Plantation de haies paysagères
Notice
Depuis 30 ans, le Conseil Général d'Ille et Vilaine mène une politique de reconstitution du bocage. Des techniciens dispensent leurs conseils à des volontaires qui souhaitent participer à la plantation de haies bocagères.
Éclairage
Élément patrimonial essentiel des campagnes bretonnes, le bocage qui est un système de haies organisé en réseau a fait couler beaucoup d'encre depuis 50 ans. Il a subi en effet une évolution rapide liée à la modernisation de l'agriculture : le maillage très dense des haies, les chemins étroits et profonds, la petite superficie des parcelles qui caractérisaient le bocage breton étaient incompatibles avec les tracteurs et les moissonneuses-batteuses exigés par l'agriculture intensive. Le remembrement va déstructurer le bocage : selon les communes, 50 à 80% du linéaire des haies va disparaître, cette disparition s'étalant jusqu'aux années 2000 (En Ille-et-Vilaine, 38% du linéaire a disparu entre 1980 et 1995).
Le film n'évoque pas l'origine de ce bocage. Voyons quand même rapidement cette question bien analysée par l'historienne Annie Antoine. Le bocage n'est pas naturel, il est une construction sociale évolutive dont la densité maximum se situe entre le milieu du XIXe siècle et 1950. Les haies ont été construites pour répondre à certaines fonctions : au Moyen Age et à l'époque moderne, il s'agissait de bâtir des "cages" afin de protéger les espaces cultivés de la divagation des animaux. Au XIXe , quand l'élevage prend de l'ampleur et que les landes sont converties en prairies, le maillage des haies se densifie. Ces dernières ont toujours comme fonction essentielle la protection des troupeaux mais elles ont aussi des fonctions annexes : donner du bois, drainer le sol, abriter des vents. Le bocage est alors perçu comme nécessaire mais il va perdre son intérêt au milieu des années 50.
Les agriculteurs vont le faire disparaître, aidés par la puissance - toute récente - des tractopelles. Les organisations professionnelles les y incitent d'ailleurs au nom de la modernité.
A la fin du XXe siècle, pourquoi le reconstruire ? La question n'est pas vraiment posée dans le film. Est-il redevenu utile aux agriculteurs ? Oui peut-être, mais le replantage est surtout souhaité par d'autres groupes soit pour des finalités écologiques, soit pour des finalités patrimoniales.
Comment le reconstruire ? Il ne s'agit bien sûr pas de le refaire à l'identique et les essais de reconstitution ou de regénération, souvent réalisés à l'initiative des collectivités territoriales, se multiplient pour dégager des programmes cohérents qui respectent les nouveaux usages. C'est ainsi que depuis 1970, les conseils généraux bretons, relayés par les chambres d'agriculture ont lancé plusieurs programmes qui concernent le plus souvent des haies à plats (et plus rarement des talus). Il faut à la fois rénover et reconstituer le bocage en privilégiant les lieux fragiles. Le nouveau bocage ne ressemble pas à l'ancien faisant apparaître de nouveaux paysages : il aura une maille de 4 à 5 ha en zone cultivée et de 2 à 3 ha pour les prairies. L'essence des arbres dépendra de la finalité recherchée (bois de service, bois d'œuvre, bois de feu), en respectant toutefois l'alternance entre bois de grands fûts (le charme, dans le documentaire) et le bois de bourrage. Il faudra également entretenir la strate herbacée qui pousse au pied des haies.
Si le coût de cette restauration doit être portée par la communauté, puisqu'il n'y a plus de rentabilité immédiate et que le bocage participe de la protection de l'environnement, elle ne pourra toutefois se faire sans la participation active des propriétaires souvent agriculteurs. Les plus jeunes n'ont pas acquis ce savoir-faire, donc des équipes proposent des formations. Retrouverons-nous dans 100 ans les ragosses - c'est à dire les arbres à fagots chênes, châtaigniers ou charmes torturés par un élagage latéral - dont l'abondance est spécifique au bassin rennais ? Oui peut-être, leurs coupes alimenteront alors les inserts et peut-être formeront elles encore, comme le veut la tradition, les brise-lames de la plage de Saint Malo.
Malgré tous ces projets, le solde de replantations demeurent négatif : en Ille-et-Vilaine, entre 1975 et 2002, 150 km ont été replantés chaque année alors que 800 km ont disparu chaque année entre 1980 et 1995.
Bibliographie :
- Philippe Bardel, Jean-Luc Maillard, Gilles Pichard, L'arbre et la haie, Mémoire et avenir du bocage, PUR, 2008.
- Jacques Baudry, Agnès Jouin, De la haie aux bocages. Organisation, dynamique, gestion, INRA, 2003.
- "La Terre", Bretagne[s], n° 9, 2008.