Visages des Landes

24 juin 1999
11m 11s
Réf. 00238

Notice

Résumé :

Les Landes présentent une multitude de paysages qui évoluent au fil du temps et des hommes : la Chalosse, caractérisée par un relief de collines où se développent les cultures agricoles ; la Haute Lande recouverte de pins au XIXe siècle et où est créé le domaine de Solférino ; Arjuzanx, dans le Brassenx, dont l'ancien site minier est en cours de reconversion en une vaste réserve naturelle.

Type de média :
Date de diffusion :
24 juin 1999
Source :

Éclairage

En 2011, la surface agricole utilisée représente près du quart de la superficie du territoire landais. La population familiale agricole totale représente environ 6% de la population départementale. Les structures de production agricole se sont fortement modernisées depuis 1950. La taille moyenne des exploitations est de 34 ha [1], alors qu'elle était de 10 ha en 1960, parfois moins dans certaines zones [2]. Le taux de superficie irriguée de 47% est largement supérieur aux taux aquitain et français. Le département compte 140 exploitations bio soit 2 % des exploitations agricoles.

"Le département des Landes est marqué par deux zones agricoles bien distinctes. Au sud, la zone Sud Adour et Armagnac où les surfaces agricoles couvrent plus de la moitié du territoire. Sur 10 exploitations du département, 7 se situent dans ce secteur. Les terres sont limono-argileuses en vallées et argilo-sableuses dans les coteaux de Chalosse et de l'Armagnac. C'est le domaine de la polyculture élevage : maïs essentiellement mais aussi vergers de kiwis et vignes, surfaces fourragères avec élevages de bovins. Cependant, les élevages de volailles grasses et maigres sont prépondérants." [3]

Le paysage est resté globalement le même depuis 1950, mais l'organisation des espaces et des activités s'est considérablement modifiée. "La substitution du fermage au métayage est encore largement incomplète au début des années soixante, puisqu'en 1964, les métayers représentent encore plus de 30 % des exploitants agricoles (contre une moyenne nationale de 3,2 % à cette époque). Aux difficultés du statut de métayer s'ajoute, ensuite, le problème de la taille des exploitations. En effet, dans tout le département, l'écrasante majorité d'entre elles ne dépasse pas les 10 hectares." [4]

Le morcellement de la propriété et la dispersion des surfaces cultivables font l'objet d'opérations appuyées sur des études et soutenues par les pouvoirs publics. A titre d'exemple, dès 1960 les deux communes voisines de Mant[5] et de Samadet[6] ont décidé "d'entreprendre une opération d'aménagement foncier, qui intéressait 1300 ha de terrains situés entre les deux villages (ce qu'on appelait "la lande basse"). Un parcellement excessif, s'ajoutant à un assainissement médiocre, avait entraîné l'abandon de ce territoire à la végétation spontanée" [7]. Un défrichement de 700 ha a porté la Surface Agricole Utile de Mant à 1474 ha ; suivirent deux autres remembrements en 1969 et en 1997.

"Au nord, la zone forestière, où les surfaces agricoles ne représentent que 13 % du territoire. Le relief est quasiment plat. Les sols sont sableux, légers, et faciles à travailler. La taille des exploitations est supérieure à la moyenne départementale. Avec l'irrigation, les productions végétales dominent. Sont cultivés notamment le maïs, mais aussi les légumes frais (carottes, asperges, haricots verts, maïs doux...). Les activités d'élevage concernent principalement la production de poulets labels sous couvert forestier." [8]

La forêt, cultivée et productive, qui s'étend sur 632 000 ha, est privée à 90%, appartenant à 40 000 propriétaires. L'Office National des Forêts gère 75 000 ha dont 25 000 de forêts domaniales et autant de forêts communales soumises. "Le pin est notre vie, notre sol. [...] C'est lui qui constitue notre lignite. Il est l'arbre-père, l'"arbre-mère" de nos anciennes croyances. [...] On parle de générations de pin comme de celles des hommes. Tous les pins et chacun ont reçu les soins de cette culture dite "en jardinage", de l'élagage, de l'éclaircissage, où on juge les arbres un par un ." [9]

C'est dans la Haute Lande qu'une "révolution" s'est produite dans le paysage, très visible depuis la route Bordeaux-Bayonne : 80 000 ha de culture ont été gagnés sur la forêt ou sur la lande. A la suite des "grands incendies" de la période 1939-1949, plus de la moitié de la surface boisée des Landes est détruite. A partir de 1949, une poignée de fermiers originaires de l'Aisne et de Picardie s'installent à Solférino, lieu d'expérimentations agricoles effectuées sur le territoire landais au XIXe siècle[10]. Une méthode nouvelle de drainage permet de maîtriser l'eau résiduelle [11], puis, après la sécheresse de 1962, une irrigation par pivot [12] permet de diversifier les cultures : des récoltes de maïs de plus de 140 quintaux à l'hectare, 11% de la production nationale d'asperge, plus de 10% pour le haricot vert, autour de 20% pour la carotte...S'y ajoute la production de gazon.. Les fermiers "de grande culture" [13] partagent leurs connaissances techniques [14]. Sont posées dès 1956 les bases de la Compagnie d'Aménagement des Landes de Gascogne (CALG) et plus récemment des SAGE (Schéma d'Aménagement et de la Gestion de l'Eau).

"De 1875 à 1975 la population rurale tombe de moitié dans la grande lande, incomparablement plus que dans l'ensemble de l'Aquitaine." [15] A l'échelle de la région naturelle "Landes de Gascogne", dès les années 1970, les responsables locaux se sont organisés pour entreprendre une démarche volontariste de revitalisation [16]. Le Pays des Landes de Gascogne, qui regroupe 118 communes a signé 2 Contrats de Pays "sur des actions à mettre en œuvre qui s'inscrivent dans la stratégie de développement du territoire".

[1]  www.cg40.fr

[2] "Dans certaines régions, on constate même que plus de 80 % des exploitations ne dépassent pas les 5 hectares." www.histoiresocialedeslandes.org

[3] et [8] Chambre d'agriculture des Landes, Regards sur l'agriculture landaise, 2009. (http://www.landes.chambagri.fr/fileadmin/documents_CA40/Internet/agriculture/agriculture_landaise.pdf)

[4] www.histoiresocialedeslandes.org

[5] Mant : 420 habitants en 1960, 322 en 1990, 273 en 1999.

[6] Samadet : 1067 habitants en n1962, 1010 en 1999, 1027 en 2007.

[7] Ce remembrement, le premier tenté dans les Landes sur une grande échelle, a été subventionné à 80% par l'Etat. Cf. CASTAIGNOS-BAQUE, Odette, Mant d'hier et d'aujourd'hui, 1997 (http://mant-40.chez-alice.fr/)

[9] MANCIET, Bernard, Le triangle des Landes, Paris : Arthaud, 1981, p.28.

[10] Après l'expérience réussie de Jules Chambrelent (500 ha acquis en 1849 à Saint-Alban à Cestas), Henri Crouzet, chargé de la mise en route et de l'organisation de l'assèchement de la lande, met sur pied le projet de village-domaine de Solférino (7897 ha achetés par Napoléon III en mars 1857, sur 7 communes). Le projet impérial est d'introduire, expérimenter et propager les meilleurs modes de cultures applicables au sol landais, et d'édifier un village modèle destiné à coloniser les terres incultes et améliorer les conditions de vie des paysans. L'idée originelle consiste à mettre les terres à la disposition de colons vétérans des campagnes de Crimée et d'Italie. On créera, de 1858 à 1863, une forêt de 7 654 ha et 243 ha de cultures, avec un village neuf de 600 habitants. (VINEY, Raymond, "L'œuvre forestière du Second Empire", Revue forestière française, 1962, 6, p.532-543)

[11] En brisant la couche d'alios à 1,20m de profondeur, la nappe fluctue sur 1m 50 entre le point haut et le point bas, entre l'hiver et l'été.

[12] Les Landais continuent d'appeller "californiens" ces asperseurs à rotation tractée qui dessinent des aires circulaires.

[13] Les exploitations occupent 350 hectares en moyenne en 2011, et certaines dépassent le millier.

[14] A l'échelle des Landes de Gascogne, les agriculteurs des fermes de grande culture mettent en commun leurs connaissances techniques. Issu du regroupement de CETA (Centres d'Etudes des Techniques Agricoles) existant ou en cours de constitution en 1971, le GRCETA.SFA (Groupement de Recherche sur les Cultures Et Techniques Agricoles des Sols Forestiers d'Aquitaine), financé par les cotisations de ses adhérents agriculteurs et partenaires commerciaux, se donne pour mission "d'aider les agriculteurs à améliorer leurs résultats technico-économiques en respectant l'environnement". Plus de 10 000 hectares sont passés en "agriculture raisonnée", soit moins d'eau et moins d'intrants.

[15] MANCIET, Bernard, Le triangle des Landes, Paris : Arthaud, 1981, p.21.

[16] Cf. www.pays-landesdegascogne.org

Hubert Cahuzac

Transcription

(Bruit)
Jacques Duhart
Le département des Landes est très souvent perçu comme un département très uniforme avec un immense massif forestier et une vaste plaine. Et, en réalité, il est très différencié entre au nord de l’Adour, effectivement un paysage forestier qui est transformé à travers les siècles et, au sud de l’Adour, un paysage de collines, qui préfigure le piémont pyrénéen et qui est un paysage typique des pays de l’Adour. Et c’est d’ailleurs dans cette zone là que l’on va trouver les plus forts peuplements, les centaines de villages de Chalosse.
(Bruit)
André Labadie
Pour les, ce qu’on appelait autrefois, les métairies, où il y avait cinq ou six métairies, maintenant, le même fait tout.
Marcel Sombrun
Les exploitations étaient très très petites, parce qu’avant la guerre 39-45, sur la commune de Laurède qui fait, en gros, 500 hectares, habitations comprises, il y avait quand même 86 exploitations agricoles. Alors, vous voyez que les gens vivaient sur 2 hectares, 2 hectares et demi de terre et c’était surtout la vigne qui était leur revenu essentiel et ils buvaient du vin très rarement, [incompris] en travaillant les vignes tous les jours, ils en buvaient deux ou trois par an quoi. C’est tout. Ils le vendaient parce que c’était leur revenu essentiel.
Claude Carrincazeaux
Tu te rappelles, Marcel, qu’est-ce qu’il y avait sur les coteaux, tout cela, là où maintenant, on voit des friches et des bois quoi ?
Marcel Sombrun
Tout ce qui est en friche, en prairie et en bois, autrefois, c’était des vignes, plantées en mètre, qu’on travaillait en main, bien sûr. J’ai eu la chance de connaitre quelques parcelles de ces vignes, dans cette prairie là, qui est abandonnée maintenant ; et l’on travaillait en main. Bien sûr, le vin, était très bon, et très alcoolisé. Et tout ce vin était stocké dans ce chai. Et, il y avait le même derrière vous là, juste, et il a été incendié au moment de la révolution.
André Labadie
Et maintenant, le [incompris], la vigne a disparu, on a remplacé cela par le maïs, pour faire les gavages des oies, des canards surtout. Les oies, très peu ici.
(Bruit)
Claude Carrincazeaux
Montfort-en-Chalosse, était la capitale de la pêche autrefois, c’est-à-dire, juste avant l’après-guerre, dans les années 50. Et, moi-même, j’ai été, avec mes parents, vendre des fruits. Il fallait voir le marché qui était archiplein. Ah, c’est toute la côte d’Aquitaine qui venait chercher ses pêches le mercredi et le dimanche à Montfort.
(Bruit)
Claude Carrincazeaux
Autrefois, disons, Laurède vivait en autarcie, on peut dire, avec ses charpentiers, ses menuisiers, ses maçons, ses maréchaux ferrants et tout l’ensemble qui travaillaient, on peut dire, au rythme de la terre. Le siècle dernier, on était près de 1000 et aujourd’hui, on est 350 : des anciens, pas mal, des gens d’origines rurales, et quelques nouveaux qui arrivent pour la retraite du fait du climat et de la proximité de la mer et de l’Espagne.
(Bruit)
Jacques Duhart
La Chalosse produit, traditionnellement, des produits agricoles, qui sont ensuite transportés, comme ici, à Mugron. Le vin était transporté jusqu’à Bayonne par des gabares. Le berger de Chalosse n’avait pas du tout la même vie que le berger de la Haute Lande. Il se rendait dans les Pyrénées, il passait 6 mois dans les Pyrénées. Donc, les échanges étaient beaucoup plus importants. Ce qui fait que, probablement dans la personnalité, dans le caractère, on a des gens plus ouverts, certainement, dans la Chalosse, au sud des Landes, que dans le nord où, là, on a plus l’habitude de se retrouver un petit peu seul dans sa forêt.
(Musique)
Jean Tucoo-Chala
Alors là, on est au [Piouleut], près de la cabane, à l’endroit précis où Arnaudin a fait cette photo de [Jeanne Duvignau], au tout début du siècle, vers 1900, à Sabres. Et, quant Arnaudin a fait la photo, on voyait à 9 kilomètres à la ronde. Si, au tout début du 19ème, on a encore des espaces non boisés, après 1850, on va trouver un autre milieu. C’est ce milieu qui constitue, aujourd’hui, le paysage boisé, la forêt et le massif forestier de plaine le plus important de toute l’Europe avec plus d’un million d’hectares dont la forêt des Landes de Gascogne.
(Bruit)
Jean Tucoo-Chala
Dans la Grande Lande, la façon d’occuper le sol, la plus simple, c’est ce qu’on appelle l'airial, c’est ce qu’on remarque sur cette carte. Donc, c’est un espace ouvert, planté de chênes, auquel il faut rattacher les lieux cultivés, c'est-à-dire, les champs, les jardins. Et puis, avec le développement dans la forêt, cet espace ouvert va, petit à petit, se limiter et donnera cette clairière de verdure que l’on connait aujourd’hui. Mais, fondamentalement, l’airial, c’est ce que l'on pourrait désigner sous le terme de hameau dans d’autres régions, c’est une partie du village. Cela n’est qu’une partie avec un habitat dispersé, ombragé par des feuillus.
(Bruit)
Jean Tucoo-Chala
Au début du siècle, on trouve encore quelques bergers sur échasses, mais, surtout, on trouve des gemmeurs, des résiniers qui, ensuite, vont disparaitre après la Deuxième Guerre mondiale. Et, aujourd’hui, les personnes qui habitent la forêt et qui y travaillent, ce sont des bûcherons et ce sont des camionneurs, ce sont toutes les personnes qui sont en relation avec la vie industrielle de ce massif forestier pour la production de bois.
(Bruit)
Marc Lauga
Il y a, à peu près, 70, 80 ans, il y avait une scierie dans tous les villages. Bon, pour vous situer un tout petit peu l’importance des scieries, la scierie ne faisait qu’1 seul m3 scié par jour. Alors, qu’à l’heure actuelle, une scierie moderne fait 450 m3 par jour, facilement et avec guère plus de personnel. C’était une machine qui était trainée d’un chantier à un autre de façon à exploiter les bois sur place. Ce genre de matériel a servi à scier du bois, je pense durant 50 ans. Cela va de 1900 à 1950. Il y avait 300 scieries à l’époque. Il y en a, à l’heure actuelle, une dizaine, peut-être, de performantes.
(Musique)
Jean Tucoo-Chala
Nous sommes entre Sabres et Cap-de-Pin, vers 1850, Napoléon III va acheter des paysages non boisés, afin de développer une politique sur le plan agricole et forestier. Ce sera le domaine de Solférino.
Jean-Marie Auberger
Alors, nous sommes ici, sur la ferme du Taston. La ferme du Taston fait partie des 8 fermes qui ont été aménagées par Napoléon III afin de poursuivre des recherches agricoles et forestières. On ne peut pas dire que c’était exactement les mêmes cultures, les mêmes essais qui se sont, qui ont eu lieu aujourd’hui. Mais, effectivement, il y a des données de bases, telles que l’assainissement, qui avaient été préconçues par lui, qui ont donné de bon résultat aujourd’hui. Dans les années 60-62, la compagnie d’aménagement des Landes de Gascogne a défriché, à peu près, un millier d’hectares sur le platier et, pour installer, essentiellement, les rapatriés, les agriculteurs locaux, les Landais qui voulaient aussi. Mais, enfin, essentiellement, pour installer les rapatriés.
Alain Blanquer
On était originaire d'Algérie et je pense que le premier arrivant a appelé, un peu, ses copains et c’est comme cela qu’on s’est retrouvé en petite colonie par ici.
Jean-Marie Auberger
Solférino est un village tellement récent qu’il y a peu de population de souche, proprement dit. Et, aujourd’hui, je crois qu’on pourrait compter les Landais de Solférino sur les doigts de la main.
(Musique)
Serge Avignon
C’est là qu’est parti l’éco-complexe d’Arjuzanx. C’est le vestige d’un trou minier. Alors, sur ce site, nous avons …, c’est un site qui fait 2700 hectares. Il y a environ 4 trous miniers qui sont les vestiges de la mine de lignite qui existait depuis les années 1960 et où l’exploitation s’est terminée dans les années 91-92. Les agents EDF, pour ce que nous en savons, ont été, disons, redéployés sur d’autres sites mais les agents qui arrivaient en fin de carrière sont restés la retraite, il n’y a pas eu de reconversion, au sens de changement de métier. En fin de compte, une partie du site doit être réutilisée pour un redéploiement d’activités basées sur le tourisme vert. Il faut savoir que ce site est un site qui a été réaffecté. C’est un site jeune qui est un peu résiliant. Il supporterait mal une très grande masse de personne d’un seul coup. Et donc, il va falloir du temps et après, petit à petit, un développement de tourisme vert, de tourisme en espace rural, pourra se développer suivant la volonté politique locale.
Jacques Duhart
Alors, je crois qu’ici, dans les Landes, les changements sont bien vécus parce qu’ils ont été, dans l’ensemble, relativement bien maîtrisés. On a quand même conservé un terroir, on a conservé une identité, une joie de vivre, c’est certain, et puis, quelque part, une culture locale qui reste très vivante, qui est ancrée dans la ruralité tout en étant très moderne. L’agriculture landaise est, probablement, une des plus moderne, actuellement, en Europe, ou voire, au monde.