréciait pas la façon dont je dansais, donc, on n’avait aucune raison de travailler ensemble. C’est pour ça que j’ai quitté l’Opéra et que j’ai pris un contrat de guest.
Journaliste
Il aura, en priorité, à faire face à un corps de ballet démobilisé, démoralisé mais satisfait dans sa grande majorité à la venue de quelqu’un comme lui, sorti du sérail.
(Silence)
Patrick Dupond
J’ai ma place au sein de cette compagnie. Chaque danseur étoile à sa place, aussi, au sein de cette compagnie. Et donc, quand j’ai pris le Ballet Français de Nancy, pendant 2 ans, j’ai été, quasiment, en permanence avec le Ballet Français de Nancy pour le valoriser ; justement, pour stimuler les danseurs, pour être avec eux en permanence. Parce que je pense que c’est le seul moyen qu’on a de, véritablement, faire ce métier qui est le métier de directeur ; qui est un métier de 24 heures sur 24. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire par téléphone, c’est vrai.
(Musique)
Journaliste
L’Opéra de Paris est une institution, donc, pas de très grand bouleversement dans le répertoire, il y aura du traditionnel et du moderne. Mais une bonne nouvelle, Patrick Dupond fera revenir Sylvie Guillem, un temps écartée de sa maison.