Germaine Lubin évoque sa carrière
Notice
Agée de 75 ans, la soprano française Germaine Lubin évoque en 1965 son immense carrière qui, entre les deux guerres mondiales, fit d'elle une des stars de l'Opéra de Paris sous la direction fort brillante de Jacques Rouché, et la vit aussi paraître au Festival de Bayreuth en 1938 et 1939.
- Jacques Offenbach - Compositeur(trice)
- Richard Strauss - Compositeur(trice)
- Richard Wagner - Compositeur(trice)
- Charles Gounod - Compositeur(trice)
- Joseph-Guy Ropartz - Compositeur(trice)
- Vincent (d') Indy - Compositeur(trice)
- Paul Dukas - Compositeur(trice)
- Gabriel Fauré - Compositeur(trice)
- Germaine Lubin - Chanteur(se)
- Europe > Allemagne > Bayreuth
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Éclairage
Chanter Isolde au Festival de Bayreuth en 1939, avec Adolf Hitler à ses pieds, quand on est française, ce n'est assurément ni banal, ni sans conséquences. Son soutien maladroit à la cause wagnérienne et allemande dans la France occupée valut à Germaine Lubin, la plus grande cantatrice française de son temps, une fin de carrière indigne de son immense talent.
C'est à l'Opéra-Comique que la jeune parisienne Germaine Lubin fait ses débuts en 1912 dans Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach. Admirée de Gabriel Fauré, épousée par le poète Paul Geraldy, se perfectionnant encore auprès de Felia Litvinne et de Lilly Lehmann, elle gagne la scène de l'Opéra en 1915. Elle y reste jusqu'en 1944, devenant bientôt la cantatrice française la plus importante de son époque. Avec sa voix immense et son art du chant d'une beauté exceptionnelle, avec un physique sculptural, son règne se fait quasiment sans partage au Palais Garnier sur le répertoire de grand soprano lyrique, puis dramatique, pendant toute la direction de Jacques Rouché. Chantant d'abord les traditionnelles Marguerite du Faust de Gounod ou Thaïs de Massenet, abordant bientôt Aïda de Verdi et ses premiers Wagner (Sieglinde en 1921, puis Elsa, Eva, Elisabeth), tout en créant des œuvres de Vincent d'Indy (La légende de Saint Christophe) et plus tard d'Henri Sauguet (La chartreuse de Parme) et de Darius Milhaud (Maximilien), elle ajoute à son répertoire les grands rôles de sopranos dramatiques. Invitée bientôt par Clemens Krauss à l'Opéra de Vienne, elle chante sur la plupart des grandes scènes européennes. Elle aborde le répertoire straussien avec bonheur (Ariane à Naxos, que Richard Strauss lui-même dirige pour elle à Vienne, et qu'elle crée à l'Opéra-Comique à Paris en 1943, comme, à l'Opéra, Le chevalier à la rose en 1927 et Elektra en 1932), mais aussi le grand classicisme français (Iphigénie en Tauride de Gluck, Alceste, qu'elle incarne face à Georges Thill, Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas, Pénélope de Fauré). Elle chante également les grands Wagner, Brünnhilde, et Isolde qu'elle aborde à Paris en 1930, et dont elle fête la 100e représentation au Palais Garnier en 1938 sous la direction de Wilhelm Furtwängler. C'est l'année où, invitée par Winifred Wagner à Bayreuth, elle chante Kundry de Parsifal pour Franz von Hoesslin. Elle y revient pour interpréter Isolde en 1939 pour Victor De Sabata, mais refuse de s'y produire à nouveau après la défaite de 1940. Mais elle participe de façon trop voyante aux représentations allemandes de l'Opéra sous l'occupation (en particulier Tristan et Isolde avec Max Lorenz, dirigé par le jeune Herbert von Karajan lors d'une tournée de l'Opéra de Berlin en 1941, et un concert lors de l'exposition Arno Breker à l'Orangerie) pour ne pas être inquiétée : accumulant les propos malheureux, aveuglée même par son importance artistique réelle, desservie par sa trop grande supériorité de ton, elle est arrêtée en 1944, frappée d'indignité nationale pendant 5 ans et privée de ses biens. Après une tentative de reprise de carrière avortée, elle se consacre à l'enseignement, et a entre autres comme élèves Régine Crespin et Jocelyne Taillon.