Les nouveaux usages des friches industrielles : l'exemple de Culture commune à Loos-en-Gohelle

20 octobre 2001
03m 08s
Réf. 00275

Notice

Résumé :

Reportage au 11/19 de Loos en Gohelle à l'association Culture Commune qui s'est est installée depuis 1998 sur l'ancien carreau de mine. Née en 1990 à l'initiative d'une trentaine de villes du Bassin minier elle propose différents ateliers de théâtre, de danse... Avec le label "scène nationale", elle rayonne sur un territoire de 700 000 habitants. Chantal Lamarre, sa directrice explique les principes de l'action de l'association, fondés à partir du territoire, de ses habitants et ses ressources. Espace de travail, de recherche et de rencontre depuis 1998, des groupes d'artistes comme La Station Mir, Metalovoice, et la compagnie Van der ZEE profitent des lieux et animent des ateliers auprès de la population.

Type de média :
Date de diffusion :
20 octobre 2001
Personnalité(s) :

Éclairage

En 1990, sous l'impulsion du Conseil général du Pas-de-Calais et avec l'actif soutien du Conseil régional et de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) du Nord-Pas-de-Calais, 27 communes de l'ex-Bassin minier (elles seront 35 en 2002) s'associent pour créer une association intercommunale de développement artistique et culturel. Ce projet, qui naît au moment où ferme le dernier puits dans la région, se veut avant tout tourné vers les jeunes et les publics les plus éloignés de la culture. Il prend le nom de "Culture Commune". En 1998, l'association peut installer son espace de travail et de création, "La Fabrique Théâtrale", sur la friche laissée par la fosse 11/19 à Loos-en-Gohelle. En 1999 enfin, elle reçoit le label de scène nationale, ce qui témoigne de la reconnaissance dont elle bénéficie dès cette date.

Cette affirmation rapide doit beaucoup au caractère novateur d'un projet, porté de surcroît par des individualités marquantes (ainsi la directrice Chantal Lamarre qui jusqu'à aujourd'hui, en 2012, dirige l'organisation). Elle bénéficie également d'un contexte porteur. Au plan local, nombre d'élus se préoccupent de la situation de carence culturelle (du point de vue des équipements par exemple, mais aussi du sentiment d'indignité des habitants s'agissant de leur accès à la culture) dans laquelle les Houillères ont laissé l'ex-bassin minier. À l'échelle régionale et nationale, on constate qu'avec la décentralisation, les conseils généraux et régionaux, les communautés d'agglomération tendent à se montrer de plus en plus actifs dans le domaine culturel. En outre, on voit naître plusieurs initiatives, en France et en général en Europe, visant à transformer d'anciens sites productifs en lieux d'art et de culture. Le reportage mentionne ainsi le cas de "La Piscine" à Roubaix, ancienne piscine art-déco implantée dans la ville du textile et reconvertie en 2001 en musée d'Art et d'Industrie.

L'ensemble de ces facteurs jouent en faveur du dynamisme de Culture Commune, qui veut contribuer, par la voie artistique, à la transformation et à la mise en mouvement de l'ex-Bassin minier. L'organisation entend pour cela avant tout jouer le rôle de relais et d'initiatrice, en soutenant les communes dans la mise en œuvre de nouvelles politiques culturelles et en engageant des projets artistiques qui appellent la participation active de la population. Les responsables de Culture Commune se veulent soucieux des spécificités sociales et culturelles du territoire dans lequel ils s'enracinent, et de son histoire minière. La Fabrique Théâtrale est de fait installée dans les anciens locaux de la fosse 11/19 et l'association soutient, par exemple en 2006, les créations artistiques qui visent à offrir de nouvelles représentations de l'univers minier. En même temps, les représentants de Culture Commune se refusent à enfermer la création artistique et leurs projets culturels dans le cadre de traditions minières figées (fanfares et orphéons par exemple). Conscients des changements profonds qui affectent la population de l'ancien Pays Noir (élévation de la scolarisation, "désouvriérisation", accès à une offre culturelle à la fois nationale et internationale), ils se montrent davantage soucieux d'encourager des pratiques culturelles à la fois novatrices et accessibles au plus grand nombre.

Chantal Lamarre, "Culture et mutations du territoire : acquis du passé et enjeux de l'évolution culturelle du bassin minier", dans Jean-Claude Rabier, La remonte : le bassin minier Nord-Pas-de-Calais entre passé et avenir, Villeneuve d'Ascq, Presses du Septentrion, 2002, p. 191-207.

Marion Fontaine

Transcription

Véronique Marchand
Le musée de Roubaix, on l’a vu et on le sait, donc s’est installé dans une ancienne piscine magnifique mais désafectée. Le recyclage des friches, en lieu d’art et de culture, c’est une pratique de plus en plus courante. L’une des plus belles réussites régionales est sans contexte l’expérience de l’association Culture Commune ; qui s’est installée sur l’ancien carreau de mine de Loos-en-Gohelle, le site du 11/19. Voyez ce reportage d’Alain Méry et de Maya Husni.
Alain Méry
Le 11/19, tout un symbole, à Loos-en-Gohelle 8 000 habitants et 150 ans d’industrie minière, on a vécu pour et par le charbon jusqu’en 1986. A l’époque, beaucoup d’élus veulent faire table rase avec le passé mais ici, on s’y refuse. Et en 90, fruit d’une volonté politique forte, l’association Culture Commune regroupant 27 villes est créée.
Chantal Lamarre
Il faut partir du territoire pour inventer le projet avec les hommes et les femmes sur ce territoire ; qui tiennent compte à la fois de son histoire, sa mémoire, de ses handicaps, de ses atouts, et des personnes ressources existantes ; et non pas de plaquer un modèle de structure culturelle qui serait comme ça, le mieux disant venant d’en haut.
Alain Méry
En 98, Culture Commune s’installe sur le site du 11/19. Des friches qui donnent naissance à la fabrique théâtrale, non pas un lieu de diffusion, mais un espace de travail, de recherche, de rencontre.
Comédien
Et alors, alors je lui dis, avec ta nouvelle coiffure tu ressembles à Hitler sans moustache.
Alain Méry
Le collectif multimédia la Station Mir, Métalovoice et la Compagnie Van Der Zee profitent des lieux pour mener à bien leur création et animer des ateliers auprès de la population. Un partage de culture résolument contemporaine qui est sans aucun doute, l’une des marques de fabrique de Culture Commune.
Chantal Lamarre
On n’est pas du tout une structure qui faisant à la place des communes, oh non, surtout pas. On n’est pas non plus prestataire de service. On est bien sur une coréalisation et un partage de sens ensemble et de moyen pour mettre en œuvre le projet de développement.
Alain Méry
Car ici, on parle bien de développement dans le temps et non d’événementiel. Il n’y a pas un public mais une population, 385 000 habitants pour 32 communes adhérentes. En réalité Culture Commune qui a reçu le label Scène Nationale en 99 rayonne sur un bassin de 700 000 habitants avec en moyenne 150 actions par saison. Quant au site du 11/19, il fait désormais partie du grand projet de ville. Première éco-pôle français, il mariera culture et environnement.
Chantal Lamarre
Ça doit être un lieu fort, à tout niveau physiquement mais aussi au niveau de ce qui s’y passe ; et un lieu fort symbolique de ce basculement du passé vers l’avenir tout en ne reniant pas son passé mais au contraire, en le valorisant de manière nostalgique et mythique.