Début du mandat de Rolf Liebermann à L'Opéra de Paris en 1973
Notice
A l'occasion de le réouverture de l'Opéra de Paris en mars avril 1973 sous la nouvelle direction de Rolf Liebermann, extraits de l'Orphée de Gluck dans la production de René Clair, avec Nicolaï Gedda, et interviews de Rolf Liebermann et d'André Courby, porte parole des personnels, à propos du prix des places.
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Éclairage
L'histoire de l'Opéra de Paris a souvent alterné périodes de crises et périodes de splendeur. Le mandat de Rolf Liebermann, de 1973 à 1980, est l'un des plus brillants du XXe siècle. Il succède à une période de lent affaissement de la qualité artistique de la troupe de l'Opéra à la fin des années soixante et à des troubles sociaux récurrents à partir de 1968. Après une fermeture, un intérim d'un an assuré par Daniel Lesur et Bernard Lefort, et une nouvelle fermeture avant le début de saison du directeur suisse allemand (pour lequel il a fallu modifier les statuts de la RTLN, qui ne permettaient pas à un étranger de la diriger), l'Opéra de Paris, rénové, doté de moyens considérables, mais dans un climat tendu, rouvre. Deux oeuvres sont au programme : Les Noces de Figaro, dans une production de Giorgio Strehler qui devient emblématique de cette époque, données à Versailles le 30 mars 1973 pour deux soirées de gala, et reprises aussitôt au Palais Garnier ; et Orphée de Gluck, mis en scène par René Clair. Attendu comme le sauveur par la haute administration, contesté par le milieu musical français pour avoir entériné la suppression de la troupe permanente, peu apprécié de la majorité des syndicats parce qu'il obtient une fermeture totale de l'Opéra et la possibilité de renouveler l'ensemble des contrats des personnels, Rolf Liebermann doit rapidement gagner son pari, et redonner à l'Opéra de Paris un niveau artistique global qu'il n'a plus eu depuis l'époque de Jacques Rouché, avant la guerre.
Rolf Liebermann (1910-1999), compositeur suisse, entre autres de plusieurs opéras, dont Penelope, créée au Festival de Salzbourg en 1954 et de L'Ecole des femmes créé à Louisville en 1955, devient en 1950 directeur artistique de l'orchestre de la Radio de Zurich, puis en 1957 de la NDR de Hambourg avant de prendre, de 1959 à 1972, l'Intendance de la Staatsoper de Hambourg qu'il hisse au premier rang mondial - en particulier par une formidable politique de création contemporaine. Il quitte ce poste pour la direction de l'Opéra de Paris en 1973, pour huit ans. A la suite de quoi, il se consacre à nouveau à la composition (La Forêt en 1987, Freispruch für Medea en 1995), à la mise en scène (Parsifal à Genève), et revient encore à Hambourg pour un second directorat de 1985 à 1988.
À Paris, il impose le système de la stagione, par opposition à la saison de répertoire, garant d'une meilleure qualité artistique en évitant la dispersion des spectacles tout au long de la saison. Il offre une politique de haut niveau artistique international, sorte de festival permanent, qui permet à l'Opéra d'afficher des distributions de très haut niveau où brillent, souvent pour la première fois à Paris, les meilleurs chanteurs du moment, mozartiens (Margaret Price, Kiri Te Kanawa, Teresa Berganza, Frederica von Stade), pucciniens (Luciano Pavarotti, Mirella Freni), verdiens (Placido Domingo, Piero Cappucilli, Martina Arroyo), wagnériens et straussiens (Birgit Nilsson, Leonye Rysanek, Christa Ludwig ) et nombre d'immenses vedettes comme Jon Vickers, Nicolaï Ghiaurov, Nicolaï Gedda, Teresa Stratas... et les meilleurs chanteurs français de l'époque comme Gabriel Bacquier, Roger Soyer, Christiane Eda-Pierre, Mady Mesplé... même s'il est parfois moins heureux pour la distribution de certains opéras français. Une politique moins réussie également en matière de chefs d'orchestre, pas toujours de tout premier plan, malgré la présence plus ou moins régulière de Georg Solti, conseiller musical de 1973 à 1974, et de grands maîtres comme Karl Böhm, Lorin Maazel, Seiji Ozawa, Pierre Boulez...
Tandis que le ballet affiche également un renouveau incontestable, la scène est marquée par quelques réussites absolues et historiques, avec des spectacles emblématiques signés Giorgio Strehler (Les noces de Figaro, Simon Boccanegra), Jorge Lavelli (Faust, Pelléas et Mélisande, Madame Butterfly, Œdipe-Roi, L'Heure espagnole), Patrice Chéreau (Les Contes d'Hoffmann, Lulu), John Dexter (Les Vêpres siciliennes), Peter Stein et Klaus Michael Grüber (L'Or du Rhin et La Walkyrie, très contestés), Gian Carlo Menotti (La Bohème), tous entrés dans la légende dorée de l'Opéra de Paris.
En fait, avec Rolf Liebermann - dont la présence est un choix artistique, mais aussi un choix politique autant que financier, voulu et assumé par le Politique d'alors -, Paris retrouve non seulement un rang international en matière lyrique, mais découvre l'événement permanent. L'ère Liebermann s'inscrit dans l'Histoire comme l'un des âges d'or de l'Opéra de Paris.