Le Petit Boxeur

07 septembre 1971
03m 37s
Réf. 00022

Notice

Résumé :

Séquence d'ouverture et générique du téléfilm "Le Petit Boxeur". Le jeune Bernard rentre chez lui, blessé au visage après une bagarre à l'école. Puis il accompagne son père mineur qui va toucher sa "quinzaine". A travers Bernard, fils de mineur, vivant dans un coron, Jacques Krier et André Stil font la description de la vie d'une famille ouvrière et du milieu de la boxe amateur. Très proche du cinéma-vérité, ce téléfilm est interprété par des ouvriers et des mineurs de la région de Condé-sur-l'Escaut. Le rôle de Bernard adulte est interprété par le vice-champion de France amateur Bernard Dylbaitys. Sa fiancée est interprétée par sa propre épouse dans la vie.

Type de média :
Date de diffusion :
07 septembre 1971
Source :

Éclairage

Les auteurs de fiction à la télévision se sont peu intéressés au monde de la mine. Les faibles moyens de la télévision pour reconstituer les décors de Germinal n'ont permis qu'une adaptation théâtrale en 1977, (la BBC a cependant produit une adaptation en 5 parties en 1970). Dans un épisode des Cinq dernières minutes en 1981 "Le retour des coulons", l'inspecteur Cabrol enquête chez des mineurs colombophiles. En 1983, dans Toile de fond, à travers un mineur silicosé retraité en Savoie et qui revient "au pays", Daniel Van Cutsem montre la fin de la mine, l'avenir incertain des jeunes qui ne seront pas mineurs et qui sont confrontés au chômage. En 2007, Moi, Louis enfant de la mine aborde la catastrophe de "Courrières".

Jacques Krier, documentariste renommé, est à l'origine d'une éthique de réalisation des fictions que l'on a appelé "l'écriture par l'image" (1). Elle s'appuie sur la réalité sociale, un travail d'enquête et l'implication des gens (paysans, ouvriers, femmes...) dans le processus d'écriture et de réalisation. Il connaît particulièrement la vie des mineurs du Bassin puisqu'il a côtoyés et filmés à Bruay-en-Artois pour A la découverte des français en 1958. Quand il a l'idée de raconter l'histoire d'un boxeur, fils de mineur à Condé-sur-l'Escaut, il demande à l'écrivain André Stil qui est né à deux pas de là, d'aller enquêter avec un magnétophone dans les familles et les clubs de boxe amateur avant d'écrire le scenario (2).

C'est l'histoire de Bernard, que l'on suit à l'âge de 10 ans quand il choisit de pratiquer la boxe, puis à 16 ans avec les premiers combats, jusqu'à l'âge adulte où, ouvrier dans une usine métallurgique, il est confronté aux choix de l'existence écartelé entre la boxe, le travail et la petite amie. C'est un peu le parcours de Bernard Dylbaitys, vice-champion de France amateur qui joue Bernard adulte. C'est sa mère qui joue son propre rôle et sa femme Sonia qui joue la petite amie ; de même pour Bernard jeune, ont été choisis des boxeurs des clubs de la ligue des Flandres. Jacques Krier est allé filmer les entraînements et les combats à Condé-sur-l'Escaut, Fresnes, Hautmont, Billy-Montigny, Nœux-les-Mines et Waziers. Ainsi, Le Petit Boxeur et aussi un documentaire sur ce sport méconnu, avec des interviews d'anciens champions amateurs et professionnels et des entraîneurs. On est au cœur de la vie du boxeur amateur avec les entraînements après le travail, le contrôle du poids, etc.

La mine est présente à travers la vie dans le coron et le père mineur. Dans cet extrait, Bernard l'accompagne pour aller chercher la quinzaine et plus tard le père rapporte du fond le "pain d'alouette", qu'il distribue à ses enfants. Nous sommes dans les années 60, au début du plan de récession. "Sous terre c'est fini mon garçon, tu ne descendras plus" dit le père, Bernard ne deviendra donc pas mineur, il est ouvrier dans une usine. C'est aussi cette réalité-là que montre Jacques Krier : le début de la fin d'un monde. Les paysages des étangs dus aux affaissements miniers des anciennes mines d'Anzin sont omniprésents et quand Bernard et Sonia se donnent rendez-vous à la fin du film, c'est dans la friche de la fosse Saint-Pierre de Thivencelle, fermée en 1955.

Le Petit Boxeur montre le rôle sociologique de la boxe en milieu populaire. Sport viril : le jeune Bernard qui s'est fait "bousculer" à la sortie de l'école se laisse séduire par ce sport de combat et d'affirmation de soi. Moyen de reconnaissance, de la famille, des voisins, des copains, lors du premier combat. Il rejoint ainsi en quelque sorte les valeurs du mineur : honneur, courage et fierté. Tentative d'évolution sociale, quand après avoir échoué au BEPC, Bernard s'écrie : "Si c'est la boxe qui m'a foutu dedans, c'est la boxe qui m'en sortira". C'est un sport exigeant aussi, qui sollicite corps et âme (3). A la fin du film face à l'incompréhension de Sonia la fille du sud, face aux exigences du travail en usine, doit-il encore tout sacrifier à la boxe : "Mes poings ou mes mains ?".

Les clubs de boxe amateur du Nord-Pas-de-Calais continuent à former des petits boxeurs issus des milieux populaires et qui deviennent des champions comme le lensois Nordine Ouabaali formé au club d'Hénin- Beaumont.

(1) Il sort des studios et va tourner en décors naturels avec des caméras légères de 16mm. Aux côtés de JC. Bringuier et H. Knap, son travail aura une influence sur la Nouvelle Vague ou sur des réalisateurs comme Maurice Failevic. Ses réalités fictions sont dérangeantes pendant l'ère "pompidolienne", aussi en octobre 1971, y met-on un coup d'arrêt dès le film suivant qui devait se dérouler dans les mines de fer de Lorraine.

Il réalise en 1982 La Rescoussequi se déroule dans les mines de charbon de Lorraine, co-écrit et joué par Georges Staquet originaire du Nord, qui commença comme galibot avant une carrière de comédien.

Voir : Christian Bosséno : "Jacques Krier : l'écriture par l'image et par le cœur" dans 200 téléastes français Cinéaction, Éditions Corlet , septembre 1989 pp 265-272.

(2) André Stil : Le petit boxeur. Téléroman, Temps Actuels , 1984.

(3) Loïc Wacquant : Corps et âme. Carnets ethnographiques d'un apprenti boxeur, Marseille et Montréal, Agone, Comeau et Nadeau, 2001.

Jean-Noël Marquet

Transcription

(Bruit)
Bernard Dylbaitys
C’est là que ça a commencé il y a 7, 8 ans. Ah, si je pouvais repartir à zéro, si j’avais mon coup à refaire !
(Bruit)
Comédien 1
Bernard ! Bernard !
Bernard Dylbaitys
Oui, Bernard, Bernard, j’ai vengé un copain contre un plus grand, seulement moi…
(Musique)
(Bruit)
La mère
Mon Dieu m'n'enfant, qu’est-ce qui t’est arrivé, qui qu'c’est qui t’a arrangé comme ça ?
Bernard
C’est rien Maman !
(Bruit)
La mère
Montre voir si c’est grave ? J' te fais mal ?
Bernard
Non !
(Bruit)
Le père
Bonjour tout le monde !
La soeur
Bonjour Papa !
Bernard
Bonjour Papa !
(Bruit)
La mère
Au lieu de rester planté là, viens voir si ce n’est pas grave !
(Bruit)
Le père
Il n’y a pas de quoi faire un plat, je lui avais dit, il faut toujours se défendre ! Il faut toujours se défendre.
(Bruit)
Bernard Dylbaitys
Il était mineur mon père, mineur de fond. Ça, c’est un homme et il voulait que j’en devienne un.
(Bruit)
Bernard
La quinzaine, elle est belle Papa ?
Le père
Tu sais 'tiot, la vie est dure hein !
(Bruit)