Maria Casarès répète Derrière les paravents

13 avril 1966
05m 48s
Réf. 00036

Notice

Résumé :

Maria Casarès répète répète la pièce de Jean Genet Derrière les paravents, créée au théâtre de l'Odéon par Roger Blin. La comédienne explique comment elle perçoit le texte de Genet et comment elle le travaille.

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Date de diffusion :
13 avril 1966
Source :

Éclairage

Maria Casarès est née en Espagne en 1922. Son père est un ministre républicain espagnol. Contrainte à l'exil, la famille s'installe en France en 1936. En 1942, Maria Casarès est diplômée du Conservatoire national d'art dramatique de Paris.

Son fort tempérament, ses interprétations prodigieuses des plus grands rôles (Médée, Lady Macbeth, Jeanne d'Arc, ...), sa voix rauque et une diction unique en font l'une des plus grandes tragédiennes de son temps. Sa carrière est notamment marquée par des interprétations de pièces de Camus (Le Malentendu (1943), L'État de siège (1948), Les Justes (1949)), Sartre (Le Diable et le Bon Dieu (1951)), Genet (Les Paravents (1966)), Molière, Tchekhov, Péguy, Marivaux, Ibsen. En 1952, elle entre à la Comédie- Française et en 1954 Vilar l'engage au Théâtre national populaire, avec lequel elle brûlera les planches du Festival d'Avignon.

Au cinéma, elle a tourné dans une vingtaine de long-métrages, notamment avec Marcel Carné dans Les Enfants du Paradis (1943) et avec Jean Cocteau. A partir de la fin des années 1960, elle revient au théâtre sous la direction de Lavelli, Sobel ou Chéreau. Maria Casarès est décédée en 1996.

Claire Libbra

Transcription

Maria Casarès
« Les Dieux sont durs, mais quand ils sauront dans quoi je suis taillée, ils réfléchiront, les Dieux. Le père de Saïd aurait pu être coiffeur, avec son peigne et sa tondeuse. Il est beau, si beau qu'il était presque blond. Beauté, beauté, pendant vingt ans, si tu es restée sur terre... Beauté. C'est parce que mon âme l'a bien voulu. Saïd ! Saïd, où es-tu ? Qu'est-ce que tu fais ? Qu'est-ce que tu dis ? Tu t'essouffles, reviens ! Non ! Vas plus loin, Saïd ! Démolis-toi, démolis ta femme, mais continue ! » Je crois que je n'ai jamais eu en main, si vous voulez, un texte aussi vivant, aussi... en même temps qui demande autant de l'acteur, qui exige autant de lui parce qu'il faut... C'est un texte qu'on ne peut pas dire, qu'on ne peut pas arranger d'une manière plus ou moins rhétorique, jamais. Il faut sans cesse que chaque mot vive, que chaque objet prenne son poids et que chaque... Je ne sais pas, s'il y a une lune, que la lune existe mais qu'elle existe pour le comédien qui parle d'elle. On ne peut pas l'inclure dans une phrase. Mais en même temps, cette espèce d'exigence vous met dans un état incessant de goût d'invention avec lui. Alors c'est terriblement vivant sous la main. C'est comme si on avait comme une matière qui bouge sans arrêt et qu'il faut, en même temps, prendre avec soi, bien entendu, pour l'inclure en soi, mais en même temps, qui vous porte. « Ça m'arrive ! Ça vient de m'arriver, ça vient de m'arriver, mais c'est passé. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible. Tu n'es pas mort ? Qu'est-ce que je dis ? Relève-toi. Relève-toi. Mets-toi debout. Tu n'es pas mort. Je ne t'ai pas tué, dis ? Réponds-moi, je t'en supplie, réponds-moi. Le petit soldat de France, amour, mon amour, ma chatte, ma mésange, relève-toi. Debout saloperie ! » Il faut surtout une humeur pour la pièce. Il faut partir d'une humeur. C'est pourquoi je suis si malheureuse d'être malade, parce que je trouve qu'il faut une vitalité aussi grande que celle de la pièce pour la jouer. Il faut du souffle, car s'il y a du souffle dans une pièce c'est bien dans celle-là, et puis, il faut de la vitalité. Et une humeur d'allégresse, c'est-à-dire que même dans les choses les plus fortes, sinon tragiques, parce que rien n'est tragique dans le sens où on l'entend si vous voulez, mais dans les choses les plus noires ou ce que vous voulez, il y a une sorte d'allégresse comme si on mangeait des choses à pleines dents.
Journaliste
Des fruits ?
Maria Casarès
Des fruits, ça, c'est autre chose mais c'est pas lui. C'est autre chose. Mais pour le moment, je n'ai pas trouvé encore quoi. C'est ça ?
Roger Blin
Non, « Par exemple.
Maria Casarès
Eh bien...
Roger Blin
Accueilli par Pierre.
Maria Casarès
Par exemple !
Inconnu
C'est ça.
Maria Casarès
Et après tant d'histoires...
Roger Blin
Et pourquoi pas ?
Inconnu
C'est moi qui le dit ?
Roger Blin
Non, non...
Inconnu
Et pourquoi pas ? Il faut bien s'amuser !
Maria Casarès
C'est vrai mais tout de même, qui aurait cru ? ». Mais il y a une chose, Roger, il ne faut pas que je le voie encore, lui.
Roger Blin
Non, tu ne le.. lui ?
Maria Casarès
Non parce que tu me dis que il m'accueille, mais il ne faut pas que je le voie encore. Enfin que je ne fasse pas attention à lui, je suis toute à ça, parce qu'après je vais dire celui-là.
Roger Blin
Quoi ? Celui-là, c'est ... ?
Inconnu
Son cousin. [incompris]
Maria Casarès
Remarque, ça n'a aucune importance. Enfin quand même, c'est mieux que je soie...
Roger Blin
Oui, oui. C'est-à-dire que tu le reconnais à « par exemple », mettons.
Maria Casarès
Jamais... C'est tout ce que je dis, jamais, jamais.
Madeleine Renaud
Jamais personne ne pourra les [inaudible].
Maria Casarès
Je dis : Jamais, jamais.
Madeleine Renaud
Mais il y a autre chose.
Maria Casarès
Non.
Madeleine Renaud
Ah, c'est coupé ! Ah bon ! Personne ne pourra les [inaudible].
Maria Casarès
Jamais, jamais !
Madeleine Renaud
Quand je te voyais déconner comme jamais [inaudible].
(Rires)
Roger Blin
Plus de sonorité...
Maria Casarès
Et même, un [inaudible]
(Chuchotements)