Les airiaux : paysage typique des Landes

28 janvier 2002
05m 57s
Réf. 00301

Notice

Résumé :

L'opération menée pendant 4 ans par Aquitaine Forêt Service, visant à dresser un état des lieux des airiaux du canton de Roquefort, a permis d'évaluer les besoins en matière de pérennisation de leurs végétaux et d'amorcer l'entretien de certains chênes plusieurs fois centenaires. Par ailleurs, la dendrochronologie a permis de dater certains airiaux du XIIIe et XIVe siècles.

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Date de diffusion :
28 janvier 2002
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Éclairage

Ce que l'on appelle désormais le "Triangle des Landes", à la suite de l'écrivain Bernard Manciet, couvre toute une partie de l'Aquitaine, de la pointe de Grave à Bayonne à l'ouest et jusqu'à Nérac, en Lot-et-Garonne, à l'est. C'est le domaine des sables qui coïncide avec l'aire d'expansion de l'airial [1].

Malgré quelques variantes d'ordre essentiellement architectural, les milliers d'airiaux recensés sur ce territoire obéissent tous à une même règle : ils constituent avant tout un espace de vie, ouvert, déclinant sur une pelouse amendée par le bétail toute une hiérarchie de bâtiments, de la maison de maître à la grange et au four à pain, abrités par une futaie de chênes et de quelques autres feuillus. Dans l'équilibre d'un espace harmonieux, né d'un environnement naturel délicatement maîtrisé, se devine l'ingéniosité de ceux qui ont su tirer parti au mieux des données du terrain. Rien n'est en effet laissé au hasard, tout est "utile", rien ne se perd sur un airial où la communauté vit en autarcie.

Ce cercle vertueux qui consiste à considérer chaque élément du tout pour que l'équilibre perdure, conduit toujours à prendre soin des arbres qui "font" l'airial. Jadis pour des raisons économiques, le gland fournissant la nourriture des porcs ; aujourd'hui pour des raisons environnementales et l'équilibre paysager.

L'état sanitaire des 693 airiaux recensés par Aquitaine Forêt Service sur le seul canton de Roquefort démontre en effet l'urgence d'informer et d'aider pour préserver cet héritage. Élaguer, éliminer les branches mortes pour éviter la propagation des insectes xylophages sont des mesures incontournables qui garantissent la sauvegarde de ces sites patrimoniaux où le chêne, dominant, côtoie d'autre essences, le tilleul et le châtaignier en particulier et, en limite de propriété, souvent un pin parasol dit "franc" [2] ou pin mèche.

Car c'est du chêne qu'est né l'airial qui résulte non d'une plantation mais du défrichement d'une cassanha ou d'un tausiar comme l'ont récemment démontré les scientifiques du PNR qui se sont également intéressés aux maisons à pans de bois dont les pièces maîtresses sont réalisées avec le cœur du chêne, le corau.

Les différentes analyses réalisées par la dendrochronologue [3] Béatrice Zseperstyski ont abouti à des résultats surprenants : certaines pièces de charpente dateraient des XIIIe et XIVe siècles, faisant remonter de facto, à une époque bien plus ancienne que ce que l'on croyait, le modèle de maison landaise traditionnel et l'airial qui en constitue le contexte immédiat.

Études palynologiques [4], datations au carbone 14 et fouilles archéologiques réalisées dans les vestiges d'une maison située aux confins de Sabres et de Trensacq semblent confirmer ce que les cernes du bois suggèrent : malgré quelques opérations de réemploi, toujours possibles, il est à peu près assuré que ce type de maison, évolutive dans le temps, date de la fin du Moyen Âge, d'où l'appellatif populaire de "maison des Anglais".

[1] Forme francisée du gascon airiau, "pelouse ombragée de chênes qui entoure toute habitation landaise située hors des bourgs".

[2] Franc prend ici le sens de "libre"car il signale une propriété libre de droits, un cap casau.

[3] La dendrochronologie (du grec dendron, "arbre", et chronos, "temps") est une technique de datation des bois à partir du nombre des cernes de croissance.

[4] La palynologie date les pollens contenus dans les strates du sol ou dans les matériaux de construction.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

(Musique)
Patrick Pannier
Bonsoir, l’airial, paysage typique des Landes mais aussi du Sud Gironde et de l’Ouest du Lot-et-Garonne. L’airial, objet depuis peu de toutes les attentions et parfois même de toutes les convoitises. Un état des lieux est en cours, qui devra déterminer les actions à mener en matière de préservation de ce patrimoine qui aurait tendance à se dégrader, à commencer par les chênes plusieurs fois centenaires.
(Bruit)
Stéphane Dubourguier
Voilà ça y est, le [incompris] est réussi.
(Bruit)
Stéphane Dubourguier
Je vais faire un grimpé de corde amélioré en fait, on appelle ça le [incompris] dans notre jargon et après, au niveau du déplacement dans l’arbre et tout, on travaille avec un nœud coulissant, on cherche un point haut et après, avec le nœud coulissant, ce qui nous permet de pouvoir avancer, reculer, monter, descendre et de pouvoir aller partout dans l’arbre.
Patrick Pannier
Harnaché comme un alpiniste, Stéphane Dubourguier se rend sur son lieu de travail, la cime des arbres. Avec une extrême délicatesse, il va procéder à une taille douce de ces vénérables chênes, un toilettage nécessaire pour prolonger l’existence de ces témoins encore vivants de la lande des siècles passés.
(Bruit)
Patrice Schocke
Ce que nous sommes en train de faire, c’est améliorer l’état sanitaire du chêne par la coupe essentiellement de bois morts et l’allègement de charpentières qui pourraient être nécrosées. Alors, ça, c’est l’élagueur qui le voit quand il est dans l’arbre, c’est-à-dire qu’il étude chaque branche, notamment les charpentières, ce sont les branches principales qui partent à l’horizontale du tronc. Et donc, l’objectif est d’enlever toutes, les bois qui pourraient être abîmés par le temps ou par les insectes et notamment tous les bois morts, voilà.
Patrick Pannier
Menée durant 4 années et leurs 4 saisons, une étude pilote des chênes a fait apparaître que rares étaient les airiaux qui présentent aujourd’hui un état sanitaire satisfaisant, un recensement exhaustif sur le canton de Roquefort, la bagatelle 693 airiaux répertoriés sur 15 communes par Aquitaine Forêt Service, une coopérative spécialisée dans les travaux forestiers.
Daniel Destarac
Dans l’histoire de la forêt landaise, c’est une futée de pins. Donc, le propriétaire a voulu se préserver essentiellement de l’incendie en plantant des feuillus. Donc, au niveau local, c’est essentiellement le chêne pédonculé et le chêne tauzin, qui sont représentés. Sur le littoral, on retrouve également le chêne liège mais qui n’apparaît pas sur ce secteur géographique. Et après, il y a d’autres essences plus particulières comme le tilleul qu’on retrouve plus près des habitations, et puis, souvent, le pin parasol en limite qui représentait un petit peu les bornes des propriétés.
Patrick Pannier
En tout cas, l’inventaire de cet échantillon des Landes laisse apparaître qu’il est indispensable d’informer et de sensibiliser les propriétaires afin d’éviter les dégradations, souvent liées à la méconnaissance de l’airial notamment dans ce patrimoine naturel que constituent les chênaies, inventaire riche parfois en surprise.
(Bruit)
Patrick Lespès
4 mètres 86, 486 centimètres de circonférence à 1 mètre 30.
Patrick Pannier
Au cours de cet inventaire exhaustif dans la lande, les scientifiques ont fait une découverte étonnante. Contrairement aux idées reçues, certains airiaux dateraient du XIIIème siècle. Jusqu’à présent, tous les spécialistes avaient pris l’habitude de dater les airiaux du XVIIème ou XVIIIème siècle. Mais à partir d’échantillons de bois, matériau utilisé dans la construction des maisons et des granges, un laboratoire bordelais vient d’effectuer une nouvelle datation selon le procédé de la dendrochronologie. On parle désormais du XIIIème et du XIVème siècle.
Béatrice Szepertyski
La datation en fait consiste à étudier ce que l’arbre a enregistré au cours de sa vie. Et comme, en fait, c’est un véritable disque enregistreur, et bien, on peut raconter toute son histoire à savoir, par exemple, on peut travailler sur les climats, nous pouvons travailler sur les impacts des hommes sur la forêt comme les défrichements par exemple, et nous pouvons travailler sur la nature des sols, l’exemple sur les barriques, ce genre de chose.
Patrick Pannier
Espace de vie organisé autour de l’habitat principal, aujourd’hui communément appelé la ferme landaise, l’airial était jadis le paysage type de la lande bien avant la plantation à grande échelle des pins.
François Lalanne
C’est à la fois un espace où l’on trouve du bâti, bâti de bois, bâti de pierres et un ensemble végétal formé de chênes car l’airial s’est installé après le défrichement des anciens bois de chênes que l’on trouvait dans la région, comme on trouvait les anciennes forêts de pin.
Patrick Pannier
L’opération pilote conduite sur le canton de Roquefort a permis d’évaluer les besoins en matière de restauration et de pérennisation des végétaux de l’airial. Ainsi, les propriétaires peuvent percevoir des aides régionales et européennes à hauteur de 50% de leurs travaux.
Jacques Lescouzères
On voit sur les airiaux des pruniers, des pommiers, des cerisiers, des tilleuls. Tout cela était utilisé pour la vie de tous les jours. Le tilleul, vous connaissez ses qualités thérapeutiques. Et il y avait dans l’airial un système économique très intéressant.
Patrick Pannier
Dans un prochain numéro d’Aquitaine Première, nous reviendrons avec grand plaisir dans les airiaux landais afin de mieux connaître, de mieux comprendre les multiples bâtiments qui les composent. Dans un instant, sur France 3, la suite du 19/20 avec le journal régional. Bonne soirée à tous.