Les nouveaux usages des friches industrielles : l'exemple de Culture commune à Loos-en-Gohelle
Notice
Reportage au 11/19 de Loos en Gohelle à l'association Culture Commune qui s'est est installée depuis 1998 sur l'ancien carreau de mine. Née en 1990 à l'initiative d'une trentaine de villes du Bassin minier elle propose différents ateliers de théâtre, de danse... Avec le label "scène nationale", elle rayonne sur un territoire de 700 000 habitants. Chantal Lamarre, sa directrice explique les principes de l'action de l'association, fondés à partir du territoire, de ses habitants et ses ressources. Espace de travail, de recherche et de rencontre depuis 1998, des groupes d'artistes comme La Station Mir, Metalovoice, et la compagnie Van der ZEE profitent des lieux et animent des ateliers auprès de la population.
Éclairage
En 1990, sous l'impulsion du Conseil général du Pas-de-Calais et avec l'actif soutien du Conseil régional et de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) du Nord-Pas-de-Calais, 27 communes de l'ex-Bassin minier (elles seront 35 en 2002) s'associent pour créer une association intercommunale de développement artistique et culturel. Ce projet, qui naît au moment où ferme le dernier puits dans la région, se veut avant tout tourné vers les jeunes et les publics les plus éloignés de la culture. Il prend le nom de "Culture Commune". En 1998, l'association peut installer son espace de travail et de création, "La Fabrique Théâtrale", sur la friche laissée par la fosse 11/19 à Loos-en-Gohelle. En 1999 enfin, elle reçoit le label de scène nationale, ce qui témoigne de la reconnaissance dont elle bénéficie dès cette date.
Cette affirmation rapide doit beaucoup au caractère novateur d'un projet, porté de surcroît par des individualités marquantes (ainsi la directrice Chantal Lamarre qui jusqu'à aujourd'hui, en 2012, dirige l'organisation). Elle bénéficie également d'un contexte porteur. Au plan local, nombre d'élus se préoccupent de la situation de carence culturelle (du point de vue des équipements par exemple, mais aussi du sentiment d'indignité des habitants s'agissant de leur accès à la culture) dans laquelle les Houillères ont laissé l'ex-bassin minier. À l'échelle régionale et nationale, on constate qu'avec la décentralisation, les conseils généraux et régionaux, les communautés d'agglomération tendent à se montrer de plus en plus actifs dans le domaine culturel. En outre, on voit naître plusieurs initiatives, en France et en général en Europe, visant à transformer d'anciens sites productifs en lieux d'art et de culture. Le reportage mentionne ainsi le cas de "La Piscine" à Roubaix, ancienne piscine art-déco implantée dans la ville du textile et reconvertie en 2001 en musée d'Art et d'Industrie.
L'ensemble de ces facteurs jouent en faveur du dynamisme de Culture Commune, qui veut contribuer, par la voie artistique, à la transformation et à la mise en mouvement de l'ex-Bassin minier. L'organisation entend pour cela avant tout jouer le rôle de relais et d'initiatrice, en soutenant les communes dans la mise en œuvre de nouvelles politiques culturelles et en engageant des projets artistiques qui appellent la participation active de la population. Les responsables de Culture Commune se veulent soucieux des spécificités sociales et culturelles du territoire dans lequel ils s'enracinent, et de son histoire minière. La Fabrique Théâtrale est de fait installée dans les anciens locaux de la fosse 11/19 et l'association soutient, par exemple en 2006, les créations artistiques qui visent à offrir de nouvelles représentations de l'univers minier. En même temps, les représentants de Culture Commune se refusent à enfermer la création artistique et leurs projets culturels dans le cadre de traditions minières figées (fanfares et orphéons par exemple). Conscients des changements profonds qui affectent la population de l'ancien Pays Noir (élévation de la scolarisation, "désouvriérisation", accès à une offre culturelle à la fois nationale et internationale), ils se montrent davantage soucieux d'encourager des pratiques culturelles à la fois novatrices et accessibles au plus grand nombre.
Chantal Lamarre, "Culture et mutations du territoire : acquis du passé et enjeux de l'évolution culturelle du bassin minier", dans Jean-Claude Rabier, La remonte : le bassin minier Nord-Pas-de-Calais entre passé et avenir, Villeneuve d'Ascq, Presses du Septentrion, 2002, p. 191-207.