Audience des maires des Pyrénées
Notice
18 mars 1944, le maréchal Pétain consacre une audience aux maires des départements de l'Ariège, du Gers, des Hautes et des Basses-Pyrénées afin que ces derniers expriment les difficultés rencontrées par leur commune. Parmi eux, le maire d'Aire-sur-l'Adour, représentant les Landes rattachées aux Basses-Pyrénées depuis 1940.
Éclairage
Le dialogue entre le maréchal Pétain et les maires de quelques-unes des villes des Landes, des Basses-Pyrénées, des Hautes-Pyrénées... est un document très rare et d'une grande valeur archivistique sur la personnalité du chef de la France de Vichy, à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1944). Le rapport paternaliste qu'il cherche à entretenir depuis 1940 avec les édiles municipaux se dégage certes encore du dialogue. Mais, ses propos sont en décalage par rapport aux préoccupations d'une opinion de plus en plus soumise aux privations et qui cache de moins en moins son mécontentement face à la politique du gouvernement de Vichy et surtout contre l'occupation allemande. Préoccupé par les "événements en cours", évoquant "les actes de terrorisme", il fait allusion ici à la résistance, sur laquelle il paraît mal informé, et qui est pourtant de plus en plus active dans la région en cette année 1944. Les maquis, plus nombreux dans le Piémont pyrénéens, et dans la forêt landaise, agissent par le biais d'attaques ciblées contre l'occupant. Les maires de la zone, qu'il a lui-même nommés pour la plupart à son arrivée en 1940, le rassurent et lui affirment leur fidélité, mais ne cachent pas, pour une minorité d'entre eux, leurs inquiétudes, relayant ainsi l'état d'esprit d'une opinion lassée de la guerre.
Le plus souvent cependant, le dialogue dérive dans de longues digressions qui montrent l'incapacité du maréchal Pétain à répondre aux besoins des maires, et même à assumer sa fonction : hésitations, oublis, maladresses, tentatives d'humour douteuses, futilités... émaillent ces entretiens et révèlent la précarité de sa situation et la fragilité du pouvoir de la France de Vichy. Est-ce la marque d'un manque de lucidité ? Une difficulté à comprendre les réalités ? Une impuissance à répondre à des questions urgentes ? La marque d'une incapacité à agir face à l'occupant ? Pétain, tout en jouant là son rôle de chef de la France de Vichy, est en cette année 1944 totalement impuissant à affronter une situation qui lui échappe et sur laquelle il n'a plus aucune prise. Le décalage entre celui qui incarne ce qu'il reste de l'Etat français et la réalité de la France de l'année 1944 est criant. Pétain n'apparaît plus comme le vainqueur de Verdun, "l'image du sauveur" qu'il a incarnée en 1940 s'est considérablement effritée, il est un homme en perdition, à la tête d'un navire vichyssois en train de sombrer.