L'orchestre Kubiak interprète "Hanienka"
Notice
L'orchestre Kubiak interprète une chanson polonaise Hanienka. Stéphane Kubiak est à l'accordéon et sa femme au piano.
- Europe > France > Nord-Pas de Calais > Pas-de-Calais > Lens
Éclairage
La musique tient une place très importante dans les loisirs et la sociabilité des mineurs polonais dans le Nord-Pas-de-Calais. Si les chorales évoquent l'attachement religieux de la communauté polonaise, les orchestres folkloriques sont des formations dont la vocation est autant d'entretenir le souvenir du pays que de distraire. Celle de Stéphane Kubiak est certainement la plus célèbre et la plus représentative de la relation étroite qui s'est nouée entre le pays minier et la Pologne. Son audience et sa notoriété sont en effet liées à la salle Gaity, salle de bal de Lens. S'il y a joué et fait chanter des mélodies polonaises, Stéphane Kubiak y a aussi fait danser tout le bassin minier pendant près de quarante ans.
Ici au cours d'une émission de Télé Lille, dans l'une des émissions dédiées aux mineurs, Le Magazine du mineur, l'orchestre joue une polka "Hanienka"devant un décor qui évoque un paysage de montagne polonaise. La mélodie raconte les amours de deux jeunes gens.
Né à Liévin en 1929, Stéphane Kubiak (1) n'est pas mineur et se destine à devenir coiffeur comme son père. Ce dernier, venu de Westphalie, a comme beaucoup de membres de la communauté polonaise un second métier. A Sallaumines, certains migrants polonais vendent des produits à destination de leurs congénères et deviennent des bouchers, des boulangers, des épiciers sans quitter parfois tout à fait la mine. Cette situation est souvent précaire, car illégale : à Bruay-en-Artois, une épouse de mineur polonais sur trois dans les années 1930 tient une boutique ou un débit de boisson, plus ou moins légalement, en tournant les dispositions d'un contrat qui n'engage que les hommes.
Stéphane Kubiak, lui, ne sera ni mineur, ni coiffeur, mais musicien. Dés l'âge de 6 ans, il joue de l'accordéon dans les mariages. Quelques années plus tard, il monte un petit orchestre avec son frère Casimir, puis recrute une jeune pianiste polonaise, la seule femme de l'orchestre qu'il a ensuite épousé. En 1956, ils ont ouvert ensemble une salle de danse, le Gaity à Lens. Dès les premiers jours, 1 700 personnes s'y pressent. Cette réussite tient à la capacité de Kubiak à transformer la musique traditionnelle polonaise en musique populaire aux morceaux entraînants. Il incarne alors à la fois l'attachement des Polonais du Nord à leur culture et une intégration "réussie" : les bals populaires Kubiak devenant un loisir commun à tous les couples de mineurs de la région.
L'organisation de l'orchestre reste familiale : outre Casimir toujours à la trompette et son épouse au piano, l'ensemble Kubiak a incorporé deux décennies plus tard leurs enfants : Hervé, Christian, et Catherine. Leur succès dépasse le cadre du Bassin minier et du Nord : Eddy Barclay leur fait signer en 1957 leur premier contrat renouvelé pendant 28 ans. Ils ont enregistré une quarantaine de 45 tours, autant de 33 tours et ont obtenu un disque d'or. La polka "Hanienka" a été également enregistrée sur disque (Barclay 76056). Stéphane Kubiak est mort en 2007, après avoir cédé son orchestre quelques années auparavant à son fils Christian.
(1) Anne Kubiak, La saga Kubiak, Hescé, 2009.
Francis Dudzinski, Balade musicale dans la communauté polonaise.
100 figures du Pas-de-Calais, témoins de l'immigration polonaise, éditions Les Échos du Pas-de-Calais, 2008.