Barychnikov à Paris
Notice
Marie-Claire Gautier interviewe Mikhaïl Barychnikov la veille de la première des cinq soirées Balanchine-Robbins qu'il donne fin septembre 1979 au Théâtre des Champs- Elysées. Il s'apprête à quitter le New York City Ballet pour devenir directeur de l'American Ballet Theatre « Mais c'est trop tôt pour en parler » assure le danseur qui refuse également de donner un sens politique au départ de nombreux danseurs soviétiques pour l'Amérique. « C'est une décision personnelle pour chacun. Je ne veux pas en parler ».
Éclairage
Lors de ces soirées consacrées à des chorégraphies de Balanchine et Robbins dansées par Mikhaïl Barychnikov, Peter Martin et cinq autres solistes du NYCB, le danseur russe interprète Apollo et un délicieux pas de deux de Balanchine The Steadfast tin soldier avec Juduth Fugate. Puis il danse la seconde des trois variations de Fancy Free de Jerome Robbins (Voir Mikhaïl Barychnikov danse Fancy Free de Jerome Robbins), Jean-Pierre Flohlich et Peter Martins interprétant celles du premier et du troisième marin. Enfin Mikhaïl Barychnikov et Peter Martins concluent la soirée (qui comprend encore des extraits de Agon et le Tchaïkovski pas de deux de Balanchine) par des extraits de Dances at a Gathering de Jerome Robbins. Mais sur ce document Barychnikov parle et ne danse pas !
Un an plus tard, le New York City Ballet reviend au Théâtre des Champs-Elysées, mais sans Barychnikov qui entre-temps a accepté de devenir le directeur de l'American Ballet Theatre. Une troupe qu'il connaît bien car, après avoir déserté le Kirov de Léningrad lors d'une tourné au Canada en 1974, à l'âge de 26 ans, Mikhaïl Barychnikov passe quatre années à l'ABT tout en se produisant en Europe, et aux Etats-Unis avec les compagnies de Martha Graham, Paul Taylor et Alvin Ailey.
Ses débuts à l'ABT remontent donc à 1974, et en 1976 Twyla Tharp crée pour lui un succès mondial qui allait faire leur gloire à tous deux : Push Comes to Shove, acclamé en France en 1977 au Festival du Louvre. Mais tout comme Noureev, le rêve de ce transfuge russe est de travailler avec le plus américain des chorégraphes d'origine russe, George Balanchine, leur dieu.
Aussi en 1978, après avoir réglé un nouveau Don Quichotte pour l'ABT, Mikhaïl Barychnikov quitte la compagnie pour entrer au NYCB. Malheureusement, George Balanchine déteste les stars autant qu'il aime les femmes ! Barychnikov pas plus que Noureev ne lui inspire une création originale. En revanche Barychnikov remporte de grands succès dans des ballets de Balanchine aussi célèbres que Apollon ou Le Fils Prodigue et de son côté Jerome Robbins - qui avait déjà crée Other Dances pour Barychnikov et Makarova à l'ABT en 1976 - conçoit deux ballets pour lui : Les Saisons et Opus 19/The Dreamer en 1979.
En 1980, Lucia Chase, la fondatrice et l'âme de l'American Ballet Theatre depuis 1940, décide de prendre sa retraite. C'est alors que MiKhail Barychnikov est appelé à diriger la compagnie. Il quitte le NYCB pour l'ABT, et chorégraphie lui-même de grands ballets classiques comme Giselle et enrichit le répertoire avec de nouvelles créations de Twyla Tharp (dont le merveilleux Nine Sinatra Songs), Mark Morris, Merce Cunningham, Paul Taylor ou Karole Armitage. Mais il voit trop grand, et double l'effectif de la compagnie qui passe à cent danseurs. En 1990 il doit démissionner de l'ABT, en laissant un gouffre financier derrière lui.
Hyperdoué, Barychnikov aborde tout au long de sa carrière le théâtre à Broadway et Paris, le cinéma avec trois grands succès (The Turning Point (1977) , Soleil de Minuit (1985) et Dancers (1987) et fonde avec le chorégraphe Mark Morris « White Oak Dance Project » en 1970. En dépit de deux opérations aux genoux, il effectue des tournées avec Twyla Tharp et Dana Reitz, et en 1994 Jerome Robbins lui crée encore un magnifique solo, A Suite of dances, aujourd'hui au répertoire de l'Opéra de Paris (Voir Nicolas Le Riche danse Jerome Robbins).
A Lyon il crée encore la surprise en duo avec Ana Laguna dans un programme Mats Ek affiché peu après au Théâtre de Chaillot où en 2011, à 63 ans, il revient jouer en russe In Paris, une pièce d'après Ivan Bunin.
Alors si en 1979 Mikhaïl Barychnikov ne veut pas préciser ses intentions, c'est qu'il n'ose dévoiler tous rêves, ni prévoir une carrière aussi riche en évènements aussi divers.