Manifestation des salariés d'ArcelorMittal à Schifflange au Luxembourg
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Peu de temps après la décision de mise à l'arrêt des deux derniers hauts-fourneaux lorrains, c'est maintenant le Luxembourg qui est touché avec l'annonce de la fermeture de l'aciérie ArcelorMittal de Schifflange. Rencontre à Schifflange avec des salariés français transfrontaliers venus manifester, parmi nombre de leurs collègues, devant leur usine.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
08 oct. 2011
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Contexte historique
ParDoctorant en Histoire, Crulh, Université de Lorraine
Le reportage, diffusé lors de l’édition d’un journal des régions de France 3 Lorraine, s’ouvre sur un plan d’ensemble d’une manifestation où fleurissent de nombreux drapeaux syndicaux. La voix off nous apprend qu’il s’agit d’un rassemblement de salariés venus protester contre la fermeture annoncée quelques jours plus tôt de l’usine sidérurgique luxembourgeoise de Schifflange, propriété du groupe Arcelor-Mittal. Nous sommes en 2011, soit une trentaine d’années après la grande crise de la sidérurgie continentale (1974-1984), et le sort de ce secteur industriel majeur paraît encore soumis aux incertitudes des restructurations et des fermetures d’usines.
Pourtant, le début du XXIe siècle avait vu une reprise internationale du marché de l’acier, traduite par une hausse de la production sidérurgique. En Europe, cette reprise fut marquée par la création d’un nouveau groupe sidérurgique, continental cette fois. C’est ainsi qu’en 2002, le groupe Arcelor voit le jour, fruit de la fusion du luxembourgeois l’Arbed, de l’espagnol Aceralia et du français Usinor. Ce mastodonte industriel emploie alors 100 000 salariés répartis dans une soixantaine de pays et bénéficie d’une capacité de production de près de 44 milliards de tonnes.
A l’orée de ce nouveau siècle, la sidérurgie est devenue un secteur définitivement mondialisé à la tête duquel se trouvent des firmes multinationales. Le groupe Arcelor est rapidement touché par la montée en puissance de cette nouvelle phase de mondialisation du capitalisme industriel puisqu’en 2006, soit quatre ans à peine après sa création, cette holding européenne est absorbée par le géant indien Mittal et devient Arcelor-Mittal, premier groupe sidérurgique mondial. L’une des causes et conséquences de cette nouvelle phase de mondialisation du capitalisme industriel entamée à la fin du XXe siècle est une répartition mondiale inédite des espaces de production. Dès lors, Les grandes firmes multinationales n’hésitent plus à délocaliser leurs sites usiniers d’une région vers une autre où les coûts de production sont moins élevés. Les causes de la contraction des effectifs dans la sidérurgie sont également à chercher du côté de la modernisation de ce secteur industriel. En effet, allant de pair avec une amélioration des conditions de travail, les évolutions techniques et technologiques notables de la fin du XXe siècle et du début du XXIe ont réduit le besoin en main d’œuvre et fait progressivement du métier de sidérurgiste une profession de techniciens et d’ingénieurs davantage que d’ouvriers.
C’est dans ce contexte qu’on assiste en Europe de l’Ouest, à une nouvelle salve de fermeture d’usines, toutes propriétés du groupe Arcelor-Mittal. C’est d’abord le site lorrain de Gandrange qui ferme ses portes en 2008. 1 180 emplois sont supprimés, 400 sous-traitants et 200 intérimaires ne sont pas réemployés tandis que 575 travailleurs sont réaffectés dans d’autres usines du groupe, dont un certain nombre à Schifflange au Luxembourg. C’est le cas des trois jeunes gens interviewés à la fin du reportage. Ils racontent comment ils ont été réemployés au Luxembourg après la fermeture de l’usine de Gandrange. Ces interviews témoignent de la mobilité forcée des ouvriers sidérurgistes, au gré des fermetures d’usines, à l’intérieur de l’espace géographique dit des Trois Frontières, qui comprend la Lorraine française, le Sud-Est de la Belgique et le Sud-Ouest du Luxembourg. Outre son caractère transfrontalier, cet espace géographique est caractérisé par un sous-sol abritant un important gisement de fer. C’est cette ressource minérale qui a structuré la vie économique et sociale de ces régions autour des activités minières et sidérurgiques tout au long du XXe siècle. De plus, en sus de la mobilité géographique, ces processus de restructuration industrielle exigent des travailleurs une grande flexibilité et une capacité de reconversion d’un poste de travail à un autre, puisque les emplois disponibles d’une usine à une autre ne correspondent pas systématiquement.
Le second interviewé fait part de sa surprise devant l’annonce de fermeture du site de Schifflange. Il pensait le secteur sidérurgique luxembourgeois à l’abri du déclin industriel qui a longtemps touché la Lorraine voisine. Pourtant, si les conséquences de la crise sidérurgique européenne des années 1970-1980 furent moins violentes que dans d’autres pays tels que la France, grâce à notamment des politiques de reconversion et d’accompagnement social déployées très tôt, les effets négatifs furent bien réels au Luxembourg. Le nombre d’employés du secteur sidérurgique dans le Grand-Duché est passé de 25 000 à 12 000 entre 1974 et 1985. Par la suite, les effectifs n’ont cessé de baisser jusqu’au début du XXIe siècle. En 2013, soit deux ans après ce reportage, le pays comptait 4 800 salariés chez Arcelor-Mittal contre 4 125 en Lorraine.
Le dernier interviewé, casquette de l’OGB-L (Onofhängege Gewerkschaftsbond Lëtzebuerg : Confédération syndicale indépendante du Luxembourg), syndicat luxembourgeois majoritaire, vissée sur la tête, fait part de son fatalisme quant à l’issue inexorable du sort de l’usine de Schifflange et rappelle que malgré la mobilisation des salariés, le site de Gandrange a été fermé par Arcelor-Mittal quelques années plus tôt. Il traduit ainsi le sentiment d’abandon, notamment de la part des pouvoirs publics, qu’éprouvent de nombreux travailleurs de la sidérurgie. L’avenir lui donnera raison, puisque l’usine de Schifflange ferme définitivement ses portes en 2014. En France, c’est « l’affaire de Florange » qui anime le feuilleton de la sidérurgie de 2011 à 2013. Malgré une forte mobilisation appuyée sur des actions spectaculaires et un fort capital sympathie dans l’opinion publique, malgré les promesses du candidat François Hollande et les tentatives de l’État de trouver un repreneur, le groupe Arcelor-Mittal entérine la fermeture de ce site sidérurgique lorrain.
Bibliographie
- Pascal Raggi, La désindustrialisation de la Lorraine du fer, Paris, Classiques Garnier, 2019.
Transcription
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