La Saint-Nicolas au Luxembourg
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En décembre, saint Nicolas est très attendu au Luxembourg. L'occasion pour les enfants de rêver au jouet qui sera le leur.
Reportage dans un magasin rempli de jouets et d'enfants.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
24 déc. 1955
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Contexte historique
ParMaître de conférences HDR en Histoire médiévale, Crulh, Université de Lorraine, Académie de Stanislas
Le reportage se déroule en 1955 dans un magasin abondamment éclairé qui contraste avec les rues sombres de décembre d’une ville luxembourgeoise. Le magasin est rempli de jouets dont certains comme les trains électriques reflètent les nouvelles technologies arrivées en Europe vers 1950. Les enfants sont émerveillés et les adultes qui les accompagnent retrouvent un instant les yeux de leur enfance. Le visage de saint Nicolas reproduit en grand format sur le mur du magasin rappelle qu’il s’agit de sa fête particulièrement célébrée au Luxembourg.
En effet, protecteur de la Lorraine, saint Nicolas faisait aussi l’objet d’un culte important dans les pays voisins (Luxembourg, Belgique et Hollande). Il est surtout connu par la légende des trois petits enfants au cuveau qui dérive de l’histoire d’un personnage qui a réellement existé : Nicolas, évêque de Myre (sud de l’actuelle Turquie) au IVe siècle, qui sauva de la mort des jeunes gens et des marins, combattit les injustices et secourut les pauvres et les malades. Il décéda un 6 décembre qui devint le jour de sa principale fête. Son culte se répandit au VIe siècle à Constantinople, puis dans l’ensemble de l’empire byzantin qui le fit à son tour connaître en Russie puis en Germanie où il fut propagé au Xe siècle par l’impératrice Théophano. Les clercs allemands le diffusèrent en 1018 à Trèves d’où l’une de ses reliques fut offerte à l’abbaye luxembourgeoise d’Echternach qui lui dédia une chapelle dans le deuxième tiers du XIe siècle. De Trèves, sa dévotion gagna vers 1030 la Belgique (Liège, Stavelot et Saint-Hubert), puis le nord de la Lorraine comme l’attestent des consécrations d’autels en 1045 à Verdun, en 1065 à Gorze près de Metz, et en 1070 à Metz même.
La translation du corps du saint de Myre à Bari (Pouilles, sud de l’Italie) en mai 1087 donna une nouvelle ampleur à son culte et permit l’arrivée au début des années 1090 d’une relique dans le sud de la Lorraine, à Port, près de Varangéville sur la Meurthe, non loin de Nancy, à l’origine de Saint-Nicolas-de-Port, importante ville de pèlerinage et de commerce. Le pieux prélat est en effet invoqué par les marins, les bateliers et les marchands. C’est en 1166 qu’est mentionnée une église Saint-Nicolas édifiée sur le nouveau marché de la ville de Luxembourg par les bourgeois vivant du commerce. De même les bateliers de Remich assurant le transport sur la Moselle se sont placés sous sa protection et ont érigé sa statue sur la porte principale de la ville. Aux XVe et XVIe siècles les Luxembourgeois se rendaient régulièrement à Saint-Nicolas-de-Port tant pour les affaires que pour le pèlerinage et, comme en Hollande, leurs juges y envoyaient des condamnés en pèlerinage expiatoire.
Mais saint Nicolas est aussi le saint patron des enfants avec le développement en Occident à partir du XIIe siècle de la légende des trois écoliers mis au saloir par l’affreux boucher et qu’il fit revenir à la vie. Elle est représentée en Lorraine sur les vitraux et les enluminures dès le XIIIe siècle et le 5 décembre, veille de sa fête, donna vite lieu à un joyeux défilé mené par un garçonnet costumé en saint Nicolas. Les archives de Metz font ainsi état au XVe siècle d’une tenue de petit évêque et de distributions de vêtements, de gâteaux et de viande aux enfants nécessiteux. C’est aussi à Metz qu’apparut au milieu du XVIe siècle un compagnon du saint chargé de punir les enfants désobéissants, le Père Fouettard, qui trouve son origine dans un pastiche de l’empereur Charles Quint inventé par les Messins pour exorciser leur peur lors du siège de leur ville par les troupes impériales en 1552 et qui suscita des variantes au Bénélux. La fête populaire, presque plus importante que Noël, fête de la lumière dans la nuit de décembre à l’approche du solstice d’hiver, est très suivie dans le nord de la Moselle et au Luxembourg où saint Nicolas a pris le nom de « Kleeschen » et donne lieu à des rites spécifiques : le dimanche précédent, un personnage déguisé en saint évêque arrive souvent, comme en Hollande et en Belgique, sur un bateau accompagné d’anges et d’ « Housecker » - le père Fouettard luxembourgeois - caché sous une capuche noire. Le cortège gagne l’Hôtel de ville d’où le saint salue la foule et reçoit les clés de la cité. Le 5 décembre les enfants lui préparent une assiette et déposent leurs chaussons sur leur fenêtre ou sur leur porte pour que la nuit il y laisse tomber des cadeaux. Ils découvrent ceux-ci au matin et chantent des chansons en l’honneur du saint en dégustant des Boxemännchen, petits bonhommes en brioche.
La fête a failli disparaître pendant la Seconde Guerre mondiale car le régime nazi avait contraint le Grand-Duché à renoncer à sa langue, à sa culture et à ses fêtes. Mais en 1944, quand la 28e division d’Infanterie s’est repliée à Wiltz, le caporal Harry Stutz proposa à son ami le caporal Richard Brookins de se grimer en saint Nicolas pour ramener un peu d’espoir aux habitants. Accompagné de deux gamins vêtus en anges, celui-ci défila dans les rues de la ville à l’arrière d’une Jeep de l’armée américaine, distribuant chewing-gums et rations de chocolat aux enfants. Depuis lors, l’American St. Nick est saluée chaque année à Wiltz. Le reportage télévisé qui a lieu 11 ans plus tard montre que la fête s’est bien maintenue au Luxembourg mais qu’elle a pris des formes nouvelles liées à la société de consommation et que la représentation de Saint-Nicolas aux joues rebondies n’est pas sans évoquer son avatar, le Père Noël (Santa Claus), apparu aux États-Unis vers 1820, diffusé en Europe après 1945 et reconnaissable à son visage rubicond. Mais le magasin abondamment éclairé et rempli de jouets se rattache bien à cette fête de la lumière au milieu de l’hiver, associée aux cadeaux et aux enfants. Le « Niklosdag » (jour de la Saint-Nicolas) est encore aujourd’hui très fêté. Depuis 2019, il est inscrit au Patrimoine Culturel Immatériel du Luxembourg au même titre que la Procession dansante d’Echternach et la grande fête foraine du « Schueberfouer » , sur la liste des « pratiques sociales, rituels et événements festifs » que le Grand-Duché s’engage à préserver, enrichir et conserver.
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