Visages des Landes
Notice
Les Landes présentent une multitude de paysages qui évoluent au fil du temps et des hommes : la Chalosse, caractérisée par un relief de collines où se développent les cultures agricoles ; la Haute Lande recouverte de pins au XIXe siècle et où est créé le domaine de Solférino ; Arjuzanx, dans le Brassenx, dont l'ancien site minier est en cours de reconversion en une vaste réserve naturelle.
Éclairage
En 2011, la surface agricole utilisée représente près du quart de la superficie du territoire landais. La population familiale agricole totale représente environ 6% de la population départementale. Les structures de production agricole se sont fortement modernisées depuis 1950. La taille moyenne des exploitations est de 34 ha [1], alors qu'elle était de 10 ha en 1960, parfois moins dans certaines zones [2]. Le taux de superficie irriguée de 47% est largement supérieur aux taux aquitain et français. Le département compte 140 exploitations bio soit 2 % des exploitations agricoles.
"Le département des Landes est marqué par deux zones agricoles bien distinctes. Au sud, la zone Sud Adour et Armagnac où les surfaces agricoles couvrent plus de la moitié du territoire. Sur 10 exploitations du département, 7 se situent dans ce secteur. Les terres sont limono-argileuses en vallées et argilo-sableuses dans les coteaux de Chalosse et de l'Armagnac. C'est le domaine de la polyculture élevage : maïs essentiellement mais aussi vergers de kiwis et vignes, surfaces fourragères avec élevages de bovins. Cependant, les élevages de volailles grasses et maigres sont prépondérants." [3]
Le paysage est resté globalement le même depuis 1950, mais l'organisation des espaces et des activités s'est considérablement modifiée. "La substitution du fermage au métayage est encore largement incomplète au début des années soixante, puisqu'en 1964, les métayers représentent encore plus de 30 % des exploitants agricoles (contre une moyenne nationale de 3,2 % à cette époque). Aux difficultés du statut de métayer s'ajoute, ensuite, le problème de la taille des exploitations. En effet, dans tout le département, l'écrasante majorité d'entre elles ne dépasse pas les 10 hectares." [4]
Le morcellement de la propriété et la dispersion des surfaces cultivables font l'objet d'opérations appuyées sur des études et soutenues par les pouvoirs publics. A titre d'exemple, dès 1960 les deux communes voisines de Mant[5] et de Samadet[6] ont décidé "d'entreprendre une opération d'aménagement foncier, qui intéressait 1300 ha de terrains situés entre les deux villages (ce qu'on appelait "la lande basse"). Un parcellement excessif, s'ajoutant à un assainissement médiocre, avait entraîné l'abandon de ce territoire à la végétation spontanée" [7]. Un défrichement de 700 ha a porté la Surface Agricole Utile de Mant à 1474 ha ; suivirent deux autres remembrements en 1969 et en 1997.
"Au nord, la zone forestière, où les surfaces agricoles ne représentent que 13 % du territoire. Le relief est quasiment plat. Les sols sont sableux, légers, et faciles à travailler. La taille des exploitations est supérieure à la moyenne départementale. Avec l'irrigation, les productions végétales dominent. Sont cultivés notamment le maïs, mais aussi les légumes frais (carottes, asperges, haricots verts, maïs doux...). Les activités d'élevage concernent principalement la production de poulets labels sous couvert forestier." [8]
La forêt, cultivée et productive, qui s'étend sur 632 000 ha, est privée à 90%, appartenant à 40 000 propriétaires. L'Office National des Forêts gère 75 000 ha dont 25 000 de forêts domaniales et autant de forêts communales soumises. "Le pin est notre vie, notre sol. [...] C'est lui qui constitue notre lignite. Il est l'arbre-père, l'"arbre-mère" de nos anciennes croyances. [...] On parle de générations de pin comme de celles des hommes. Tous les pins et chacun ont reçu les soins de cette culture dite "en jardinage", de l'élagage, de l'éclaircissage, où on juge les arbres un par un ." [9]
C'est dans la Haute Lande qu'une "révolution" s'est produite dans le paysage, très visible depuis la route Bordeaux-Bayonne : 80 000 ha de culture ont été gagnés sur la forêt ou sur la lande. A la suite des "grands incendies" de la période 1939-1949, plus de la moitié de la surface boisée des Landes est détruite. A partir de 1949, une poignée de fermiers originaires de l'Aisne et de Picardie s'installent à Solférino, lieu d'expérimentations agricoles effectuées sur le territoire landais au XIXe siècle[10]. Une méthode nouvelle de drainage permet de maîtriser l'eau résiduelle [11], puis, après la sécheresse de 1962, une irrigation par pivot [12] permet de diversifier les cultures : des récoltes de maïs de plus de 140 quintaux à l'hectare, 11% de la production nationale d'asperge, plus de 10% pour le haricot vert, autour de 20% pour la carotte...S'y ajoute la production de gazon.. Les fermiers "de grande culture" [13] partagent leurs connaissances techniques [14]. Sont posées dès 1956 les bases de la Compagnie d'Aménagement des Landes de Gascogne (CALG) et plus récemment des SAGE (Schéma d'Aménagement et de la Gestion de l'Eau).
"De 1875 à 1975 la population rurale tombe de moitié dans la grande lande, incomparablement plus que dans l'ensemble de l'Aquitaine." [15] A l'échelle de la région naturelle "Landes de Gascogne", dès les années 1970, les responsables locaux se sont organisés pour entreprendre une démarche volontariste de revitalisation [16]. Le Pays des Landes de Gascogne, qui regroupe 118 communes a signé 2 Contrats de Pays "sur des actions à mettre en œuvre qui s'inscrivent dans la stratégie de développement du territoire".
[1] www.cg40.fr
[2] "Dans certaines régions, on constate même que plus de 80 % des exploitations ne dépassent pas les 5 hectares." www.histoiresocialedeslandes.org
[3] et [8] Chambre d'agriculture des Landes, Regards sur l'agriculture landaise, 2009. (http://www.landes.chambagri.fr/fileadmin/documents_CA40/Internet/agriculture/agriculture_landaise.pdf)
[4] www.histoiresocialedeslandes.org
[5] Mant : 420 habitants en 1960, 322 en 1990, 273 en 1999.
[6] Samadet : 1067 habitants en n1962, 1010 en 1999, 1027 en 2007.
[7] Ce remembrement, le premier tenté dans les Landes sur une grande échelle, a été subventionné à 80% par l'Etat. Cf. CASTAIGNOS-BAQUE, Odette, Mant d'hier et d'aujourd'hui, 1997 (http://mant-40.chez-alice.fr/)
[9] MANCIET, Bernard, Le triangle des Landes, Paris : Arthaud, 1981, p.28.
[10] Après l'expérience réussie de Jules Chambrelent (500 ha acquis en 1849 à Saint-Alban à Cestas), Henri Crouzet, chargé de la mise en route et de l'organisation de l'assèchement de la lande, met sur pied le projet de village-domaine de Solférino (7897 ha achetés par Napoléon III en mars 1857, sur 7 communes). Le projet impérial est d'introduire, expérimenter et propager les meilleurs modes de cultures applicables au sol landais, et d'édifier un village modèle destiné à coloniser les terres incultes et améliorer les conditions de vie des paysans. L'idée originelle consiste à mettre les terres à la disposition de colons vétérans des campagnes de Crimée et d'Italie. On créera, de 1858 à 1863, une forêt de 7 654 ha et 243 ha de cultures, avec un village neuf de 600 habitants. (VINEY, Raymond, "L'œuvre forestière du Second Empire", Revue forestière française, 1962, 6, p.532-543)
[11] En brisant la couche d'alios à 1,20m de profondeur, la nappe fluctue sur 1m 50 entre le point haut et le point bas, entre l'hiver et l'été.
[12] Les Landais continuent d'appeller "californiens" ces asperseurs à rotation tractée qui dessinent des aires circulaires.
[13] Les exploitations occupent 350 hectares en moyenne en 2011, et certaines dépassent le millier.
[14] A l'échelle des Landes de Gascogne, les agriculteurs des fermes de grande culture mettent en commun leurs connaissances techniques. Issu du regroupement de CETA (Centres d'Etudes des Techniques Agricoles) existant ou en cours de constitution en 1971, le GRCETA.SFA (Groupement de Recherche sur les Cultures Et Techniques Agricoles des Sols Forestiers d'Aquitaine), financé par les cotisations de ses adhérents agriculteurs et partenaires commerciaux, se donne pour mission "d'aider les agriculteurs à améliorer leurs résultats technico-économiques en respectant l'environnement". Plus de 10 000 hectares sont passés en "agriculture raisonnée", soit moins d'eau et moins d'intrants.
[15] MANCIET, Bernard, Le triangle des Landes, Paris : Arthaud, 1981, p.21.
[16] Cf. www.pays-landesdegascogne.org