Installation d'un gouvernement autonome au Cameroun
Notice
Conformément à loi-cadre Defferre votée l'année précédente pour l'AOF, le Cameroun évolue en avril 1957 vers l'autonomie grâce à l'élection d'une assemblée locale élue au suffrage universel et d'un conseil de gouvernement responsable devant elle.
Éclairage
Dans ce court extrait des actualités françaises de mai 1957, la présentation laudative de l'évolution du Cameroun vers son autonomie - « accordée » par la France, précise le commentateur - propose une vision très lisse qui masque des réalités politiques beaucoup moins riantes et consensuelles. Si la France a voulu faire de son territoire sous mandat un modèle de décolonisation réussi, force est de constater qu'en 1957, le résultat n'est pas à la hauteur des ambitions, ou de la vision idyllique qui en est donnée ici.
Au Cameroun, territoire sous mandat de la SDN puis de l'ONU, la marche à l'indépendance est en effet plus violente que dans d'autres territoires sous domination française. La création de l'Union des Populations du Cameroun (UPC) en 1948, la répression sévère des émeutes de 1955 (les manifestants protestaient contre l'arrestation de plusieurs militants de l'UPC), la formation en 1956 d'un maquis indépendantiste upéciste organisé par Ruben Um Nyobè – qui réclamait entre autre choses la « réunification » du Cameroun français et britannique et avait appelé au boycott des élections de 1956 – jalonnent un processus de décolonisation d'une rare violence en Afrique sous domination française. La France fait alors tout son possible, auprès de l'opinion internationale, pour minimiser l'ampleur des maquis de l'UPC et de la répression exercée contre eux, alors même que le statut de mandat onusien aurait pu permettre aux Nations Unies de mener des enquêtes poussées sur le cours des événement. Mais les marges de manœuvres des enquêteurs internationaux sont systématiquement entravées.
Parallèlement au développement de cette lutte armée, le passage à l'autonomie a été négocié par Pierre Messmer, émissaire du gouvernement métropolitain, et par divers acteurs politiques locaux pro-français, selon le schéma de la loi-cadre Defferre. C'est André-Marie M'Bida (1917-1980) qui devient Premier ministre de la République autonome du Cameroun en 1957. Il a été choisi pour ses bons et loyaux services vis-à-vis de la puissance mandataire et, en tant que nouveau chef de gouvernement, choisit de garder des liens très étroits avec la France. La personnalité de M'Bida est pourtant loin de faire l'unanimité. Il est en grande partie responsable de la rupture de tout dialogue avec les hommes de l'UPC, qui contrôlent plusieurs régions du pays, et ses tendances autocratiques contribuent grandement au pourrissement de la situation durant l'année 1957. Les espoirs français d'une décolonisation pourtant voulue comme exemplaire dans les territoires sous mandat sont mis à mal aux yeux de la communauté internationale, au moment-même où l'enlisement en Algérie lui vaut déjà de sévères critiques au sein de l'Assemblée générale des Nations Unies.