Témoignage d'une ouvrière travaillant dans une conserverie de poissons 1/2

20 février 1998
02m 48s
Réf. 00885

Notice

Résumé :

Gabrielle travaille dans une conserverie de poissons : des sardines et des maquereaux. Elle évoque l'origine du poisson, son travail et les différentes étapes de la chaîne.

Type de média :
Date de diffusion :
20 février 1998

Éclairage

Ce reportage laisse la parole à des ouvrières de l'agro-alimentaire. Leurs propos sont libres et suffisamment précis pour nous en apprendre beaucoup sur le métier et sur le ressenti des femmes qui travaillent « à la chaîne ». Elles décrivent avec minutie et technicité leur travail mais elles disent surtout leur lassitude face aux gestes répétitifs et au bruit permanent.

Les interviews ont été faits dans des conserveries de poisson. Plus de 170 conserveries de tous types, qui employaient plus de 15 000 personnes étaient implantées en Bretagne en 1960.

Les conserveries de poisson nombreuses sur la côte sud traitaient selon les lieux des poissons pêchés par les navires locaux : la sardine, le maquereau, le sprat, la coquille st-Jacques et le thon ; cette variété permettait d'assurer l'activité sur l'ensemble de l'année. Le personnel était essentiellement féminin, les hommes assurant surtout la manutention et le règlage des machines.

Les premières usines apparurent au milieu du XIXe (Chancerelle en 1953 à Douarnenez). Nombreuses au début du XXe siècle (près de 150 sur la côte sud), elles ont connu des périodes de prospérité et de déclin, liées le plus souvent à l'approvisionnement de la pêche et à la concurrence. Leur implantation a profondément modifié l'économie et la sociologie des côtes. Les ouvrières ont rapidement pris leur place grâce à des actions collectives : en 1905, en pleine crise de la sardine, les ouvrières de Douarnenez réclament d'être payées à l'heure. En 1924, elles lancent un autre mouvement, faisant de leur coiffure (les penn sardines) le symbole des luttes sociales féminines. L'une d'entre elles sera une des premières françaises élues dans un conseil Municipal.

Mais ce reportage ne témoigne pas de ce dynamisme économique et social. Florissantes jusqu'à la fin des années 50, de nombreuses conserveries ont fermé dans les années 80 (25 conserveries en 2008 qui emploient 3800 personnes) ; celles qui ont pu résister à la concurrence et aux difficultés d'approvisionnement ont adopté des organisations du travail qui laissent moins de place au collectif.

Martine Cocaud – CERHIO – UHB Rennes 2

Bibliographie

Marie Rouzeau, Conserveries en Bretagne, l'or bleu du littoral, Coop-Breizh.

Marcel Gautier, « L'industrie des conserves en Bretagne méridionale », Norois, 1960°, n°27.

Martine Cocaud

Transcription

Journaliste
Landivisiau !
(Musique)
Journaliste
Gabrielle, vous, vous travaillez dans une entreprise ou comment on peut dire, une usine de conditionnement de poissons ?
Gabrielle
Oui, dans une conserverie de poisson, du maquereau et de la sardine.
Journaliste
Uniquement ?
Gabrielle
Uniquement !
Journaliste
Maquereau et sardine qui arrivent de quelle manière alors ?
Gabrielle
Alors, qui arrivent, pour la sardine, la pêche côtière ici. Sardine qui vient de Bretagne, qui vient, je dirais jusqu’en Vendée, et autrement de la sardine congelée qui vient d’Italie. Pour ce qui est du maquereau, il n’y a pas de pêche spécifique de maquereau en France, donc tout le maquereau vient principalement d’Angleterre, d’Irlande ; peut-être, un petit peu, de quelques bateaux russes actuellement, mais notamment d’Angleterre et d’Irlande. On n’a pas de pêche spécifique ici de maquereau.
Journaliste
Donc, le poisson arrive entier dans votre entreprise, et il en ressort en conserve ? Pour aller vite.
Gabrielle
Presque oui, pas tout à fait entier pour le maquereau, entier pour la sardine. Il ressort effectivement en boîte de conserve.
Journaliste
Alors, vous êtes à quelle étape du travail vous ?
Gabrielle
Alors actuellement, je suis un petit peu dans l’animation d’atelier. Mais, c’est tout récent parce que, bon ben, jusqu’au mois de mai dernier, ça faisait 16 ans que j’étais sur des lignes de parage notamment.
Journaliste
Alors, expliquez-nous ce qu’est une ligne de parage.
Gabrielle
Alors, une ligne de parage maquereau, en fait, vous avez un tapis qui défile devant vous, là-dessus, il y a des maquereaux qui sont déjà cuits, étêtés et vidés.
Journaliste
Et ils ont été cuits auparavant ?
Gabrielle
Ils ont été cuits auparavant, ils ont été décongelés, et on le met en ce qu’on appelle en filet. C'est-à-dire qu’on le sépare en deux parties en fait, tout simplement.
Journaliste
Et vous faites ça à la main ?
Gabrielle
Alors, on fait ça à la main avec un couteau.
Journaliste
Vous avez des gants ?
Gabrielle
Ben, j’aime bien sentir la matière.
Journaliste
Ah oui, vous aimez ce contact avec le poisson ?
Gabrielle
Ce n’est pas que j’aime le contact, mais j’aime bien sentir ce que je fais en fait. C’est vrai que les gants, on ne sent pas…. Mais normalement, on travaille avec des gants dans l’agroalimentaire. Et ce poisson, on le met en filet, c’est-à-dire en deux parties, on le sépare en deux parties. On enlève l’arête, on enlève tout ce qui est les petites arêtes dorsales, on nettoie, on enlève les ventrèches. Ensuite, on les redépose dans des cagettes quoi, on appelle ça des cagettes. Ça repart sur un autre tapis vers l’emboîtage, ce qu’on appelle l’emboîtage mais qui n’est plus de l’emboîtage manuel, enfin, c’est semi-automatique.
Journaliste
Combien de poissons défilent devant vous par jour ?
Gabrielle
Oh, c’est impressionnant….
Journaliste
Ah oui, à ce point ?
Gabrielle
C’est impressionnant parce que bon ben, je pense qu’une femme peut parer de 800 kilos à une tonne de poissons….