Rencontre et exposition de la plasticienne Yamina Seddiq à Rieulay

25 octobre 2005
01m 52s
Réf. 00223

Notice

Résumé :

Yasmina Sediq a travaillé pour les plus grands couturiers ; elle expose ses œuvres à la Maison du terril de Rieulay . Elle revient à l'occasion dans la cité de Denain où était arrivé son père, mineur Marocain en 1947. En hommage elle a réalisé une robe symbolisant la catastrophe "de Courrières", en dentelle noire, avec 1099 perles représentant les victimes et 13 perles de chapelet représentant les survivants.

Date de diffusion :
25 octobre 2005
Personnalité(s) :

Éclairage

Cet interview de la plasticienne Yamina Seddiq montre une image inattendue de ce que l'on nomme improprement souvent les enfants issus de l'immigration ou la seconde génération. Par ses origines, Yamina Seddiq est cependant bien représentative de ces enfants dont le père est venu d'Algérie ou du Maroc après la Seconde Guerre mondiale travailler en France. Le sien est marocain. Il est arrivé dans le Nord-Pas-de-Calais en 1947 et a travaillé 30 ans à la fosse d'Arenberg. Elle a passé son enfance dans une famille nombreuse dans le coron près de Denain et près du carreau de la mine aujourd'hui désaffectée où elle est interviewée. De par sa réponse à la question de la journaliste "Comment on vivait ?" sous-entendu dans le coron de Denain, elle répond "on vivait quand même bien entre nous". Ce "entre nous" terminant sa phrase montre bien les problèmes d'intégration dont souffrait la communauté marocaine.

Malgré une enfance dans les corons, son propre parcours est original car c'est a priori dans un univers bien éloigné de celui de la mine : celui de la mode et des grands couturiers parisiens (elle a par ailleurs travaillé avec les plus grands couturiers dont Christian Lacroix) qu'elle a trouvé son avenir professionnel. Elle est plasticienne textile. Elle n'a pas pour autant oublié ces héritages et c'est l'une de ses créations, présentée lors d'une exposition à la Maison du Terril, à Rieulay, qui montre son attachement à son passé familial et au monde de la mine. Elle a voulu par cette exposition, rendre hommage à son père et à tous les mineurs. Il s'agit en effet d'une robe de mariée qui est une "robe de charbon" en dentelle et soierie ornée de perles noires bordées en chaînette et de bois doré dont le nombre et la couleur rappellent la tragédie de la Compagnie de Courrières du 10 mars 1906. Les 1 099 perles noires représentent les 1 099 morts tués par un coup de grisou et les 13 grains de chapelets, les seuls survivants, les rescapés revenus à la surface dix jours plus tard. C'est à la suite de cette catastrophe que les Compagnies minières ont fait appel aux premiers mineurs venus d'Afrique du Nord : quelques centaines de kabyles venant combler le vide.

Sylvie Aprile

Transcription

Vincent Dupire
Son père a travaillé 30 ans à la fosse d’Arenberg en exposant ses œuvres à la maison du terril de Rieulay. Sa fille Yamina Seddiq lui rend hommage ; l’occasion de découvrir le travail de cette plasticienne textile, née dans la région, qui a travaillé pour les plus grands couturiers comme Christian Lacroix. Rencontre avec elle, Christelle Massin et Laure Linot.
Christelle Massin
Ce matin, au détour d’une rue, Yamina s’aventure sur un terrain pour le moins délicat, celui de l’enfance. Les voix du passé résonnent dans cette petite cité de Denain, le tout premier chapitre d’une vie.
Yamina Seddiq
Presque 18 ans, et comment on vivait ? C’est difficile de répondre à ça. On vivait quand même bien entre nous.
Christelle Massin
Pour comprendre l’histoire de Yamina, il faut d’abord s’intéresser à celle de son père. Jeune marocain arrivé dans le Nord en 1947. Bien vite, les dunes de sable s’effacent, remplacées par d’imposantes montagnes noires. Des terrils devenus bien des années plus tard dentelle et soierie, à l’image de cette silhouette fantôme de la catastrophe "de Courrières". L’aboutissement de centaine d’heures de travail, une incroyable robe de mariée.
Yamina Seddiq
1 099 perles noires brodées en chaînette, qui symbolisent 1 099 hommes qui ont donné leur vie, et 13 perles de bois doré, 13 grains de chapelet, qui sont les 13 survivants.
Christelle Massin
Une robe de charbon qui suscite l’étonnement et l’admiration aussi des habitants de la cité des Chefs. Les œuvres de Yamina Seddiq seront bientôt exposées à Genève au prestigieux Palais des Nations. L'histoire d’une transmission, une fierté pour cette famille où l'on devient brodeuse de mère en fille.