Nouvelle technologie au CNET à Lannion

04 mars 1986
02m 42s
Réf. 00108

Notice

Résumé :

Après trois années d'études, les chercheurs du Centre National d'Etude en Télécommunication de Lannion (22) ont présenté un nouvel écran pour le Minitel. Cet écran représente une révolution technique qui pourrait être diffusée au grand public.

Date de diffusion :
04 mars 1986
Source :
FR3 (Collection: Rennes Soir )

Éclairage

A la Libération, la France est un pays ruiné. La création du CNET, le Centre National d'Etudes des Télécommunications, le 4 mai 1944, représente un grand espoir de redressement pour le secteur des télécommunications. Tout en travaillant en priorité à la mise en place des réseaux téléphoniques et télégraphiques sur l'ensemble du territoire, le centre de recherche démontre, dès ses débuts, sa capacité d'innovation en réussissant la retransmission télévisée par liaison hertzienne, du couronnement de la reine Elizabeth II en 1953.

Sous l'impulsion du CELIB Comité d'Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons, ce centre est implanté à Lannion en 1960. La ville a pour avantage de n'avoir aucun obstacle pouvant perturber la propagation des ondes, tout en ayant un aérodrome à proximité, facilitant les liaisons avec Paris. La réussite de cette transplantation, dans une région où l'absence de matières premières rentables interdisait toute industrie lourde, contribue à la "vocation" électronique de la Bretagne. La naissance de cette mono industrie se fait principalement entre 1962 et 1968 : la Socotel s'implante elle aussi à Lannion, le CEMS à Pleumeur-Bodou, la CSF à Brest et la SGS à Rennes.

Pendant ces mêmes années, hauts fonctionnaires et hommes politiques nationaux et régionaux évoquent également "la vocation électronique" de la Bretagne. Le schéma projeté est séduisant : il est prévu l'installation de centres de recherche fondamentale et appliquée qui doivent vivre en symbiose avec les moyens de haut niveau existant dans la région, afin de construire un important complexe scientifique. Dès lors doit se développer tout un secteur de recherche avec des applications concrètes pour l'industrie. En réalité, l'intégration de ces activités demeure relativement faible et il apparaît très vite qu'il s'agit moins d'un mouvement de décentralisation que d'une suite d'opérations de déconcentration, tendant plutôt à s'appuyer sur le faible coût de la main-d'oeuvre. En dépit de ce décalage entre le rêve et la réalité, le CNET, désormais dirigé par Pierre Marzin, est à la hauteur de ses ambitions scientifiques. Et lorsque, au tournant des années 1950-1960, le monde entre dans l'ère spatiale avec le lancement de Spoutnik en 1957, le CNET contribue à doter la France des moyens de télécommunications spatiales. En réussissant avec les américains la première liaison télévisée intercontinentale en 1962 entre Andover et Pleumeur-Bodou, le CNET prend durablement une place de premier rang dans les programmes spatiaux européens et internationaux.

Le retard accumulé par la France durant la Seconde Guerre mondiale, notamment en matière d'équipements de télécommunications stratégiques tels que les centraux téléphoniques, est considérable. Avec la mise au point d'un système de commutation électronique temporelle, le CNET réalise, en 1972, une première mondiale qui révolutionne et l'industrie française de ce secteur et le réseau national. C'est à cet instant qu'intervient une seconde vague de créations ou de transferts d'entreprises, françaises ou étrangères, vers la Bretagne, en particulier le CCETT Centre Commun d'Etudes de Télédiffusion et Télécommunications à Rennes et les entreprises du téléphone telles Ericsson à Brest. Les petites et moyennes entreprises locales se développent également. Mais vers 1976, les premières difficultés apparaissent : les entreprises n'offrent pas le nombre d'emplois attendus et des créations prévues sont même annulées. A Lannion, la Socotel est intégrée dans le CNET, entraînant des suppressions d'emplois : on commence à prendre la mesure de la fragilité de l'électronique. Au début des années 1980, d'importantes restructurations ont lieu avec de nouvelles conséquences sur l'emploi. La structure industrielle de l'électronique se recompose autour de nouveaux pôles et l'introduction de nouvelles technologies transforment la nature des produits offerts avec les fibres optiques, la numérisation et l'association avec l'informatique.

Cette numérisation rapide et complète du réseau de communication ouvre la voie à de nouveaux services et signale le succès immédiat du Minitel. En 1985, ce dernier est perfectionné grâce à l'invention de l'écran plat à cristaux liquides. Cette véritable percée technologique ne demande qu'a être étendue à d'autres instruments que le Minitel. Dans le même temps, en face du centre de recherche, s'implante un IUT d'électronique : la formation aux métiers de l'électronique est lancée dans le Trégor. Les années 80 voient l'avènement massif des communications par l'image et le primat de la recherche lannionnaise dans un nombre croissant de domaines : réseaux à haut débit, multimédia, composants électroniques et optiques etc., Les années 90 seront marquées par la diversification des services et l'arrivée de la concurrence. Le CNET effectue une mutation majeure en devenant le centre de recherche de l'entreprise France Télécom, dont le capital est ouvert : il s'appelle aujourd'hui France Télécom Division Recherche et Développement.

Fabien Lostec

Transcription

Présentatrice
Je vous le signalais hier, 15 chercheurs du CNET de Lannion, le Centre Nationale d'Etude des Télécommunications, viennent de mettre au point un nouvel écran pour Minitel. Il s'agit d'un système plat à cristaux liquides, il présente de nombreux avantages, celui d'être moins volumineux par exemple. C'est une percée technologique importante sur le plan mondial, d'autant que ce système pourra s'appliquer à d'autres écrans que ceux des Minitels. Voici avec les spécialistes, quelques explications et démonstrations.
Jean-Pierre Aubry
A première vue, ça ressemble à un écran de Minitel classique mais en y regardant de plus près, ça n'a en fait rien à voir. Cet écran extra-plat encore à l'état de prototype n'utilise pas de tube cathodique comme sur les écrans traditionnels, Minitel ou récepteurs télé. Le texte ou l'image s'inscrit sur un écran plat à cristaux liquides grâce à quelques 80 000 mini transistors répartis à l'intérieur d'un écran de 10 centimètres sur 13. Moins encombrant qu'un Minitel à tube cathodique, il permet d'effectuer les mêmes types d'opération. De plus, en utilisant un transistor pour chaque point d'images, on obtient un contraste et un angle de vue excellent.
François Morin
Cet écran est directement compatible avec l'ancien système Minitel, il suffit presque de remplacer le tube cathodique classique par notre écran à cristaux liquides. Le gros avantage qu'on y voit dans cet écran à cristaux liquides, c'est que la consommation électrique est bien moindre et on peut imaginer à partir d'un tel écran, des systèmes complètement autonomes et donc portables.
Jean-Pierre Aubry
Pour sortir ce prototype, il aura fallu plus de 3 ans de recherche à l'équipe du Centre d'études des télécommunications de Lannion et investir entre 10 et 15 millions de francs dans ce laboratoire conçu tout spécialement pour réaliser la matrice de transistor, c'est-à-dire à l'abri de toutes poussières. Actuellement, l'écran fonctionne en noir et blanc mais d'ici quelques semaines, il affichera la couleur. En outre, on pense d'ores et déjà étendre son application à la télévision, un domaine où il faudra aussi compter sur la concurrence japonaise.
Michel Lecontellec
Oui, c'est vrai, y a un grand nombre de laboratoires japonais avec des forces extrêmement importantes qui travaillent sur le même projet. Ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que les produits finaux montrés par les Japonais sont effectivement très beaux. Mais l'originalité de notre procédé réside dans sa simplicité, cette simplicité introduisant un nombre de défauts beaucoup plus restreint et des rendements normalement beaucoup plus grands.
Jean-Pierre Aubry
Pour protéger cette invention de portée internationale, le CNET a bien sûr déposé des brevets en France et à l'étranger. Prochaine étape, trouver des structures industrielles, capables de fabriquer ce type d'écran au rythme de 10 000 par an, notamment au niveau européen. Le prix de revient d'un tel système n'a pourtant pas encore été calculé. Quoi qu'il en soit, sachez qu'il sera désormais possible dans un avenir proche de sortir de sa poche un écran de la taille d'un paquet de cigarettes et de jouer par exemple au Maxitel FR3.