Rentrée politique de François Mitterrand à Lannion
Notice
François Mitterrand est l'invité d'honneur de la fête du Parti Socialiste à Lannion. Ce meeting est le premier pour le secrétaire du PS, depuis les élections présidentielles. Dans son discours, il salue le lien unissant le PS et les Côtes du Nord.
Éclairage
Le 2 avril 1974, Georges Pompidou s'éteint. Des élections présidentielles anticipées ont lieu en mai de la même année. Pour François Mitterrand, elles arrivent un peu trop tôt : avec 49,19 % des suffrages exprimés, il ne les perd que d'un souffle devant Valéry Giscard d'Estaing. Agé de 58 ans, et devant la perspective d'une nouvelle et longue période de sept années d'opposition, il aurait pu renoncer à poursuivre une carrière politique. Le discours prononcé à Lannion, au début du mois de septembre 1974, montre qu'il n'en est rien. Après une formation en droit et une carrière politique entamée dans les années 1940, l'action de François Mitterrand est guidée par trois traits : une opposition au gaullisme, teigneuse, sans concessions, sans la moindre faille, servie par sa grande maîtrise de la langue ; une alliance avec le Pari Communiste ; enfin la constitution d'une force de gauche non communiste qui devait équilibrer le PCF et même, le dépasser.
Lorsqu'il arrive dans les Côtes-du-Nord, le candidat socialiste défait, tient à remercier un département qui "depuis bientôt trente ans a apporté la majorité absolue à la gauche". En effet, au lendemain de l'Occupation, les Côtes-du-Nord connaissent un glissement important à gauche. Les mentalités changent et des bouleversements se produisent dans la redistribution des cartes politiques. On compte notamment l'entrée massive des communistes dans les conseils municipaux. Alors que dans les années trente, le PCF était minoritaire dans le département, il apparaît puissamment installé aux commandes du pouvoir local en 1944-1945, tirant les bénéfices de son action dans la résistance de la région. Parallèlement à cette montée en puissance, les trente années à venir confirment l'essor du socialisme, perceptible lors des principaux scrutins. Le discours prononcé par Mitterrand n'est donc pas anodin, pas plus que le choix de la région du Trégor, traditionnellement ancrée à gauche. Le fédérateur de la gauche s'incline devant la décision du suffrage universel, "notre loi" dit-il, mais console les siens par des paroles d'espoir dans "l'inéluctable" victoire de ceux qui représentent le monde de la jeunesse et celui du travail. Il proclame "quelque chose vient de commencer qui ne s'arrêtera pas de sitôt". Plutôt que de s'appesantir sur les résultats de 1974, Mitterrand, sûr de ses forces, préfère parler du futur. Curieusement, ce discours ressemble davantage à la prestation d'un homme en campagne qu'à un bilan effectué au lendemain d'une défaite électorale. Probablement pense-t-il déjà aux élections de 1981, qui le proclameront président de la République.
Bibliographie :
- Jean-Jacques Monnier, Le comportement politique des Bretons, 1945-1994, Rennes, PUR, 1994.