Les airiaux : paysage typique des Landes
Notice
L'opération menée pendant 4 ans par Aquitaine Forêt Service, visant à dresser un état des lieux des airiaux du canton de Roquefort, a permis d'évaluer les besoins en matière de pérennisation de leurs végétaux et d'amorcer l'entretien de certains chênes plusieurs fois centenaires. Par ailleurs, la dendrochronologie a permis de dater certains airiaux du XIIIe et XIVe siècles.
Éclairage
Ce que l'on appelle désormais le "Triangle des Landes", à la suite de l'écrivain Bernard Manciet, couvre toute une partie de l'Aquitaine, de la pointe de Grave à Bayonne à l'ouest et jusqu'à Nérac, en Lot-et-Garonne, à l'est. C'est le domaine des sables qui coïncide avec l'aire d'expansion de l'airial [1].
Malgré quelques variantes d'ordre essentiellement architectural, les milliers d'airiaux recensés sur ce territoire obéissent tous à une même règle : ils constituent avant tout un espace de vie, ouvert, déclinant sur une pelouse amendée par le bétail toute une hiérarchie de bâtiments, de la maison de maître à la grange et au four à pain, abrités par une futaie de chênes et de quelques autres feuillus. Dans l'équilibre d'un espace harmonieux, né d'un environnement naturel délicatement maîtrisé, se devine l'ingéniosité de ceux qui ont su tirer parti au mieux des données du terrain. Rien n'est en effet laissé au hasard, tout est "utile", rien ne se perd sur un airial où la communauté vit en autarcie.
Ce cercle vertueux qui consiste à considérer chaque élément du tout pour que l'équilibre perdure, conduit toujours à prendre soin des arbres qui "font" l'airial. Jadis pour des raisons économiques, le gland fournissant la nourriture des porcs ; aujourd'hui pour des raisons environnementales et l'équilibre paysager.
L'état sanitaire des 693 airiaux recensés par Aquitaine Forêt Service sur le seul canton de Roquefort démontre en effet l'urgence d'informer et d'aider pour préserver cet héritage. Élaguer, éliminer les branches mortes pour éviter la propagation des insectes xylophages sont des mesures incontournables qui garantissent la sauvegarde de ces sites patrimoniaux où le chêne, dominant, côtoie d'autre essences, le tilleul et le châtaignier en particulier et, en limite de propriété, souvent un pin parasol dit "franc" [2] ou pin mèche.
Car c'est du chêne qu'est né l'airial qui résulte non d'une plantation mais du défrichement d'une cassanha ou d'un tausiar comme l'ont récemment démontré les scientifiques du PNR qui se sont également intéressés aux maisons à pans de bois dont les pièces maîtresses sont réalisées avec le cœur du chêne, le corau.
Les différentes analyses réalisées par la dendrochronologue [3] Béatrice Zseperstyski ont abouti à des résultats surprenants : certaines pièces de charpente dateraient des XIIIe et XIVe siècles, faisant remonter de facto, à une époque bien plus ancienne que ce que l'on croyait, le modèle de maison landaise traditionnel et l'airial qui en constitue le contexte immédiat.
Études palynologiques [4], datations au carbone 14 et fouilles archéologiques réalisées dans les vestiges d'une maison située aux confins de Sabres et de Trensacq semblent confirmer ce que les cernes du bois suggèrent : malgré quelques opérations de réemploi, toujours possibles, il est à peu près assuré que ce type de maison, évolutive dans le temps, date de la fin du Moyen Âge, d'où l'appellatif populaire de "maison des Anglais".
[1] Forme francisée du gascon airiau, "pelouse ombragée de chênes qui entoure toute habitation landaise située hors des bourgs".
[2] Franc prend ici le sens de "libre"car il signale une propriété libre de droits, un cap casau.
[3] La dendrochronologie (du grec dendron, "arbre", et chronos, "temps") est une technique de datation des bois à partir du nombre des cernes de croissance.
[4] La palynologie date les pollens contenus dans les strates du sol ou dans les matériaux de construction.