Grands travaux et grands projets
Présentation
Les 14 années des deux septennats de François Mitterrand ont vu l’achèvement ou la mise en œuvre d’un certain nombre de grands projets architecturaux ou culturels accompagnant de grands travaux d’équipement.
Homme de culture, épris de l’histoire nationale en même temps que chef d’Etat convaincu de la nécessité de modernisation du pays, François Mitterrand s’est ainsi efforcé de mettre en harmonie l’effort de conservation ou d’aménagement du patrimoine national auquel il est profondément attaché avec la création d’équipements modernes traduisant les progrès techniques de la fin du XXe siècle.
Au total, l’objectif consistait à faire de la culture ainsi envisagée la vitrine du changement de société promis par le candidat à la présidence de la République.
Restauration et création patrimoniales
Dans le domaine de la culture, un rôle essentiel est tenu par le ministre en charge de ce portefeuille, Jack Lang, à la fois conseiller du président (qui suit de très près ces questions) et maître d’œuvre chargé d’en assurer la réalisation.
Mais l’intérêt de François Mitterrand pour le sujet se manifeste par le fait que, quelques semaines après son arrivée à l’Elysée, le 24 septembre 1981, il tient une conférence de presse pour présenter aux Français son programme de grands travaux.
Première conférence de presse ; politique culturelle et grands travaux
Il s’engage tout d’abord à achever les travaux engagés par son prédécesseur Valéry Giscard d’Estaing, et qu’il s’agit de compléter, voire de réformer selon les vues du président, la transformation de la Gare d’Orsay en musée consacré au XIXe siècle, la Cité des Sciences et des Techniques de la Villette, l’Institut du monde arabe.
Mais il annonce aussi toute une série de projets nouveaux : la création d’une Cité de la Musique, l’aménagement du quartier de la Défense, la construction d’un nouvel Opéra à la Bastille, l’aménagement dans le parc de la Villette d’un espace de spectacles multimédia autour d’une gigantesque géode et un certain nombre de projets en région.
La pièce maîtresse de cet ensemble, et sans doute la plus ambitieuse et la plus révélatrice de la pensée de François Mitterrand en ce domaine est l’aménagement du « Grand Louvre ». Lancé en 1981 par Jack Lang, le projet consiste à rendre au Louvre, dont l’aile Richelieu est occupée par les services du ministère des Finances, sa vocation muséale et de réorganiser la circulation à l’intérieur des divers espaces du musée de manière plus rationnelle, tout en modifiant son accès à l’extérieur afin d’accueillir de très nombreux touristes.
En d’autres termes, il s’agit d’ajouter une touche de modernité à un monument dont l’origine remonte au XIIe siècle et auquel les périodes successives de l’histoire de France ont apporté des ajouts ou des modifications. En 1983, François Mitterrand adopte le projet de l’architecte sino-américain Pei qui prévoit d’édifier au centre du monument une pyramide de verre servant d’entrée et conduisant à un vaste espace d’accueil en sous-sol par un escalier hélicoïdal. Le chantier prend du retard en raison de la résistance opposée par le ministère des Finances à son déménagement dans les nouveaux locaux bâtis à son intention sur le quai de Bercy. Ce n’est finalement que le 4 mars 1988 que François Mitterrand pourra inaugurer le monument ainsi restauré.
Emblématique de l’intérêt de François Mitterrand pour le livre, la construction sous le second septennat de la Bibliothèque nationale de France en bord de Seine, entre les ponts de Tolbiac et de Bercy sur la rive gauche du fleuve , permet de désengorger les vieux bâtiments de la rue de Richelieu, débordés par l’abondante production éditoriale et mal adaptés à la conservation du patrimoine sonore et audiovisuel.
François Mitterrand inaugure la Bibliothèque Nationale de France
Cette politique d’aménagement d’espaces culturels et patrimoniaux dans la capitale s’accompagne d’un ensemble de projets en région visant le même but : restauration de cathédrales classées monuments historiques à Amiens, Bordeaux, Reims ou Strasbourg, création de bibliothèques, de musées, d’espaces culturels.
C’est ainsi qu’un Centre national de la bande dessinée et de l’image voit le jour à Angoulême, que Marseille hérite d’une Ecole nationale de danse ou qu’une Ecole nationale de la photographie s’implante à Arles.
Dans ce cadre, François Mitterrand n’oublie pas Château-Chinon dont il a été le maire de 1959 à 1981 où il installe en juillet 1986 un Musée du septennat qui reçoit les dons et les cadeaux reçus au cours de sa carrière politique et de son mandat présidentiel.
Il y reviendra le 10 mars 1988 pour inaugurer la fontaine de Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely.
Inauguration de la fontaine de Niki de Saint Phalle à Château-Chinon
Les grands travaux d’équipement
Si, dans le cas des grands travaux patrimoniaux, il s’agissait de mettre en perspective l’héritage culturel et la modernité, c’est bien cette dernière qui constitue le moteur des grands projets d’équipement. Durant les quatorze années des deux septennats de François Mitterrand, ces derniers ont été légion à Paris comme en province, l’Etat prenant l’initiative ou encourageant l’action en ce domaine des collectivités locales dont les attributions se sont élargies dans le cadre de la décentralisation.
Parmi les projets marquants symbolisant la volonté de modernisation du pays, on retiendra deux décisions emblématiques.
La première est l’équipement du territoire national par un réseau de trains à grande vitesse (TGV). La décision de mettre en place cet équipement qui diminue les distances entre les diverses régions desservies est très antérieure à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand puisque c’est le président Georges Pompidou qui, au début des années 1970, prend la décision de construire cet équipement en commençant par la jonction Paris-Lyon. Les nombreuses études préliminaires nécessaires, le choix du tracé de la ligne, les difficultés nées des innombrables contentieux retardent jusqu’en 1978 la mise en chantier du projet, les travaux débutant durant la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Ils sont pratiquement achevés dans leur première phase lorsque François Mitterrand est élu à l’Elysée et c’est donc lui qui, en septembre 1981, peut inaugurer le TGV Sud-est sur le tronçon Paris-Lyon.
Inauguration du TGV Sud-Est ou l'art de prendre le train en marche
En revanche, c’est sous sa présidence et à son initiative qu’est décidée la construction d’un TGV Atlantique auquel le Chef de l’Etat accorde d’importants crédits et dont il étudie avec soin le parcours. Arbitrant entre les revendications contradictoires des diverses régions, il décide de diviser le réseau en deux branches, l’une vers l’Ouest, desservant Rennes et Nantes qui sera inaugurée en 1989, l’autre vers le Sud-ouest et l’Espagne par Tours et Bordeaux, en passant par sa Charente natale, qu’il inaugurera à Poitiers en 1990.
Le TGV Atlantique, une décision "très personnelle" du Président Mitterrand
Enfin, le président décide la construction d’un TGV Nord, inauguré en 1993 et en relation avec l’autre grand équipement réalisé sous son second septennat, le Tunnel sous la Manche.
L’idée d’une liaison terrestre entre la France et l’Angleterre, évoquée depuis le début du XIXe siècle, apparaît longtemps comme une utopie tant, au cours des décennies les projets se sont multipliés, ont provoqué des discussions passionnées entre les gouvernements français et britanniques, voire des traités qui paraissaient devoir concrétiser l’entreprise, pour finalement échouer près du port en raison des conflits, des crises économiques ou des craintes exprimées au Royaume-Uni.
Car si, du côté français, aucun obstacle psychologique ne se manifeste, il n’en va pas de même au Royaume-Uni où l’idée que l’Angleterre cesse d’être une île affole une partie de la population et alarme les militaires qui redoutent une invasion française. Ainsi, depuis le premier traité entre Napoléon III et la reine Victoria signé en 1867 et que la guerre de 1870 rendra caduc, les projets avortés sont nombreux.
C’est la décision de François Mitterrand, désireux d’arrimer le Royaume-Uni à la construction européenne à laquelle il est attaché, qui va faire entrer l’utopie dans la réalité. Là encore les études préalables sont nombreuses et délicates, tant en ce qui concerne la nature même de l’ouvrage à construire que ses modalités de financement et le rôle respectif des gouvernements français et anglais.
Le choix technique est opéré en 1983 : il s’agira d’un double tunnel ferroviaire, doublé par un tunnel de service, financé par des capitaux privés. Il faut encore plusieurs mois avant que soient réglés les ultimes détails et que François Mitterrand puisse signer le 12 février 1986 avec le Premier ministre britannique Margaret Thatcher le traité de Canterbury qui acte la construction du tunnel sous la Manche.
Signature du traité franco-britannique à Canterbury : le bout du tunnel pour le tunnel sous la Manche
Après huit années de travaux, François Mitterrand pourra l’inaugurer à la fin de son second septennat le 6 mai 1994.