Ken Loach à propos de son film Ladybird

29 septembre 1994
03m 19s
Réf. 00224

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Résumé :

A l'occasion de la sortie de son film Ladybird, Ken Loach s'exprime sur sa conception du cinéma et du rôle du réalisateur en tant que "médium au travers desquels les gens peuvent exprimer leur colère et leurs sentiments". Il souligne les points communs dans les difficultés que vivent les ouvriers dans les différents pays d'Europe.

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29 septembre 1994
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Éclairage

Figure de proue du cinéma britannique, l'Anglais Ken Loach, né en 1936, est l'archétype de l'artiste engagé. Réalisateur pour la BBC dans les années 60, il marque d'abord les esprits avec des films de "fiction documentaire" qui dénoncent l'injustice et la violence sociales.

Tournant pour le grand écran à partir de Pas de larmes pour Joy en 1967, il continue à intéresser le public en fustigeant le conservatisme et le capitalisme à travers des chroniques intimistes et familiales qui mettent en scène la souffrance des faibles, de Family Life (1971) à Sweet Sixteen (2002), en passant par Raining Stones (1993) ou Ladybird (1994), portrait d'une mère que les services sociaux veulent priver de ses enfants.

Dans une même veine politique et polémique, un autre versant de l'oeuvre de Loach se détache du quotidien britannique pour brosser des fresques historiques, de Land and Freedom, sur la Guerre d'Espagne (1995), à Le Vent se lève, consacré à la question irlandaise (Palme d'or à Cannes en 2006). Souvent épaulé par de remarquables scénaristes, Ken Loach demeure un remarquable conteur.

Thierry Méranger

Transcription

Laure Adler
Est-ce que vous, vous êtes, comme Ladybird, en colère contre la société anglaise, où vous vivez actuellement?
Ken Loach
(Traduction) Bien, je ne crie pas exactement de la même manière, mais je pense que les cinéastes peuvent être un medium au travers desquels les autres peuvent exprimer leur colère ou leurs sentiments ou certaine situations. (Traduction) Et ici, ce film est en fait un témoignage d'une certaine solidarité vis-à-vis des gens qui sont dans cette situation là, qui sont au bas de l'échelle sociale et qui ont très peu, qui possèdent très peu, qui ont très peu d'espoir, et qui souvent sont des stéréotypes, et sont caricaturés dans la presse. (Traduction) On voit des stéréotypes de gens, mais en fait derrière ces stéréotypes, il y a des gens de chair et d'os, réels, donc ce film essaie en fait d'exprimer notre solidarité vis-à-vis de ces gens-là.
Laure Adler
Mais vous, vous vivez comme un bourgeois ? Vous ne vivez pas dans les quartiers ouvriers que vous décrivez si bien dans vos films. Est-ce que vous êtes un militant social et un imprécateur de cette société ou un artiste qui essaie de faire passer des sentiments de générosité ?
Ken Loach
(Traduction) Je ne suis pas sûr d'être un artiste, je ne suis pas sûr que les cinéastes soient des artistes, c'est plutôt des artisans que des artistes. (Traduction) Mais, oui vous avez raison, effectivement, les cinéastes mènent une existence petite-bourgeoise. (Traduction) Mais très souvent ils viennent de couches tout à fait ordinaires, de la classe ouvrière. (Traduction) On n'aborde pas les choses comme un anthropologue se rendant chez une race étrangère ; il faut comprendre le vécu des autres et le partager.
Laure Adler
Et en même temps, faire bouger les gens à l'intérieur de leur propre conscience et peut-être chez les bourgeois et les petit-bourgeois qui vont voir vos films. Il y a des gens qui ne voient cette réalité sociale que par vos films.
Ken Loach
(Traduction) Oui, on essaie de partager une expérience au travers de ses films. (Traduction) Evidemment on essaie de dire à des gens ici, en France, en Espagne ou ailleurs, au fond on a beaucoup de choses en commun, on a beaucoup de problèmes en commun. (Traduction) On a 10% de la population active qui est au chômage, vous avez le même problème ici chez vous en France, c'est encore pire en Espagne et dans le reste de l'Europe. (Traduction) Donc, il faut essayer de partager ces expériences et de se rendre compte de ce qui nous unit, et de pas tomber dans le piège de se laisser diviser dans un groupe de travail, un groupe de travailleurs dans un pays, un groupe de travailleurs dans l'autre pays, qui seraient en quelque sorte en concurrence. (Traduction) Non, il faut essayer de se rendre compte de ce qui nous unit.
Laure Adler
Alors pour...