François Mitterrand inaugure le musée d'Orsay

01 décembre 1986
03m 22s
Réf. 00295

Notice

Résumé :
Le 1er décembre 1986, François Mitterrand inaugure le musée d'Orsay.
Date de diffusion :
01 décembre 1986
Source :

Éclairage

Le musée d'Orsay est un projet de longue date, élaboré sous les mandats de trois présidents différents. Le musée est conçu sous Georges Pompidou, poursuivi par Valéry Giscard d'Estaing et achevé par François Mitterrand.

La mise en place de ce nouveau musée national dans le paysage parisien doit répondre à un double enjeu : accroître la visibilité des oeuvres produites dans le court XIXe siècle (1848 - 1914) et réhabiliter un quartier prestigieux de la rive gauche de la capitale.

Afin de répondre à l'enjeu de visibilité de l'art du XIXe siècle, le musée d'Orsay obtient ses collections des fonds du Louvre et du musée du Jeu de Paume, alors dédié aux impressionnistes. Les toiles préalablement présentées dans ces deux musées sont enrichies de nombreuses autres oeuvres, jusque-là remisées faute d'espace d'exposition. Pour doter ce musée d'une personnalité propre, les concepteurs choisissent une période réduite (1848 - 1914) et s'inspirent du travail de greffe préalablement effectué pour le Centre Pompidou à partir des collections du Palais de Tokyo (Jacques Thuillier, « De la gare au Musée d'Orsay», Revue de l'art, 1986). Le musée accueille l'art pompier (Gérôme), les toiles des impressionnistes (Monet), les réalistes (Courbet), le fauvisme (Vlaminck), des sculptures (David d'Angers), des photographies (Hippolyte Bayard, Nicéphore Niépce). Aux artistes français s'ajoutent les travaux d'artistes étrangers (l'américain Winslow Homer, le belge Jean Delville, l'autrichien Klimt).

En ce qui concerne la question de la réhabilitation d'un vaste espace convoité de la rive gauche, les pouvoirs publics tranchent rapidement. Georges Pompidou puis Valéry Giscard d'Estaing rejettent l'idée d'un nouveau grand hôtel international avec centre commercial le long de la Seine. Ils souhaitent que la gare désaffectée des trains Paris-Orléans, inaugurée pour l'exposition universelle de 1900 en lieu et place de l'ancien palais d'Orsay brûlé pendant la Commune en 1871, soit rénovée afin d'accueillir un musée de l'art du XIXe siècle. L'enjeu architectural et urbain est donc de taille : les architectes doivent transformer une gare en musée. Le concours lancé en 1979 est remporté par l'agence ACT architecture (Renaud Bardon, Pierre Colboc et Jean-Paul Philippon). Les façades extérieures sont conservées mais deux solutions opposées sont étudiées afin d'aménager les espaces intérieurs : remplir le grand hall de gare de multiples espaces d'exposition et sacrifier l'effet du grand hall ou préserver le grand hall et installer le musée dans les parties annexes de la gare. Les architectes parviennent à trouver une troisième solution de compromis entre ces deux tendances. Cette solution nécessite de résoudre des défis techniques : mauvais terrain de remblai, proximité du fleuve, voie ferrée souterraine en activité, acoustique du grand hall. Afin d'organiser la muséographie du grand hall, l'agence ACT collabore avec une architecte d'intérieur italienne, Gaetana "Gae" Aulenti. Son travail et les crédits supplémentaires alloués par François Mitterrand permettent d'éviter les erreurs du Grand Palais : à savoir l'installation d'une "exposition-foire, avec ses matériaux secs, pauvres et commodes - plâtre, Plexiglas et sol plastiques - qui donnent l'impression de mesquin et de provisoire" (Jacques Thuillier, ibid). La scénographie affiche son modernisme et sa pérennité grâce à des matériaux modernes et robustes (béton, pierre de Buxy). De plus, les deux immenses horloges de la gare sont conservées et transformés en belvédère avec vue sur tout Paris.

Le 1er décembre 1986, François Mitterrand inaugure le Musée d'Orsay qui ouvre ses portes au public le 9 décembre suivant. La création de ce nouveau musée, en parallèle au projet du Grand Louvre, permet à la capitale française de se doter d'un nouvel écrin de prestige pour les oeuvres des artistes parmi les plus emblématiques du XIXe siècle. Ce musée accueille en moyenne 2,2 millions de visiteurs par an entre 1994 et 2003. Puis à partir de 2004, sa fréquentation augmente jusqu'à atteindre 3,5 millions de visiteurs annuels après sa rénovation en 2010-2011.
Félix Paties

Transcription

Présentateur
Jacques Chirac parlait donc cohabitation hier soir, François Mitterrand a répondu continuité. Ce matin, le Chef de l’État inaugurait le Musée du XIXe siècle dans l’ancienne Gare d’Orsay. Ce musée, c’est le résultat du travail de trois Présidents de la République, c’est une remarque du Chef de l’État, un bel exemple de continuité esthétique, a-t-il dit. Mais la continuité se déroule aussi sur bien d’autres domaines.
François Mitterrand
Cela a été conçu à l’époque de Monsieur Pompidou, c’était une heureuse conception que de vouloir utiliser cette gare, que j’ai connue moi-même lorsque j’étais étudiant car débarquant d’Angoulême, c’est toujours là que j’aboutissais. C’était un lieu vide, abandonné, plutôt que de se lancer dans des constructions hasardeuses, je pense que l’idée était très heureuse d’utiliser cette gare comme on l’a fait. Ensuite, c’est Monsieur Giscard d’Estaing qui a mis au point le projet, qui a fait les premiers financements, qui en a prévu grosso modo la période. Et en 1981, nous étions quand même loin du compte, car le gros-oeuvre était à peine entamé, les crédits n’étaient pas quand même suffisants par rapport à l’ampleur du projet, le principal, pour moi, c’était de continuer et j’ai continué. Ensuite, c’était d’adapter les crédits, nous avons adapté les crédits. Ensuite, c’était d’élargir de deux façons, historiquement, il fallait peut-être bien préciser le point de départ et le point d’arrivée et j’ai repris tout simplement l’initiative première, 1848-50, 1910-14. Et puis, quand j’ai décidé la création du Grand Louvre, l’utilisation différente, indispensable pour nos temps modernes du Musée du Louvre, comme devait loger ici précédemment une série d’administrations touchantes à la direction du musée, naturellement, le Musée d’Orsay a retrouvé une place disponible le long de Bellechasse, le long de Lille, ce qui lui a permis de remplir son programme. Voilà mon action. Mais cette action nécessitait que dans la ligne de ce qui a été fait deux fois avant moi, c’est donc sous trois Présidents de la République que le musée d’Orsay aura été créé. C’est un bel exemple de continuité esthétique.
Yves Mourousi
Oui, j’allais vous demander justement, la continuité ne peut être que culturelle ?
François Mitterrand
Non, non, la continuité se déroule sur bien d’autres plans, chaque fois qu’il y a quelques intérêts de la France. Les principaux qui sont en cause, on les retrouve dans certains domaines de politique étrangère, dans certains domaines de politique de défense. On les retrouve aussi ailleurs, bien entendu, dans certaines formes de politique d’équipement, mais j’en passe. Il est en tout cas très heureux que le Musée d’Orsay soit la preuve que l’on peut concevoir à distance. Comment pourrait-on faire, il faut des années et des années. Si, lorsqu’on a construit la gare, il a suffi de deux ans, c’est parce qu’on a fait des miracles, je me demande comment on a pu faire. Ici, il a fallu sept ans, huit ans, neuf ans et cela dépasse la durée d’un mandat de Président de la République, et de loin, la durée des gouvernements. Voilà pourquoi je crois qu’on a agi sagement.