Un des derniers chevaux de la mine
Notice
Pour la première fois, un direct est réalisé par la télévision au fond d'une mine, la fosse 12 du Groupe de Lens à Loos-en-Gohelle. Au fond, Pierre Tchernia en tenue de mineur et un responsable de la mine descendent dans un beurtia, ils rencontrent le conducteur d'un des derniers chevaux de la mine utilisé pour tracter les berlines.
Éclairage
Dans l'imagerie d'Epinal sur la mine, deux catégories sont vouées au transport du charbon au fond : de malheureux enfants qui poussent de lourds wagonnets ( les herscheurs), ou de braves chevaux qui viennent les remplacer. La présence de chevaux au fond de la mine est un de ces éléments propres à exploiter le pittoresque des lieux, d'autant que, l'extrait du direct Une mine de charbon : fosse 12 des Houillères de Lens ici proposé datant de 1955, elle n'est alors qu'une survivance dans des puits modernes comme ceux du Groupe de Lens. Si le cheval y a encore sa place, mentionne le chef-porion sans l'expliciter, c'est au pied d'un beurtia, c'est-à-dire d'un puits secondaire entre deux étages, servant à l'aérage ou ici à l'extraction, pour évacuer des produits vers l'accrochage principal. Pour un bref temps encore, ce cheval tête de mule, traîne donc la charge – et seulement la charge, nous dit-on – qu'il estime être son dû et qui, sur un terrain peut-être accidenté, fait quand même près de quatre tonnes. Non, il n'est pas aveugle. Non, il n'est pas prisonnier à vie de la mine : il remonte, suivant les fosses, plus ou moins régulièrement "au vert". Chanceux cheval que celui de la fosse 12 qui remonte tous les soirs : en réalité, la descente d'un cheval de mine fut longtemps une opérations des plus malaisées, outre qu'elle traumatisait l'animal, ficelé dans une position verticale ; ce n'est que dans les années 1930 que des ascenseurs permirent de descendre les chevaux de façon plus normale. De toute façon, alors que les hommes étaient impatients d'entrer dans les cages, on n'aurait pas prolongé le temps de la remonte pour des chevaux. Ils avaient leurs écuries au fond.
Au détour de cette vignette un peu anachronique, on a cependant un petit aperçu du milieu de travail. D'abord, inquiet des conditions techniques de son reportage (il s'agit pour la première fois d'un direct de la télévision au fond de la mine), Pierre Tchernia remarque, avec surprise, combien la mine est un milieu bruyant, bruit des ventilateurs, des machines, de l'eau, cliquetis des wagons, ordres criés par-dessus le tintamarre. Ensuite, on entrevoit ici que, dans ce monde souterrain, la fosse, axe essentiel de la vie de la mine, dans laquelle on fait plonger littéralement le spectateur, est la porte d'entrée d'un monde bien plus vaste : la cage s'arrête à des étages, d'autant plus nombreux que le puits est ancien et profond ; en partent des galeries qui constituent non pas un labyrinthe, mais un univers qui peut s'étendre sur des kilomètres, et va en se ramifiant, depuis les galeries principales, vastes tunnels étayés de façon permanente et bien éclairés, comme celle que l'on distingue ici jusqu'au voies de plus en plus étroites qui mènent aux chantiers, réseau de rails avec leurs locomotives pour transporter les ouvriers, et bien sûr les wagons chargés de produits jusqu'à l'accrochage de chaque étage, ou de remblai vers les tailles. Sur ce vaste réseau, transporter les mineurs jusqu'au front de taille peut prendre une demi-heure. La sortie des produits est une difficulté permanente. Avant que l'électricité ne se généralise au début du siècle, le rôle du cheval est essentiel – et plus souvent sans doute que le grand cheval de trait du nord de la France que l'on aperçoit dans ce reportage, le poney de mine, plus bas au garrot et qui peut pénétrer dans des voies plus basses, notamment le shetland, qu'on trouve encore dans des puits plus traditionnels en Grande-Bretagne presque jusqu'à la fin de l'exploitation.