Manifestation contre la fermeture de la Cellulose du Pin à Tartas

08 février 1994
02m 04s
Réf. 00114

Notice

Résumé :

A Tartas, l'opération "ville morte", pour protester contre la fermeture de la Cellulose du Pin, mobilise population et élus locaux. 3500 personnes manifestent en soutien aux 300 employés de l'usine, en ce jour de comité d'entreprise au terme duquel une expertise comptable visant à prouver la viabilité du site est obtenue.

Date de diffusion :
08 février 1994
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Éclairage

La ville de Tartas connut, à partir de 1941, une expansion économique grâce à l'installation d'une usine papetière. En 1961, celle-ci se retrouva dans le giron de Saint-Gobain via sa filiale la Cellulose du Pin.

Un premier virage eut lieu à partir de 1979 avec la fabrication de pâte "fluff", matière première entrant dans la composition d'un matériau absorbant destiné aux marchés de l'hygiène et du sanitaire. En se diversifiant, l'usine répondait à la demande des industriels et assurait ainsi sa rentabilité.

C'est en 1989, alors que la branche bois-papier de Saint-Gobain représentait 9,7 milliards de francs de chiffre d'affaires, soit près de 15% de l'activité du groupe et près 9% de ses bénéfices, qu'eut lieu un retournement dans l'industrie papetière. La conjoncture économique globale, la dévaluation de la monnaie de certains pays clients et une baisse des prix de la pâte provoqua de sérieuses difficultés de financement pour la papeterie landaise. Confronté à une hémorragie financière importante (150 millions de millions de francs de pertes sur un volume d'activité de 400 millions de francs en 1993), Saint-Gobain décida rapidement de fermer l'usine et de vendre dans la foulée les entreprises de ce même secteur.

Pour le groupe, il n'aurait pas été rentable de moderniser une usine handicapée par sa petite taille, l'obsolescence de son appareil productif et la désaffection des acheteurs. Toutefois, la fermeture de l'usine de Tartas aurait eu de profondes répercutions dans la région landaise ; c'est ce qui explique l'envergure de la fronde et la rapidité avec laquelle elle fut menée.

Si seuls 300 emplois étaient menacés sur le site, pas moins d'un millier supplémentaire d'exploitants agricoles, bûcherons et transporteurs étaient concernés par cette décision. Élus, habitants de Tartas comme des villages alentours, employés de la papeterie et plus généralement tous ceux qui avaient un intérêt à défendre l'usine, se mobilisèrent le 8 février 1994, jour du Comité d'Entreprise : 3500 personnes manifestèrent à l'usine même, tandis que Tartas fut déclarée "ville morte".

Cette synergie donnait le coup d'envoi d'un mouvement qui allait durer près de quatre mois ; il verrait la victoire de la contestation grâce à la cession de l'usine pour le franc symbolique au groupe canadien Cascades et Tembec.

Sébastien Poublanc

Transcription

Nathalie Pinard
Journée de mobilisation sans précédent à Tartas, opération ville morte pour éviter la fermeture de la Cellulose du Pin, l’un des piliers de l’économie landaise. Plusieurs milliers de personnes sont descendues dans la rue à l’occasion d’un comité d’entreprise extraordinaire. Josiane Bouillet, Bernard Hostein.
Josiane Bouillet
3 500 personnes mobilisées autour des 300 salariés de la Cellulose du Pin à Tartas. Ici, on n’avait jamais vu ça. Il faut dire que la fermeture de l’usine envisagée par le groupe Saint-Gobain atteindrait profondément toute l’économie locale.
Inconnue
Parce que j’ai mes enfants, mon gendre qui travaillent là.
Josiane Bouillet
Vous connaissez du monde qui travaille ici ?
Inconnu
Oui, mon père.
Josiane Bouillet
Vous, vous n’êtes pas directement concerné mais vous êtes venu par solidarité ?
Inconnu
Oui, oui, absolument oui. Absolument, j’y tiens. C’est normal. Parce que c’est toute une région et ça se répercutera de très loin quoi.
Josiane Bouillet
Effet de la mobilisation, la direction a accepté ce matin la demande par les élus de la CE d’une expertise comptable. Cette étude économique durera 6 semaines. Les syndicats entendent prouver que l’entreprise est viable malgré la volonté de Saint-Gobain disent-ils de se débarrasser de sa branche bois-papier.
Guy Delmas
La Cellulose du Pin n’a qu’une dimension, bon, le premier groupe papetier français, mais au point de vue même européen, il n’a pas une position de leader. Et Saint-Gobain a toujours l’ambition de ne se développer que dans des métiers où il peut avoir une position de leader mondial.
Henri Emmanuelli
Puisqu’on nous explique que l’usine est dépassée, trop petite. Il n’y a qu’à en faire une neuve. J’ai demandé à ce qu’on mette un milliard pour financer cette usine sur les fonds de privatisation d’Elf Aquitaine.
Josiane Bouillet
Les écoliers ont déserté la classe, les commerçants ont baissé leurs rideaux, les élus sont en ordre de bataille. Toute une série d’actions se préparent pour les semaines à venir, pétitions, réunions, manif’, rencontre au Ministère du travail. Le pays tarusate compte élargir encore davantage la mobilisation pour sauver son usine. En assemblée générale, le personnel de la Cellulose a voté cet après-midi la reprise pour demain 6 heures. L’usine doit tourner, il faut faire fumer, disent les salariés.