Proclamation de l'indépendance au Cameroun [muet]

09 janvier 1960
01m 23s
Réf. 00086

Notice

Résumé :

La proclamation d'indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960 donne lieu à une grande cérémonie officielle, avec la venue de nombreuses délégations internationales et l'organisation de festivités jusqu'au 3 janvier dans les villes du pays. Mais la cérémonie se déroule dans un climat de tension et d'insécurité compte tenu des contestations à l'égard de cette indépendance qui apparaît « confisquée ».

Date de diffusion :
09 janvier 1960
Source :
ORTF (Collection: JT NUIT )
Lieux :

Éclairage

En décembre 1956, une nouvelle assemblée territoriale a été élue au Cameroun conformément à la loi cadre, mais en dehors du principal parti indépendantiste, l'Union des populations du Cameroun (UPC), qui est interdit depuis 1955. Le gouvernement local, dirigé à partir de 1958 par Ahmadou Ahidjo, prépare avec la France l'accès à l'indépendance tout en menant une guerre contre les militants UPC réfugiés dans les maquis et désormais engagés dans la lutte armée. Le 12 mars 1959, le Premier ministre Ahidjo et la France obtiennent la levée de la tutelle de l'ONU sur le Cameroun sans condition préalable. C'est une défaite pour l'UPC qui n'a pas réussi à conditionner l'indépendance à des élections législatives ouvertes à tous les partis et placées sous le contrôle onusien. Le 1er janvier 1960, le Cameroun est le premier État d'Afrique subsharienne francophone à accéder à l'indépendance selon un processus encadré par la France, et non dans un contexte de rupture comme la Guinée après le référendum de 1958. Il fait figure de symbole et de laboratoire pour les États membres de la Communauté française. La proclamation d'indépendance donne donc lieu à une importante cérémonie officielle rassemblant de nombreux représentants des nations et organismes internationaux. Mais cette cérémonie est aussi placée sous haute surveillance et elle se déroule dans un climat de peur. La fête doit donner l'apparence d'une communion nationale alors même que les militants UPC contestent une indépendance factice et poursuivent la lutte armée.

Le reportage réalisé pour le journal télévisé français offre cette représentation d'une cérémonie sans fausse note à Yaoundé, alors même que les troubles se sont multipliés depuis quelques jours, notamment à Douala. La solennité du moment ressort avec l'arrivée successive des délégations sur la place de l'indépendance qui a été pavoisée aux couleurs du pays : le ministre d'État Louis Jacquinot et celui des travaux publics, Robert Buron, à la tête d'une importante représentation française, puis le secrétaire général de l'ONU Dag Hammarskjöld et l'ambassadeur des États-Unis à l'ONU, Cabot Lodge. L'appel au boycott international de la proclamation d'indépendance n'a pas fait recette. Sont également présents le britannique John Profumo, les délégués de l'URSS, les chefs de gouvernement africain, tels Modibo Keïta pour le Mali ou l'abbé Youlou pour le Congo-Brazzaville, ainsi que la ministre des Affaires étrangères d'Israël Golda Meir qui est chargée de présider l'élection de « Miss Indépendance ». En effet, face aux délégations et personnalités installées dans les tribunes défilent non seulement les candidates au concours de Miss, mais aussi les troupes, les écoliers et les associations de femmes, civiles et sportives, tandis que des spectacles de danse traditionnelle sont organisés. Les fêtes se poursuivent jusqu'au 3 janvier, comme dans la localité de Garoua, dont est originaire Ahidjo, et que l'on voit à la fin du reportage. Mais si la vidéo met en scène ces cérémonies officielles et la foule présente derrière les barrières, elle ne rend pas compte des opérations de refoulement des indésirables dans les grandes villes qui ont été réalisées en amont, ni des actions de répression menées parallèlement. Comme le souligne Daniel Abwa, « la proclamation d'indépendance et les festivités organisées du 1er au 3 janvier 1960 ont laissé des sentiments confus où la joie se mêle à l'amertume et à la peur », dans le cadre d'une indépendance ambiguë et contestée (« Le Cameroun, le 1er janvier 1960. Une proclamation de l'indépendance entre peur et allégresse », in Odile Goerg, Jean-Luc Martineau, Didier Nativel (dir.), Les indépendances en Afrique. L'événement et ses mémoires, 1957/1960-2010, Rennes, PUR, 2013, p. 326).

Bénédicte Brunet-La Ruche