La Moselle à l’heure allemande 1870-1918
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Résumé
L’annexion de la Moselle par l’Empire allemand après la guerre de 1870 a donné lieu à une politique de germanisation progressive voulue par Guillaume Ier. Une cohabitation pacifique s’est établie entre Mosellans et Allemands, qui a permis des échanges et des progrès socio-économiques. Néanmoins, le volontarisme allemand n’a pas mis un terme à la force des sentiments francophiles des Mosellans.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
06 déc. 1999
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Contexte historique
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La défaite française dans la guerre de 1870 fut humiliante et créa un esprit patriotique revanchard pour le retour des territoires perdus jusqu’en 1914. L’actuelle Moselle souffrit fortement de ce conflit du fait de la violence des combats, que ce fut à Spicheren, Rambervillers ou durant le siège de Metz d’août à octobre 1870. Après la victoire, Bismarck exigea par le traité de Francfort, 10 mai 1871, une partie de la Lorraine en plus de l’Alsace, c'est-à-dire 3/4 de l'ancienne Moselle, 1/4 de la Meurthe et des communes des Vosges. La Moselle entra alors dans une période d’annexion jusqu’en 1918.
De son côté, Bismarck considérait plutôt cela comme une cession (Abtretung) poursuivant l’unité allemande selon les principes des nationalités et du pangermanisme (unité des peuples germaniques dans un seul État). Ces territoires rassemblaient en théorie des populations de culture germanique : à Sarreguemines ou Sarrebourg, on parlait le Platt ou francique lorrain, un dialecte proche de l’allemand, mais Metz et Château-Salins étaient plutôt de culture française. L’objectif allemand était aussi d’utiliser ces territoires comme glacis militaire protecteur. Ils avaient enfin un intérêt économique, notamment lié aux mines de fer et de charbon, et à la sidérurgie.
La Moselle intégra le 26e Reichsland Elsaß-Lothringen et devint la propriété commune de tous les États allemands. En réalité, c’est l'Empereur qui dirigeait par le biais d’un gouverneur. Le chef-lieu du district de Lorraine était Metz. En 1911, le Reichstag permit à ce Reichsland de devenir un véritable Etat autonome, avec une assemblée délibérante d’élus locaux dans chaque district. L’armée garda cependant l'essentiel du pouvoir dans cette région jugée stratégique.
Une germanisation intense fut menée pour assimiler les populations. Les toponymes furent changés et une immigration allemande encouragée. Elle se composait de fonctionnaires patriotes et d’ouvriers de l’industrie compensant l’exil de nombreux Français. La langue allemande fut imposée comme langue commerciale en 1872 et devint exclusive dans les secteurs germanophones après 1873.
Une cohabitation s’installa néanmoins entre « immigrants » allemands et Mosellans (les « mariages mixtes » étaient courants). Certains Allemands envoyaient leurs enfants apprendre le français au Luxembourg. Les territoires francophones furent ménagés : le français fut autorisé dans les actes officiels dès 1872 puis comme langue commerciale et scolaire après 1873. Des efforts dans la construction d’infrastructures visèrent à s’attacher les populations et transformèrent les paysages : développement des chemins de fer, tramway de Metz. Les lois bismarckiennes de protection sociale furent aussi perçues comme des avancées.
Cependant, le sentiment francophile perdura : près de 40 % de la population était francophone. Le français restait une langue maternelle pour 2 personnes sur 10 en ville, 7 sur 10 à la campagne, et la germanisation fut rejetée dans les 15 premières années de l’annexion. Les députés Alsaciens-Lorrains la contestèrent dès 1874 en demandant une consultation populaire. Les manifestations de francophilie se multiplièrent. A Noisseville, l’inauguration d’un monument par le Souvenir Français (une des rares victoires françaises de 1870) attira une foule considérable en 1908. Les visites de Guillaume II n’avaient pas un franc succès auprès des Mosellans.
A l’orée du XXe siècle, l’échec de la germanisation était patent, ce qui entraina des mesures plus fermes (Guillaume II imagina supprimer le Reichsland en 1914). Les journaux et les conférences en français furent surveillés, les associations francophiles dissoutes, à l’image de l’association Lorraine Sportive en 1911. A la veille de la Grande guerre, l’affaire de Saverne (1913) durant laquelle des militaires allemands tinrent des propos humiliants pour les Alsaciens attisa les tensions entre civils et militaires et sanctionna l’échec partiel de la politique de germanisation.
Éclairage média
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Ce reportage de 1999 permet d’appréhender l’annexion de la Moselle de 1870 à 1918. Il alterne entre les témoignages de contemporains, des photographies d’époque et ses héritages paysagers. Il permet dans un premier temps de remettre en cause l’image d’Epinal d’une annexion oppressante popularisée dans une France revancharde par les dessins satiriques de Hansi. C’est la bienveillance allemande pour les Mosellans qui est mise en avant, cette politique n’étant pas dénuée d’arrières pensées dans la mesure où elle visait à l’assimilation des nouveaux citoyens.
Ainsi, en 1874 la Constitution impériale permit la représentation de l’Alsace-Lorraine au Reichstag. En 1879 un gouverneur fut nommé et un exécutif local créé. Malgré la persistance des sentiments francophiles, des témoignages font écho à cette « coexistence pacifique » : photos de familles sympathisant avec l’occupant, enseignement bilingue, enseignes de magasins en langue germanique. L’évocation des progrès socio-économiques ayant amélioré les conditions de vie renforce ce sentiment.
Les paysages mosellans sont profondément marqués par les héritages de cette période. L’imposante citadelle de Bitche rappelle encore la violence du conflit. Cependant, les Allemands ont aussi contribué au patrimoine local par une empreinte constructive. Les transformations des villes et villages ont amené des progrès (eau courante). Metz en conserve les traces : 2ème ceinture de forteresses, gare, poste, palais du gouverneur, temple de garnison (96 mètres), quartier allemand. Ces mutations monumentales ont touché toute la Moselle en usant du grès rose local, si caractéristique des bâtiments publics et immeubles cossus de Sarreguemines. Cette politique porta ses fruits. En 1914-18, si 18 000 Alsaciens-Lorrains s’engagèrent dans l'armée française, la mobilisation de 380 000 jeunes mosellans dans l’armée allemande fut facile. Ils se considéraient comme des citoyens allemands. Les engagés volontaires furent nombreux et les Malgré-nous, terme forgé par Barrès au début des années 1920, n’étaient pas légion (3 000 Alsaciens-Lorrains fuirent le territoire allemand).
Enfin, l’image d’une cohabitation sans accrocs doit être nuancée. L’annexion fut oppressante pour de nombreux mosellans. La loi de 1871 permettait au gouvernement de suspendre toutes les libertés publiques, de réunion, d’association, de presse et en cas de danger pour la sécurité publique. Cette domination était humiliante pour de nombreux Alsaciens-Lorrains qui conservèrent la nationalité française et quittèrent la région pour la France, comme le permettait le traité de Francfort. 20 000 messins en firent la demande pour une ville de 40 000 habitants. Ce reportage élude aussi la question de la frontière si l’on excepte l’image d’un ancien bureau des douanes. Les autorités s’empressèrent pourtant d’ériger des bornes frontières. Cette question était capitale pour les Mosellans. Sans être bloquées, les frontières furent fermées, ce qui provoqua des difficultés économiques. Les entreprises locales, tournées vers la France, durent s’adapter aux conditions nouvelles pour trouver d’autres partenaires commerciaux et des débouchés. Ces tensions socio-économiques furent accentuées par la Grande Guerre. La germanisation se durcit en prohibant la langue française. Les Mosellans furent envoyés sur le front russe car l’État-Major s’en méfiait, signe d’une assimilation inachevée.
La Mémoire de la guerre de 1870 et de l’annexion s’est longtemps appuyée sur la construction d’une mémoire lorraine à portée régionale. Pourtant, l’occupation allemande et l’annexion ont largement alimenté le débat national dans la France de la Belle époque et attisé la volonté de revanche : l’image des deux provinces perdues puis retrouvées était souvent utilisée après la libération de Metz en 1918. Malgré tout, même si la plupart des immigrés allemands sont repartis vers l’Allemagne après 1918, les traces de ce passé restent vivaces et ont forgé en partie l’identité mosellane.
Transcription
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