Bénédiction de la statue de Sainte-Barbe par 850 m de fond

04 décembre 1960
01m 01s
Réf. 00243

Notice

Résumé :

Monseigneur Evrard est descendu par 850 mètres de fond au siège 6 de Bruay-en-Artois pour bénir solennellement la statue de Sainte-Barbe, patronne des mineurs. Différents plans de la bénédiction et de la statue de la Sainte enfermée dans une lampe de mineur.

Type de média :
Date de diffusion :
08 janvier 1961
Date d'événement :
04 décembre 1960
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Éclairage

Sainte-Barbe est la patronne de tout ce qui tonne et détonne, elle est donc, entre autres, la sainte protectrice des artilleurs et des mineurs. Les origines du culte sont obscures ; les mineurs extrayant le métal en Europe centrale ont certainement honoré Sainte-Barbe. A partir du XVIIIe siècle avec le développement de l'exploitation minière le culte se développe, mais c'est avec la révolution industrielle au XIXe siècle que les traditions de la Sainte-Barbe se répandent dans le Bassin du Nord- Pas-de-Calais. Croyants et non-croyants se mettent sous la protection de la sainte dont on installe des statues au fond pour mettre les mineurs à l'abri du grisou et des accidents.

Les Compagnies minières font du 4 décembre un jour chômé et non payé. Pour que les ouvriers puissent avoir les moyens de célébrer la fête, elles autorisent et favorisent les "longues coupes" la dernière quinzaine de novembre. Les journées de travail sont allongées jusqu'à 12 heures et plus. Cette pratique contestée par les syndicats a perduré dans certaines compagnies après la loi de 1927 sur la durée de travail de 8 H. La matinée est marquée par une messe à laquelle est convié tout le personnel (y compris les ouvriers de jour dont le saint patron est Saint-Eloi). Il fallait s'y montrer : même "si la participation des mineurs n'était pas officiellement obligatoire, compte tenu des liens entre les houillères et l'Eglise, ceux qui s'y refusaient étaient mis au ban de la Compagnie"(1).

La tradition de la descente puis de la bénédiction de la statue de Saint-Barbe au fond du puits est ancienne. Elle constitue la première étape des célébrations en l'honneur de Sainte-Barbe. C'est la partie la plus intimiste et la plus solennelle des festivités. A Bruay-en-Artois (aujourd'hui Bruay-la-Buissière), monseigneur Evrard, pèlerin infatigable du Pas-de-Calais descend bénir la statue de Sainte-Barbe enfermée dans une lampe de mineur et suspendue au carrefour des galeries au fond du puits, à plus de 800 mètres sous terre. Ce 4 décembre, la journée est chômée, la mine est fermée. Les représentants de la direction et les ingénieurs, en blouse blanche, ainsi que quelques mineurs, sans doute des porions sélectionnés avec attention qui sont en bleu de travail impeccable, tous drapés d'une écharpe blanche, assistent à la bénédiction de la statue. La poussière est visible, le boyau étroit, la cérémonie est rapide, elle s'accompagne d'un petit discours de l'évêque. La messe, plus longue, avec la chorale et l'harmonie des mineurs et avec leurs familles aura vraisemblablement lieu en surface. Au fond du puits, on ne trouve que des hommes adultes autour de l'évêque et de ses desservants. Sa présence incarne la protection de l'Église sur la mine, elle témoigne aussi de liens étroits entre les Compagnies minières, puis les Houillères nationalisées et l'Église et symbolise la solidarité des hommes, quel que soit leur statut et leurs charges, face aux dangers du fond. Monseigneur Evrard et ses desservants sont, avec le cameraman, les seuls étrangers à ce milieu. Le puits est une affaire d'hommes et c'est d'abord l'affaire des hommes de la mine. Saint-Barbe est la seule présence qui rappelle la féminité, sa blancheur est remarquable dans la poussière du charbon. Elle est protégée par la lampe de mineur dans laquelle elle est exposée. La sobriété de cette bénédiction témoigne aussi de la reconnaissance de la particularité du travail du mineur qui, à 800 mètres de fond risque sa vie au quotidien et mérite reconnaissance et protection.

A la surface, la fête redevient celle de la collectivité des mineurs et de leurs familles. La messe a perdu son caractère "obligatoire" avant la Seconde Guerre mondiale et les festivités sont essentiellement profanes.

Le lien étroit de l'Eglise avec les compagnies puis avec les Houillères nationalisées ont donné à ces manifestations religieuses "officielles" un caractère paternaliste où l'entente sociale n'était que de façade. Elles n'ont cependant pas entaché la ferveur de nombre d'ouvriers du fond, qu'elles que soient leurs confessions, envers la sainte protectrice. Après la fermeture des mines, la tradition de la messe de Sainte-Barbe a perduré dans quelques villes minières, mais elle a perdu son caractère strictement religieux pour se transformer en manifestations commémoratives et mémorielles.

(1) Catherine Carpentier-Bogaert, Sainte Barbe : légende et traditions, collection Mémoire de Gaillette, Centre historique minier de Lewarde, 1997. P.127

Béatrice Touchelay

Transcription

(Musique)
Journaliste
Toujours la fête Sainte-Barbe, notre caméraman Gustave De Martelaere accompagnait monseigneur Evrard ; qui avait consenti à descendre par 850 m de fond au siège 6 de Bruay-en-Artois pour bénir solennellement la statue de Sainte-Barbe, patronne des mineurs.
(Musique)