Parcours thématique

La création lyrique en France de 1950 à aujourd'hui

Pierre Flinois

Introduction

L'opéra, considéré comme un genre mort par les rénovateurs des années cinquante, et comme un « divertissement pour concierges » par le premier Ministre de la Culture, André Malraux, n'en finit pourtant pas de survivre à sa mort annoncée et de se régénérer.

Cela malgré le fait que son répertoire reste essentiellement basé depuis un siècle sur la reprise continue des œuvres du passé, alors que jusqu'au premier quart du XXe siècle c'est la création permanente, avec son cortège de rares succès et de nombreux échecs, qui assure une part importante du quotidien de la vie lyrique. Mais le triomphe durable d'un des deux géants du XIXe siècle, Richard Wagner, le retour après une courte éclipse du second, Giuseppe Verdi, le triomphe absolu du vérisme et de Richard Strauss et la réapparition des chefs d'œuvres de Mozart ont fait croire dès les années vingt à un public de plus en plus éloigné des révolutions sonores du XXe siècle que ce répertoire, complété des grandes réussites des répertoires nationaux du XIXe siècle (Le Barbier de Séville en Italie, Faust et Carmen en France, Boris Godounov en Russie...), avait atteint sa plénitude, et pouvait ainsi se suffire à lui-même.

La diversité, marqueur de la création au XXe siècle

Ainsi, de façon plus que simpliste, pour certains tenants du progrès linéaire permanent, l'opéra du XXe siècle se résume en 1950 aux seules œuvres atonales d'Arnold Schoenberg (Moïse et Aaron) et d'Alban Berg (Wozzeck, Lulu), considérées comme des sommets indépassables, et même des points de non-retour, arrêtant ainsi les pendules à la création passéiste de Turandot de Giacomo Puccini, point final de l'histoire d'un art définitivement classé hors de la modernité. Oubliant au passage le nouveau classicisme allemand, l'opéra brechtien, et l'avant-garde des années trente, de Paul Hindemith à Dimitri Chostakovitch, et l'incontournable Igor Stravinski, ils font fi de la créativité des compositeurs du XXe siècle, toujours attirés par le genre lyrique, témoin incontestable, vu sa complexité, d'une créativité au faîte de ses moyens.

C'est faire fi tout autant, la guerre passée, de l'évolution définitivement éclatée du genre. Désormais c'est la diversité qui s'impose : quoi de commun entre ceux qui pensent pouvoir prolonger la forme et son contenu sans vraie rupture (Benjamin Britten, Michael Tippett en Grande-Bretagne, Hans Werner Henze en Allemagne, Marcel Landowski en France...), et ceux qui refusent l'héritage culturel entier, compromis dans une civilisation qui a mené à Hiroshima, à Auschwitz, et prônent la rupture absolue avec le passé et avec les formes préexistantes (Bernd Aloïs Zimmermann, Luigi Nono, Luciano Berio, Bruno Maderna, György Ligeti...) ?

Mêmes différences, et aussi mêmes questionnements sur le rôle de l'opéra et de son contenu, une ou deux générations plus tard, entre ceux qui s'aventurent dans des espaces sonores inédits (Helmut Lachenmann, Heinz Holliger, Salvatore Sciarrino...), et les post-modernes qui remettent en question l'héritage de l'École viennoise que les canons usuels de l'écriture même (les minimalistes américains Philip Glass, Steve Reich, puis John Adams, le néerlandais Louis Andriessen, qui s'attachent plus à l'archétype qu'à la psychologie, ou au contraire Wolfgang Rihm qui retrouve la priorité du subjectif).

Et ceux qui abandonnent tous ces acquis et autres écoles pour revenir à une forme plus libre, moins codée, plus instinctive, plus personnelle (Philippe Boesmans, Pascal Dusapin, Peter Eötvös...) sont aussi les contemporains d'un inclassable Olivier Messiaen, ou de spécialistes d'un genre parallèle, plus ouvert, où l'absence de codes permet toutes les variantes, le Théâtre musical, comme Mauricio Kagel, Ligeti, Georges Aperghis ou Heiner Goebbels...

Mais tous sont aujourd'hui partie prenante d'un répertoire international de la musique vivante, sans que leur présence, heureusement de plus en plus fréquente, à l'affiche, implique automatiquement la désertion des spectateurs.

Toute la fin du XXe siècle peut aussi être considérée comme la lente résurgence d'un répertoire négligé, oublié sitôt créé, mais désormais devenu incontournable : au concert, la musique de Mahler en est le meilleur exemple. Et à l'instar de nombre de compositeurs baroques redécouverts, Erich Korngold, Leos Janacek, Alexander von Zemlinsky, Frederic Delius, Ralph Vaughan Williams... ont repris la place qu'ils n'auraient jamais dû quitter.

La création contemporaine à Paris

La France musicale institutionnelle fut longtemps porteuse de création dans son répertoire national, mais aussi dans les répertoires importés, comme l'italien - de Louis XIV imposant Cavalli jusqu'aux chantres du Bel canto venus se faire reconnaître à Paris -, et l'allemand - avec Gluck et plus tard le triomphe durable du wagnérisme français.

Au XXe siècle, elle se retire pourtant peu à peu du jeu international, et se montre plus timide que ses voisins, restés habitués à l'exercice obligé de la création contemporaine, seul moyen de conserver vivant un art de la représentation. L'Opéra de Paris, qui pouvait s'enorgueillir encore avant guerre de créations majeures d'Albert Roussel (Padmavati en 1923), Alberich Magnard (Guercoeur en 1931), Darius Milhaud (Maximilien en 1932, Bolivar en 1951), George Enesco (Oedipe en 1936), a bien peu à offrir après le second conflit mondial en cette matière.

Et l'Opéra-Comique, qui avait en son temps été l'autre phare de la création française, sous la longue direction d'Albert Carré, avec Louise (1900) et Pelléas et Mélisande (1902), ou la création française d' Ariane à Naxos de Strauss avec Germaine Lubin, semble dès les années 1950 se réserver à quelques raretés pour public curieux - du Strauss moins populaire (Capriccio en 1957) à un Janacek trop longtemps méconnu (Katia Kabanova en 1968), aux côtés de très rares créations de compositeurs français (Maurice Ohana).

 Germaine Lubin évoque sa carrière

Germaine Lubin évoque sa carrière
[Format court]

Agée de 75 ans, la soprano française Germaine Lubin évoque en 1965 son immense carrière qui, entre les deux guerres mondiales, fit d'elle une des stars de l'Opéra de Paris sous la direction fort brillante de Jacques Rouché, et la vit aussi paraître au Festival de Bayreuth en 1938 et 1939.

14 mar 1965
04m 54s
 L'histoire mouvementée du Théâtre de l'Opéra-Comique

L'histoire mouvementée du Théâtre de l'Opéra-Comique
[Format court]

Après une courte évocation du passé prestigieux de l'Opéra-Comique par le son (Carmen) et l'image (gravures et promenade entre fresques et statuaire du lieu), des coupures de presse évoquent la fermeture du Théâtre, ce sur quoi Marcel Landowski, Directeur de la musique, de l'art lyrique et de la danse, explique que le destin de la seconde salle de la RTLN sera à partir de 1972 celui d'un Opéra Studio, dédié à la formation et à la création contemporaine, illustrée par un extrait du Syllabaire pour Phèdre de Maurice Ohana, jouée sur la scène de la Salle Favart.

30 avr 1972
04m 58s

Au Palais Garnier, « plein de poussière et de merde » - critique virulente de Pierre Boulez en 1967, très symptomatique du fossé marquant l'énorme distance qui s'est installée entre la RTLN et la création contemporaine - on tarde même à inscrire au répertoire les chefs-d'œuvre reconnus que sont Wozzeck (en 1964), Moïse et Aaron (en 1973), Lulu (en 1979). Des œuvres déjà quarantenaires quand elles paraissent sur la grande scène parisienne, mais heureusement déjà présentées par d'autres scènes françaises moins timorées, osant inviter des productions étrangères (les premières françaises de Wozzeck et de Lulu ont ainsi lieu à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, en 1952 et 1960) ou monter elles-mêmes ces raretés en français (Wozzeck à Strasbourg en 1949, Lulu à Marseille en 1963).

 Création de <i>Wozzeck</i> à l'Opéra de Paris

Création de Wozzeck à l'Opéra de Paris
[Format court]

Au terme d'une saison 1963-1964 exceptionnelle, le compositeur Georges Auric évoque l'entrée de Wozzeck d'Alban Berg au répertoire de l'Opéra de Paris, illustrée par un court extrait montrant Pierre Boulez au pupitre de l'Orchestre de l'Opéra, et dirigeant l'interlude entre les deux dernières scènes de l'œuvre.

04 aoû 1964
02m 31s
 <i>Wozzeck</i> d'Alban Berg au Châtelet par Chéreau et Barenboïm

Wozzeck d'Alban Berg au Châtelet par Chéreau et Barenboïm
[Format court]

Des extraits du Wozzeck d'Alban Berg mis en scène au Châtelet par Patrice Chéreau et dirigé par Daniel Barenboïm, avec Franz Grundheber en Wozzeck et Waltraud Meier en Marie, ponctuent des interviews de la cantatrice, du metteur en scène et du chef d'orchestre.

02 juin 1992
02m 25s
 Création mondiale de <i>Lulu</i> d'Alban Berg, version en 3 actes

Création mondiale de Lulu d'Alban Berg, version en 3 actes
[Format court]

Interview de Pierre Boulez à propos d'Alban Berg, l'auteur de Lulu, entrecoupée d'extraits de la production de Patrice Chéreau. La scène du peintre et le meurtre du Dr. Schön permettent de retrouver la Lulu de Teresa Stratas, le peintre de Robert Tear, et le Dr. Schön de Franz Mazura.

24 fév 1979
02m 38s

Que dire alors de l'oubli quasi méprisant par les deux premières scènes françaises des chefs-d'œuvre de Chostakovitch (Le Nez - vu en 1977 à Nanterre - attendra 1991 pour entrer à l'Opéra-Comique, 2005 pour entrer à l'Opéra, où Lady Macbeth de Mzensk ne paraîtra qu'en 1992), de Weill (Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny à Garnier en 1995), de Busoni (Doktor Faust en 1989), de Hindemith (Cardillac en 2005, Mathis le peintre en 2010), de Zemlinsky (Le Nain en 1998), de Janacek (Jenufa en 1981, Katia Kabanova en 1988 seulement, L'affaire Makropoulos en 2007 - alors que l'ORTF l'avait créé en concert en 1968) ?

Les œuvres de la génération d'après-guerre ne sont d'ailleurs guère mieux traitées dans les premières années de leur apparition : Les Soldats de Zimmerman, immense chef-d'œuvre créé à Cologne en 1965, passeront par l'0péra de Lyon en 1982 - bien avant d'atteindre l'Opéra Bastille en 1994.

 Création française de <i>Die Soldaten</i> de Bernd Aloïs Zimmermann à Lyon

Création française de Die Soldaten de Bernd Aloïs Zimmermann à Lyon
[Format court]

Court reportage sur la création française de l'opéra de Zimmermann à l'Auditorium de Lyon, en février 1983, sous la direction de Serge Baudo, où entre deux scènes de répétitions avec la cantatrice Nancy Shade, le cinéaste Ken Russell s'explique en peu de mots sur sa capacité à mettre en scène une œuvre réputée impossible à monter.

13 fév 1983
01m 36s

Même si Peter Grimes de Britten est joué au Palais Garnier dès 1948, deux ans après sa création, et si The Rake's progress de Stravinski n'attend que deux ans, en 1953 ; si Le grand Macabre de Ligeti apparaît au Palais Garnier en 1981, trois ans après sa création à Stockholm, et si Lear de Aribert Reimann suit en 1982, quatre ans après sa création munichoise, si enfin Un Re in ascolto de Berio atteint l'Opéra Bastille en 1991 moins de sept ans après sa création salzbourgeoise, ce sont des exceptions.

Le nombre d'œuvres qui n'ont jamais connu les planches de l'Institution parisienne - signées Henze, Nono, Maderna, Stockhausen, Penderecki, Kagel, Rautavaara, Adès - reste impressionnant... alors qu'on les croise depuis longtemps à La Scala, au Covent Garden, au Metropolitan Opera, ou même à Nancy et Strasbourg.

 <i>Le Grand Macabre</i> à l'Opéra de Paris

Le Grand Macabre à l'Opéra de Paris
[Format court]

À l'occasion de la première à l'Opéra de Paris du Grand Macabre de György Ligeti en 1981, courts extraits de l'opéra et interviews de l'auteur qui s'explique sur le type d'opéra qu'il a voulu créer, et du metteur en scène Daniel Mesguish.

24 mar 1981
03m 25s

Un mouvement de renouveau

Certes, dans les années 70, alors qu'en France, le genre opéra est au creux de la vague, le renouveau initié par la présence de Rolf Liebermann - lui-même compositeur d'opéras créés au Festival de Salzbourg dans les années cinquante - à la direction de l'Opéra, puis de l'Opéra-Comique, va changer lentement la donne.

 Début du mandat de Rolf Liebermann à L'Opéra de Paris en 1973

Début du mandat de Rolf Liebermann à L'Opéra de Paris en 1973
[Format court]

A l'occasion de le réouverture de l'Opéra de Paris en mars avril 1973 sous la nouvelle direction de Rolf Liebermann, extraits de l'Orphée de Gluck dans la production de René Clair, avec Nicolaï Gedda, et interviews de Rolf Liebermann et d'André Courby, porte parole des personnels, à propos du prix des places.

30 mar 1973
03m 46s

L'opéra revient à la mode en France, et devient le lieu d'évènements « branchés » ; et la création, dont l'archétype est l'achèvement de la Lulu de Berg en 1979 - pierre blanche de l'histoire de l'opéra du XXe siècle -, y reprend une place importante, car plus ouverte sur le monde réel.

 Création mondiale de <i>Lulu</i> d'Alban Berg, version en 3 actes

Création mondiale de Lulu d'Alban Berg, version en 3 actes
[Format court]

Interview de Pierre Boulez à propos d'Alban Berg, l'auteur de Lulu, entrecoupée d'extraits de la production de Patrice Chéreau. La scène du peintre et le meurtre du Dr. Schön permettent de retrouver la Lulu de Teresa Stratas, le peintre de Robert Tear, et le Dr. Schön de Franz Mazura.

24 fév 1979
02m 38s

Mais de fait, l'Opéra de Paris, de par ses statuts, se réserve d'abord aux créations des compositeurs français. Rares sont celles qui laissent hélas une trace définitive : citons les évidences, avec Francis Poulenc et sa Voix humaine (mais Les Mamelles de Tiresias, et Dialogues des Carmélites ne sont pas créés au Palais Garnier, mais à l'Opéra-Comique et à La Scala de Milan) et Saint François d'Assise d'Olivier Messiaen.

 Création de<i> La Voix humaine</i> de Poulenc

Création de La Voix humaine de Poulenc
[Format court]

Quelques mois après la création à l'Opéra-Comique, Francis Poulenc, interrogé par Bernard Gavoty, évoque les circonstances drôlatiques, liées à Maria Callas, qui l'ont amené à composer La voix humaine, sur la pièce de Jean Cocteau, et accompagne ensuite au piano Denise Duval, sa créatrice, dans un extrait de l'œuvre.

14 mai 1959
07m 58s
 Denise Duval chante un extrait de <i>Dialogues des Carmélites</i> de Poulenc

Denise Duval chante un extrait de Dialogues des Carmélites de Poulenc
[Format court]

Interrogé par Bernard Gavoty, Francis Poulenc évoque brièvement la création de ses Mamelles de Tirésias, puis de Dialogues des Carmélites. Il laisse la place à Denise Duval, la créatrice de ses opéras en France, qui après que le présentateur ait résumé le début de l'œuvre de Georges Bernanos, chante un extrait du premier acte.

14 mai 1959
05m 32s
 Olivier Messiaen présente son opéra <i>Saint François d'Assise</i>

Olivier Messiaen présente son opéra Saint François d'Assise
[Format court]

Interrogé par Mildred Clary, Olivier Messiaen expose les principes mêmes de son opéra Saint François d'Assise, quelques minutes avant la retransmission intégrale télévisée de l'œuvre, quelques jours après sa création à l'Opéra de Paris le 28 novembre 1983.

12 déc 1983
08m 49s
 L'ange musicien de <i>Saint François d'Assise</i> d'Olivier Messiaen

L'ange musicien de Saint François d'Assise d'Olivier Messiaen
[Format court]

Extrait du 2e acte de l'opéra de Messiaen, lors de sa création en 1983, avec l'apparition de l'Ange musicien (Christiane Eda-Pierre) à Saint François (José van Dam).

12 déc 1983
04m 07s

Pour la majorité des autres, leur destin confidentiel est trop souvent de ne connaître aucune reprise ailleurs, et surtout pas à l'étranger : Ondine de Daniel-Lesur en 1982, La Célestine d'Ohana en 1988, Salammbô de Fénelon en 1998, K de Manoury en 2001, Perela, l'homme de fumée de Dusapin en 2003, Akhmatova de Mantovani en 2011 l'illustrent trop parfaitement.

Mais tandis que l'Avant-garde française reste ainsi cramponnée depuis la guerre au respect des principes de l'École de Vienne, devenus dogmes, et s'obstine à écrire dans ce vocabulaire - neuf en 1920, mais désormais figé et notoirement incapable de véritable diversité -, les influences extérieures et le besoin de nouveauté se manifestent avec de plus en plus d'évidence au public, avec notamment la découverte de la modernité américaine.

Point de départ : Einstein on the Beach de Philip Glass au Festival d'Avignon en 1976, repris aussitôt à l'Opéra-Comique, mais seulement 36 ans plus tard à Montpellier. Premier pas d'une ouverture à d'autres styles, qui sera suivi en matière de minimalisme militant par Nixon in China de Adams à Bobigny en 1991, mais au Châtelet aussi tard qu'en 2012... L'opéra américain, avec les références Gershwin, Copland, Menotti, Barber, Bernstein, les néo-romantiques Floyd, et Carigliano, avec Bryars et Feldman, peine pourtant à pénétrer l'Europe, et plus encore la France. La vitalité de la création anglaise, où le colosse Britten cache une école brillante et vivante, entre Birtwistle, Turnage, Adès, peine tout autant. Et si les œuvres du belge Boesmans sont quasi automatiquement jouées - et même créées (Yvonne, princesse de Bourgogne, à l'Opéra de Paris en 2009) en France, les compositeurs scandinaves (Rautavaara, Rouders en tête), russes, italiens même n'y sont que rarissimes ...

Il faut alors compter sur la rivalité instaurée politiquement au Châtelet, qui crée en France Adams (El Nino), Berio (Outis), Saariaho (L'amour de loin), importe Boesmans (Le Conte d'hiver), reprend Ligeti (Le Grand Macabre) ... ou sur la modernité des scènes de banlieue, comme la MC93 de Bobigny qui importe Adams, ou les Amandiers de Nanterre qui crée Dusapin (To be sung) et montre Goebbels (Hashirigaki), Harvey (Wagner Dream) et Sciarrino (Lohengrin) pour que la création redevienne normalité pour le public parisien.

 Création Française d'<i>Outis</i> de Luciano Berio au Théâtre du Châtelet

Création Française d'Outis de Luciano Berio au Théâtre du Châtelet
[Format court]

Entre trois courts extraits d'Outis, présenté en création française sur la scène du Théâtre du Châtelet sous la direction de David Robertson, Yannis Kokkos, le metteur en scène, donne quelques clés du contenu de l'œuvre de Luciano Berio, qui s'exprime sur la façon dont sa musique explore son théâtre.

14 nov 1999
03m 08s
 <i>Hashirigaki</i> de Heiner Goebbels au Théâtre des amandiers

Hashirigaki de Heiner Goebbels au Théâtre des amandiers
[Format court]

Images mouvantes d'un opéra qui n'en est pas un, dans ce reportage sur Hashirigaki de Heiner Goebbels, qui s'explique sur le caractère de son œuvre, collage de textes de Gertrude Stein, de musique des Beach Boys et de sonorités traditionnelles japonaises.

11 mar 2001
01m 40s

En régions

Il faut alors rendre hommage aux institutions de concert, et en particuliers aux orchestres de la Radio (ORTF, puis Radio France) qui souvent osent, bien avant la scène et ses lourdes contraintes, proposer des œuvres inconnues du public français. Et plus encore aux Opéras de région, beaucoup plus curieux et innovants que les institutions parisiennes. C'est incontestablement le lieu de la création contemporaine en France dans les années 60, bien plus riche que l'on ne s'en souvient, simplement parce que les créateurs français choisis ne sont pas tous de tout premier plan, et que le plus grand nombre d'entre eux a sombré dans l'oubli.

L'Opéra de Lyon s'impose comme le véritable foyer de la création contemporaine en France dès les années 60, avec les premières d'œuvres d'André Jolivet, Joseph Kosma, Claude Prey, Jean Prodromides, Antoine Duhamel, Marcel Landowski, Georges Aperghis (L'écharpe rouge), Betsy Jolas (Schliemann), Michael Levinas (Les Nègres), Peter Eöstvös (Trois sœurs) ... tout en effectuant les premières française d'importance, comme The death of Klinghoffer d'Adams. Le capitole de Toulouse n'est pas en reste, avec des créations de Henri Tomasi, Antoine Duhamel (Gambara), Landowski (Montségur). L'Opéra du Rhin fait de même, qui crée Aperghis, Girolamo Arrigo, Ahmed Essyad, René Koering, Prey (Les Liaisons dangereuses), Rihm (Lenz), Giorgio Batistelli (Prova d'orchestra, Richard III).

 Création mondiale de <i>Montségur</i> de Marcel Landowski

Création mondiale de Montségur de Marcel Landowski
[Format court]

Michel Plasson et Nicolas Joël, respectivement directeur musical et directeur général du Capitole de Toulouse, évoquent la création de Montségur, grand opéra historique de Marcel Landowski créé en 1985 à Toulouse. Les protagonistes du spectacle décrivent leurs rôles. Des extraits du spectacle ponctuent leurs propos.

31 jan 1985
05m 36s

D'autres scènes sont moins aventureuses, mais on a vu l'Opéra de Nice assurer la création française de Lady Macbeth de Chostakovich en 1964, 30 ans après la Première russe, ou celle de De la maison des morts de Janacek... Une politique qui reflète surtout la personnalité des directeurs de chaque maison. On voit ainsi le Festival d'Aix-en-Provence, longtemps peu ouvert à la création contemporaine, l'inscrire dans la durée dès la fin des années quatre-vingt (Le Rouge et le noir de Prey, Le Balcon de Eötvös, Hanjo de Toshio Hosokawa, Julie de Boesmans, ou tout récemment le chef-d'œuvre qu'est Written on skin de George Benjamin).

On voit presque chaque scène s'atteler à nouveau, comme dans les années 60, à la création, mais sans se limiter désormais au seul univers musical français : ainsi des premières mondiales de Karetnikov (Till Eulenspiegel) et Floyd (Of Mice and Men) à Nantes côtoient-elles désormais des créations de compositeurs importants, comme Dusapin (Roméo et Juliette) à Montpellier...

 <i>Roméo et Juliette</i>, opéra de Pascal Dusapin

Roméo et Juliette, opéra de Pascal Dusapin
[Format court]

Interviewé à l'occasion d'une représentation de son opéra Roméo et Juliette au Festival d'Avignon en 1989, peu de temps après la création de cette œuvre au Festival de Radio-France à Montpellier, Pascal Dusapin dit vouloir donner du plaisir au public. Suivent quelques images du spectacle.

24 juil 1989
04m 40s

Conclusion

A l'aube du XXIe siècle, la situation de quasi déshérence du milieu du XXe siècle a de fait bien changé. La création contemporaine remplit à nouveau les salles, stimule les politiques culturelles, devient représentative d'ouverture intellectuelle, mais aussi de choix politiques, comme nombre d'autres expressions culturelles - comme l'architecture, la place de l'œuvre d'art dans la cité, la création de musées... Avec des réussites et des ratés, bien entendu.

Mais cela, c'est l'histoire de l'Opéra depuis quatre siècles déjà.

Pour aller plus loin