La sargasse, nouvelle algue du Golfe du Morbihan

11 mai 1983
04m 04s
Réf. 00297

Notice

Résumé :

La sargasse, algue originaire du Japon, vient d'apparaître dans le Golfe du Morbihan. Sa prolifération pose problème, notamment aux professionnels de la pêche. Des chercheurs sont actuellement en train de l'étudier.

Date de diffusion :
11 mai 1983
Source :
FR3 (Collection: Rennes Soir )

Éclairage

L'exploitation des rivages et de la mer est un des grands secteurs d'activité de la Bretagne. La conchyliculture anciennement implantée comprend principalement en Bretagne l'ostréiculture et la mytiliculture. L'ostréiculture est une des spécialités de Cancale et de la côte morbihannaise. Or, dans les années 1920, une épidémie décime l'espèce d'huître la plus exploitée en France. Ce phénomène de mortalité se répète dans les années 1970. Que faire ?

Pour palier à cette disparition, une espèce d'huître creuse japonaise (la plus cultivée dans le monde aujourd'hui) est alors introduite dans les bassins français et, involontairement avec elle, une trentaine de nouvelles espèces animales et d'algues "exotiques". C'est le cas de la sargasse : une algue brune, de très grande taille, visible dans le golfe du Morbihan. Dans les années 1980, les scientifiques craignent une croissance exponentielle de cette nouvelle espèce d'algue et des conséquences écologiques désastreuses pour l'environnement.

Mais la sargasse semble aujourd'hui avoir trouvé sa place sans dommage dans les eaux de la Manche et de l'océan Atlantique. Impulsée depuis les années 1970 en Bretagne, la recherche appliquée (IFREMER, Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer) continue de surveiller cette espèce d'algues afin d'éviter des rivalités avec les espèces locales et des conflits avec les activités humaines.

Site internet :

Une photo et un texte sur la sargasse du Morbihan sur le site de Yann Arthus-Bertrand.

François Lambert

Transcription

Journaliste
Dans les milieux maritimes, vous le savez, les travaux des chercheurs sont surtout consacrés à la gestion des stocks et aux richesses du monde végétal sous-marin. Actuellement, certains d'entre eux étudient, dans le golfe du Morbihan, une algue originaire du Japon, la sargasse. Elle vient d'apparaître sur le littoral breton et sa prolifération risque de poser des problèmes aux professionnels de la pêche.
(Silence)
Maryvonne Gouzerh
Le golfe de Morbihan va-t-il devenir une nouvelle mer des Sargasses ? Ce n'est pas impossible à terme. En tout cas, le processus est enclenché : l'envahisseur est dans la place et semble s'y trouver bien. La sargasse, c'est une longue algue brune originaire du Japon. On l'a trouvée pour la première fois en Europe en 73, mais c'est l'an dernier qu'elle est apparue en rivière d'Etel et dans le golfe du Morbihan. Actuellement, les colonies s'y étalent et s'y multiplient allègrement. Les usagers s'en inquiètent et les scientifiques étudient le phénomène, notamment ceux du centre de biologie marine situé sur l'île Bailleron, au coeur du problème pourrait-on dire.
Gustave Le Roux
Voici un échantillon qui va nous permettre de voir les principales caractéristiques de cette espèce. D'abord, lorsqu'elle est bien développée, elle est très longue, et elle possède un axe de diamètre pratiquement continu sur toute la longueur du plan, et sur cet axe, les ramifications qui se disposent de manière tout à fait caractéristique. Il n'y a pas de confusion possible. Ce n'est pas un excellent caractère botanique mais enfin je crois qu'il est très utile.
Maryvonne Gouzerh
Autre caractéristique : des centaines de petits flotteurs garnissent l'axe principal, tandis que la base présente un aspect feuillu comme une plante terrestre. C'est, en fait, une algue assez jolie, fine, découpée, très ondulante, mais hélas, elle pousse extrêmement vite : environ 4 centimètres par jour, un rythme inquiétant. Il s'agit maintenant de connaître toutes les caractéristiques de ce développement pour tenter éventuellement de le maîtriser. On sait déjà qu'il faut à la sargasse un support solide, statique ou mobile, peu importe.
Gustave Le Roux
Ici, par exemple, c'est sur une chaîne de crépidule, et vous voyez la densité, il y a cinq plants sur ce support. Et cet exemple est intéressant puisqu'on a, ici, une algue d'origine japonaise, dans le golfe du Morbihan, qui se fixe sur un mollusque, la crépidule, qui lui, nous vient des côtes d'Amérique du nord.
Maryvonne Gouzerh
Pour l'instant, les grosses colonies de sargasse sont situées en des endroits bien précis du golfe : Arradon et la pointe de l'île d'Arz, notamment, mais on en rencontre aussi en d'autres lieux et même accrochés sur des flotteurs. Alors faut-il s'affoler ? Sans doute pas pour l'instant. Il n'y a pas gêne encore. Tout dépendra de la réussite de l'espèce. Si elle prolifère de trop, elle risque d'éliminer d'autres plantes. Elle peut aussi gêner la navigation en bloquant les hélices des navires, entre autres inconvénients.
Gustave Le Roux
La difficulté la plus importante me paraît être pour l'ostréiculture, en particulier pour les semis d'huître sur lesquels la sargasse risque de s'implanter, et l'huître ayant une sargasse implantée sur elle sera entraînée par les courants.
Maryvonne Gouzerh
Mais est-ce que de cette plante, on ne peut pas tirer un certain bénéfice, un emploi utile ?
Gustave Le Roux
Si les quantités de sargasse sont suffisantes pour qu'on puisse envisager une exploitation industrielle, bon. Il est certain qu'on peut en extraire des produits intéressants. Maintenant, lesquels ? On n'en sait encore trop rien. Il y a des études en cours. Et je dis, de toute façon, ça sera fonction, en grande partie, de la densité des peuplements.
Maryvonne Gouzerh
Quoi qu'il en soit, la question mobilise les scientifiques. Un groupe «sargasse» dépendant du CNEXO s'y consacre depuis un an. Il vient récemment de publier ses observations, et ses travaux portent également sur les différentes possibilités d'utilisation de l'algue.