Le ballet Danse avec le grisou, commémorant les 100 ans de la catastrophe de Courrières

17 avril 2006
04m 42s
Réf. 00262

Notice

Résumé :

Dans ce premier épisode du "Feuilleton de la semaine" du 13 heures d'Antenne 2, on suit en région parisienne la répétition d'un ballet, Conditions humaines, commémorant la catastrophe dans les mines de la compagnie de Courrières le 10 mars 1906. Sous la direction de la chorégraphe française Marie-Claude Pietragalla, ce spectacle a été créé à la demande de la région Nord-Pas-de-Calais.

Date de diffusion :
17 avril 2006
Source :

Éclairage

En 2006, le centenaire de la catastrophe de "Courrières" donne lieu à de nombreuses initiatives commémoratives. L'une des plus marquantes est le spectacle Conditions humaines, créé à cette occasion par Marie-Claude Pietragalla. Deux ans auparavant, la chorégraphe et ex-danseuse étoile de l'Opéra de Paris a fondé avec son compagnon Julien Derouault la Compagnie Pietragalla-Derouault, le Théâtre du Corps. Conditions humaines est leur deuxième spectacle. Il naît sur la base d'un partenariat avec la région Nord-Pas-de-Calais. Entre 2006 et 2008, la compagnie de Pietragalla et Derouault est en résidence à la scène nationaleCulture Commune de Loos-en-Gohelle. De là naissent nombres d'actions culturelles tournées vers la population et l'ex-bassin minier et Conditions humaines, spectacle chorégraphique pour 11 danseurs. Il est présenté dès le mois d'avril 2006 à Sallaumines, l'une des villes les plus touchées par la catastrophe. La première représentation officielle a lieu le 23 mars 2007 au Palais des Sports de Paris.

A travers ce spectacle, Pietragalla et Derouault ont voulu livrer moins une fresque historique qu'une allégorie du monde ouvrier, incarnée ici dans la figure emblématique du mineur livré à la catastrophe. Il s'agit aussi pour eux de représenter l'enfer de la mine tel qu'il peut s'inscrire dans les corps. L'entreprise qui était ambitieuse, a connu une réelle résonance tant à l'échelle locale qu'à l'échelle nationale, non sans que soient posées un certain nombre de questions. Peut-on par exemple transformer les catastrophes en œuvre d'art ? Face à cette question, Pietragalla et Derouault pouvaient toutefois évoquer toute une série de précédents, à commencer par Émile Zola qui dansGerminal fait déjà de la catastrophe un motif romanesque. Plus intéressante peut-être est l'interrogation concernant ce qu'ont pu exactement représenter les chorégraphes. Aucune image n'est restée de ce qui s'est exactement passé dans les galeries de la compagnie de Courrières en 1906. Sans doute les témoignes oraux, émanant d'anciens mineurs, touchant à l'aspect du monde souterrain et aux conditions du travail du fond, existent-ils en nombre. Reste qu'en 2006, ils se font déjà de plus en plus rares et ne concernent de toute façon que la période la plus récente, celle d'une extraction très largement mécanisée. Dans ces conditions, Conditions humaines tient moins du spectacle sur la mine proprement dite, que du témoignage sur la manière dont notre modernité envisage l'univers minier et de la preuve de la perpétuation jusqu'à aujourd'hui d'un certain nombre de mythes (le mineur héros et martyr).

Marion Fontaine

Transcription

Olivier Galzi
On en vient maintenant à notre feuilleton, toute la semaine, nous allons suivre la célèbre chorégraphe Marie-Claude Piétragalla. A la demande de la région Nord-Pas-de-Calais, elle crée en ce moment un spectacle pour commémorer les 100 ans d’une catastrophe minière à Courrières. Elle avait fait à l’époque plus d’un millier de victimes.
(Bruit)
Abdel Mostefa
Sous les yeux de la chorégraphe, Sébastien se fait cheval. Cheval fourbu de la mine, cheval foutu après des années passées sous terre sans voir le jour. Nous sommes en décembre, au centre national de la danse à Pantin, pour Piétragalla, son assistant Julien et les neuf danseurs, ce sont les premières séances de travail. Ensuite, on ira se produire en plein cœur du Bassin minier.
Marie-Claude Piétragalla
Cette partie était à un poil vite, j’ai trouvé que ça s’installait à pas assez lentement le climat. Et après, quand tu retournes, peut-être qu’il peut y avoir des choses avec des croisées, tu vois des bras qui partent comme ça. D’abord, on est dans le Bassin minier, donc c’est important, je veux dire, il y a une double symbolique. Et en plus, on est dans une année de commémoration, donc effectivement, on cumule les choses. Donc, on a envie en tout les cas que ça parle aux gens, que les gens ne se disent pas : mais tiens, qu’est-ce qu’ils ont été faire dans notre univers ? Et voilà, on a envie effectivement...les amener dans un voyage.
Abdel Mostefa
Voyage dans le temps, et au centre de la Terre. Ce 10 mars 1906, quand une explosion a marqué à jamais le pays de Courrières. 1 099 corps asphyxiés ou carbonisés, des orphelins, des veuves, des invalides, quelques survivants.
Julien
On trouve des positions partout sur la scène. Et les filles, on essaye de voir sur le début justement de Beethoven, déjà la circulation autour de ça, le fait de prendre un bras, tirer. Et après toi à limite, tu donnes le top pour commencer des courses, et on voit ce que ça donne.
Marie-Claude Piétragalla
Il peut y avoir aussi des survivants, donc il peut y avoir je ne sais pas l'image d’un mineur qui est au sol, et puis qui monte. Et la femme l’aide à grimper, tu vois là, qu’il soit…. Et après, la fille commence à tirer….
Julien
On va voir après comment on définit l’ordre, puis on voit si l’enchaînement fonctionne.
(Musique)
Marie-Claude Piétragalla
Non, dégouline, dégouline. Oui, attention, et tombe. Oui !
Abdel Mostefa
Chacun cherche ses pas comme dans un laboratoire artistique où le geste juste est validé par Piétragalla.
Marie-Claude Piétragalla
Véronique, ce que tu as fait à un moment, tu étais assise comme ça, et tu te tirais vers toi. Là, ça c’est très bien.
(Bruit)
Marie-Claude Piétragalla
Tu vois, de vouloir l’amener coûte que coûte quoi. Les gens qui perdent la raison justement et qui n’ont qu’une envie, c’est qu’ils se lèvent. Et ils n'ont qu'une envie, c'est qu'ils veulent pas voir les… les.. lève toi…. Ça peut aller jusque-là dans la volonté de le garder pour soi. Maintenant, c’est de savoir quand est-ce qu’on coupe la musique.
Abdel Mostefa
Quand couper la musique, garder ou non cette scène dans le spectacle, il reste du temps pour les réponses, la première, c’est dans quatre mois.