Le référendum du 8 avril 1962

11 avril 1962
01m 05s
Réf. 00230

Éclairage

Le 18 mars 1962, les négociations entre la France et les représentants du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) aboutissent à la signature des accords d'Evian sur l'indépendance algérienne. C'est la fin de huit années de guerre. Le cessez-le-feu intervient le 19 mars à midi.

Reste à mettre en œuvre le principe d'indépendance de l'Algérie. Il doit être ratifié par le peuple français. De Gaulle recourt à la consultation par référendum. Le 8 avril, les Français de métropole (ceux d'Algérie sont exclus du vote) se rendent aux isoloirs pour répondre par "oui" ou par "non" à une double question : ratifient-ils les accords d'Evian ? et conférent-ils les pouvoirs nécessaires au président de la République pour leur mise en œuvre ? Durant la campagne référendaire, la quasi totalité des partis prône le "oui" (l'extrême droite appelle au "non" et le PSU au vote nul).

Le 8 avril, le verdict des urnes est une "absolution" de la politique gaullienne. S'expliquant par le profond désir de la population d'en terminer avec la guerre, le succès du "oui" est en effet écrasant. Certes, 24,4% des Français se sont abstenus ; mais 90,7% des suffrages exprimés sont pour l'indépendance. Le 1er juillet, 99,7% des électeurs européens et musulmans d'Algérie diront à leur tour "oui" à l'indépendance. Et le 3 juillet, le général de Gaulle peut proclamer officiellement la naissance de l'Algérie souveraine. [Alain Gérard Slama, La Guerre d'Algérie. Histoire d'une déchirure, Gallimard, 1996]

Le vote du 8 avril permet aux Actualités Françaises, dont le ton est de toute évidence favorable à la politique gaullienne, de célébrer les retrouvailles du peuple français autour du Général. Le commentaire insiste sur sa victoire "record", sur le "oui massif" et "populaire" (incarné par un électeur âgé, musette en bandoulière) qui lui donne la légitimité plébiscitaire qu'il recherche régulièrement par les urnes. Le commentaire insiste : ce "oui" a même balayé les réserves des indépendants d'Antoine Pinay et du PCF. Le général de Gaulle est implicitement présenté comme l'homme de la réconciliation, par-delà les clivages politiques.

L'ordre de montage des images joue lui aussi sur ce sentiment d'union nationale autour de la figure tutélaire et providentielle du Général : la succession rapide des plans du tour de France des urnes aux côtés des principaux leaders politiques est introduite par le vote du Général à Colombey. Ce montage tend à renforcer l'idée d'une France solidaire, sortie indemne de la guerre d'Algérie par la grâce de l'inspiration politique gaullienne. Rien n'est dit en revanche sur les 24% de Français qui ont jugé bon de s'abstenir.

Philippe Tétart

Transcription

Commentateur
Dans son ensemble, la population a répondu à l'appel aux urnes du référendum ; et elle a donné au général de Gaulle le «oui» massif qu'il avait demandé à la Nation. Ce «oui» populaire donné à la paix des accords d'Evian, le président de la République l'a concrétisé lui-même dans son bulletin de citoyen à Colombey-les-Deux-Eglises ; et le premier ministre, Monsieur Michel Debré à Montlouis ; à Bordeaux, c'était le «oui» du président de l'Assemblée, monsieur Chaban Delmas ; dans le Jura, le «oui» des radicaux par la voix d'Edgar Faure. Si à Marseille le «oui» de Monsieur Deferre se nuançait, à Arras, Monsieur Guy Mollet apportait le «oui» des socialistes ; comme à Lille Monsieur Maurice Schuman le «oui» du MRP. Le bulletin de Monsieur Thorez faisait état des réserves des communistes et celui de Monsieur Pinay de celle des indépendants. Dans la nuit, les tableaux du ministère de l'Intérieur ont suivi le déroulement du dépouillement : 17.500.000 «oui» pour 19.300.000 suffrages exprimés ; et Monsieur Roger Frey pouvait annoncer aux journalistes le record des «oui» : près de 91%.