Chewing Rock
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Résumé
Serge Gainsbourg est l’invité de l’émission de Georges Lang Chewing Rock. Il est rejoint par Alain Bashung qui raconte leur rencontre et collaboration sur le quatrième album Play Blessures. Les deux artistes reviennent sur cet album et leurs travaux personnels.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
02 févr. 1985
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Contexte historique
ParMaître de conférences en Sciences de l'information et de la communication, Crem, Université de Lorraine
Le samedi 2 février 1985 est inscrite comme une date mémorable de la grande histoire de RTL Télévision. Chacun se souvient, au fur et à mesure que la journée avançait, des effluves d’alcool et de tabac qui épaississaient progressivement l’atmosphère des studios de la Villa Louvigny.
Georges Lang, figure emblématique du journalisme musical, s’apprêtait à accueillir deux monstres de la chanson/pop française, particulièrement dissipés ce jour-là : Serge Gainsbourg, vedette sacrée et consacrée par les honneurs critiques et publics, s’était déplacé à Luxembourg pour présenter son dernier opus, Love on the Beat et Alain Bashung, pour lequel il avait signé les textes des chansons du sombre Play Blessures quelques années plus tôt en 1982, l’accompagnait pour assurer la promotion de son dernier titre devenu un succès par la suite, SOS Amor. A quelques mètres de ce trio attendait dans l’ombre, Bambou, compagne d’alors de Gainsbourg, laquelle allait jouer un rôle majeur au cours de cette journée toute particulière.
Georges Lang, peu impressionné par l’attitude insolente et quelque peu cynique de Gainsbourg, parvenait à maintenir la discussion autour de ce qui avait réuni les deux artistes, précisément leur collaboration pour Play Blessures. Il faut rappeler que le journaliste pouvait prétendre d’une grande expérience depuis son entrée à RTL Radio en 1971, et qu’il avait déjà reçu par le passé son lot de forts caractères, en la personne, par exemple, du mythique et sulfureux Johnny Cash. Il se caractérisait aussi par une manière de mener les entretiens en tutoyant ses interlocuteurs, ce qui n’était pas une pratique encore très répandue dans les années 1980. Promu au grade d'Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2021, Georges Lang est aujourd’hui considéré comme un des plus grands experts en Rock sudiste et country. Par ailleurs, sa carrière se signale par une grande tolérance d’esprit en ouvrant son émission Chewing Rock à tous les genres musicaux.
Qu’a-t-on appris au cours de cet interview ? Que le dandy Gainsbourg est un poète érudit qui a beaucoup apporté à la chanson française, traversant les styles avec une pleine réussite même lorsqu’il s’agissait de s’attaquer à la cold wave de Play Blessures, assez éloigné de son univers. Au-delà de ces considérations réelles sur la carrière extraordinaire de Gainsbourg (il mourra six ans plus tard en 1991), la magie de ce moment tient aussi en la présence aimable et bienveillante de Bashung qui contrebalançait avec la posture provocatrice de ce personnage devenu presque malgré lui « Gainsbarre », personnage qu’il avait fabriqué comme une créature derrière laquelle il pouvait se dissimuler sans pudeur. C’est ce moment d’insolence qui arriva peu après. Alors que Georges Lang le conviait à rejoindre le plateau pour un play-back de Love on the Beat, l’impassible Bambou a surgi dans le champ de la caméra pour danser torse nu le temps de l’enregistrement. Ne sachant pas si cela avait été préparé ou non, la scène a provoqué un flottement puis a aimanté l’ensemble du staff de RTL Télévision qui s’est peu à peu bousculé aux portes du studio, dont les apparitions remarquées des hauts responsables de l’époque (Jacques Navadic et Jean Stock) et d’une génération montante représentée par le jeune Jean-Luc Bertrand.
Il y avait quelque chose du film de Federico Fellini de Prova d’Orchestra dans ce désordre peut-être organisé : la cohue, les murmures, le parfum de scandale. Chacun pensait vivre un moment historique. Ce qui, sans aucun doute satisfaisait l’ego de Serge Gainsbourg. On s’en rappellerait ! Et on s’en rappelle encore, comme l’auteur de ces lignes, sur les lieux ce jour-là. Mais c’est la présence discrète de Herman Selleslags dont je me souviens davantage. Photographe mythique qui accompagna les Beatles, Franck Zappa, Jimi Hendrix…tous les héros de l’histoire du Rock. Auteur d’un célèbre cliché de Serge Gainsbourg et de Jane Birkin, il avait souhaité reproduire, vingt ans plus tard, la pose à l’identique avec Bambou pour illustrer la couverture de son ouvrage à la gloire de « Gainsbarre ».
C’était une journée historique faite de dérapages successifs plutôt plus ou moins contrôlés par Georges Lang et qu’on peut synthétiser par les paroles de Serge Gainsbourg pour le très regretté Alain Bashung, disparu en 2009 :
Cascadeur sous Ponce-Pilate
J’cherche un circuit pour que je m’éclate
L’allume-cigare je peux contrôler
Les vitesses c’est déjà plus calé
C’est comment qu’on freine
Je voudrais descendre de là
C’est comment qu’on freine
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Georges Lang
« SOS Amor, tu m’as conquis, j’t’adore ».Alain Bashung qui va nous rejoindre d’ailleurs sur ce plateau, puisque que Serge l’a voulu ainsi.
Serge Gainsbourg
Allez, viens mon petit gars.
Alain Bashung
Salut tout le monde.
Georges Lang
Salut, c’est bien, c'est bien que tu sois là.Ça me fait plaisir, d'ailleurs quand tu m'as demandé mon avis, j’ai dit, bon il n’y a aucun problème.
Serge Gainsbourg
Ah ben, j’espère.
Alain Bashung
T'es content de mon invité ?
Serge Gainsbourg
Rires
Georges Lang
Alors comment s’est opérée la rencontre ? Je veux tout savoir, je suis un petit curieux.
Alain Bashung
On s’est vu un soir.
Serge Gainsbourg
On était tous les deux pétés.
Alain Bashung
C’était sur une péniche, je crois, non ? C’était dans un restaurant sur la Seine, tu te souviens ?
Serge Gainsbourg
Ah non, j’étais trop éthylique moi.
Alain Bashung
On avait, on avait bouffé ensemble un soir, c’était la première fois qu’on se rencontrait.Et puis on était…
Serge Gainsbourg
Ah oui, en effet.Il voulait me rencontrer, moi je voulais le rencontrer, parce qu'on est tous les deux éthyliques mais élitistes aussi.C’est-à-dire qu’on a nos têtes et puis les autres, on ne veut pas les voir.
Georges Lang
Alors Alain, on va un peu parler de... de Gainsbourg mais on va faire comme s’il n’était pas là.
Alain Bashung
C’est difficile.
Georges Lang
Oui, c’est difficile parce qu’il est toujours là, je te signale.Et il sera là jusqu’à la fin de l’émission.
Serge Gainsbourg
Si tu veux, [inaudible].
Georges Lang
Je voudrais savoir si le contact correspond au fantasme qu’on peut se faire d’un Gainsbourg, est-ce que c’est si facile que cela de travailler avec lui, parce que tout le monde a envie de travailler avec Gainsbourg ? Est-ce que…
Alain Bashung
Ouais, on m’a dit plein de choses, oui c’est vrai, j’ai rencontré plein de chanteurs et tout ça, enfin pas plein mais disons, ils disent mais comment t’as fait, c’est vrai.
Serge Gainsbourg
... Surtout, non, non, tu as, non tu as rencontré des chanteurs pleins.Pas des... plein de chanteurs, des chanteurs pleins.
Alain Bashung
Mais justement, ils n’étaient pas pleins, ils n'étaient pas pleins.
Serge Gainsbourg
Ils n’étaient pas bourrés ?
Alain Bashung
Non, non, ils n'étaient pas bourrés
Serge Gainsbourg
Ah bon d'accord, vas-y, ça m'a fait rire.
Georges Lang
Oui, on va revenir à la musique si vous voulez.Votre rencontre, c’était…
Alain Bashung
La musique, c’est vrai, mais bien sûr !
Georges Lang
Il y a combien de temps à peu près, c’est récent ?
Alain Bashung
Il y a trois ans.
Serge Gainsbourg
Trois ans, trois ans.
Georges Lang
Vous avez attendu combien de temps pour accoucher du premier album ensemble ?
Alain Bashung
Euh, non, mais il n’était même pas question de travailler ensemble, ou de faire quoi que ce soit ensemble.C’était juste parce que je voulais le connaître parce que, bon, j'étais fan quoi.Bon, voilà, et puis, bon après j’ai envisagé éventuellement de faire un truc avec lui parce que… J’avais une idée d’un certain ton pour un album qui s'appelait Play Blessures et je pensais qu’avec Serge, ça aurait pu être un truc parfait, et en fait c’était parfait.
Serge Gainsbourg
Ouais, c’était un album qui restera dans les annales de… dans les annales !
Alain Bashung
Donc c’était, on a réussi à… On était dans la même humeur en fait, au bon moment, c'était, c’était ça.
Georges Lang
Alors comment ça se passe, qui écrit quoi Alain, je pense que tu fais les…
Serge Gainsbourg
Alors là, je fais les lyrics…
Georges Lang
Tu fais les textes ?
Serge Gainsbourg
Non, non, je les ai fait de connivence avec lui.
Georges Lang
Ah bon !
Alain Bashung
Ben moi j’avais fait des play-backs avant, puis j'avais des idées de…
Serge Gainsbourg
Il avait fait du Lavabo puis il avait des idées, et puis il avait des titres aussi, des titres, de très beaux titres, et ça a marché.Moi quand je réfléchis, j’envoie à la [inaudible]
Alain Bashung
Oh lui c'est tout ou rien, je vais te dire, soit il méprise, soit il est…
Georges Lang
Et il est capable de dire, ce que t’as fait mon petit, ce n’est pas bien, tu reviens demain ?
Alain Bashung
Ce n’est pas à ce stade là, non.
Georges Lang
Parce que Quincy Jones le fait par exemple, aux États-Unis, James Ingram, il lui dit, non, non, il faut recommencer, tu reviendras demain.
Serge Gainsbourg
Non, non, pour moi ses play-backs étaient déjà, ils étaient déjà…évidents.
Alain Bashung
Non, c'était, je n'ai pas eu l’impression d’avoir, je n'ai pas eu l'impression d'avoir en face de moi Serge Gainsbourg qui va sanctionner... Je veux dire soit, soit ça l’intéressait passionnellement de faire un truc avec moi, ou alors, ou alors en faisant rien, ce n’était pas une commande quoi, tu vois, on n'était pas...
Georges Lang
Alors les arrangements, qui les a signés, parce que là aussi, tout peut basculer avec les arrangements ?
Serge Gainsbourg
Ben les arrangements étaient fait.
Georges Lang
C’était fait.
Alain Bashung
C’était fait, les play-backs étaient faits, oui.Donc il y avait une espèce d’ambiance comme ça mais, je voulais son point de vue esthétique, parce que…
Serge Gainsbourg
[...] Les arrangements m’ont motivé sur les lyrics c’était vraiment hyper moderne.
Georges Lang
Bon alors, un mariage comme ça, c’est bien quelque temps, mais est-ce que ça s’arrête toujours de manière dramatique ou bien, est-ce que de connivence vous allez parfois vous dire, bon, il faudrait peut-être qu’on arrête, parce que c’est bien de travailler ensemble… Bon, Gainsbourg c’est une couleur, mais c'est peut-être bien pour lui seulement là c’est, tu ne vas pas traîner toute ta vie...
Alain Bashung
Non, mais moi je trouve que ça, c’est une réaction très...
Georges Lang
Média ?
Alain Bashung
Je dirais, française ou européenne, tu vois. Tu as deux mecs comme ça, qui ne sont pas forcément dans le même truc et qui ont envie de bosser ensemble.Pour moi, c’est simple.Mais je sais que toi, tu me poses la question, ça veut dire que pour plein de gens, ça paraît un truc très bizarre, tu vois.Alors que, aux États-Unis, par exemple, tu as des gens énormes, enfin, qui bossent ensemble.
Serge Gainsbourg
Non, non, mais lui, il veut parler de notre... de... lui il posait... sa question est plus insidieuse, il veut te dire, pourquoi ne bossons-nous plus ensemble…
Alain Bashung
Pas régulièrement ?
Georges Lang
C’est ça.
Serge Gainsbourg
C’est ça.
Alain Bashung
Oui, oui, bon, si un jour tu as envie, on refait un disque ensemble, tu vois, je veux dire, ça s’arrête là. Lui, il fait des films, il fait des...
Serge Gainsbourg
Il n’a pas besoin de moi sur SOS Amor c’est évident, c’est absolument évident.
Georges Lang
Alain, tu as un jugement à prononcer sur le dernier album de Serge, tu le savais ?
Alain Bashung
Il a frappé très fort.
Georges Lang
Il a frappé très fort, mais est-ce que tu savais avant qu’il ne l’enregistre qu’il allait frapper aussi fort, tu le sentais ?
Alain Bashung
Ben avec Serge,c'est à dire que bon, il peut avoir des périodes de silence comme ça.Quand il décide de faire le truc, je crois que ça doit être complètement incisif et urgent.
Georges Lang
Urgent !
Alain Bashung
On ne rigole plus, c’est-à-dire que…
Serge Gainsbourg
Ha, ha,c'est « Fermez vos gueules ! » [inaudible].
Georges Lang
Il y a une bonne chute, il y a urgence.
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Date de la vidéo: 14 nov. 1997
Durée de la vidéo: 02M 02S