La bataille de Verdun : quelle place dans la mémoire de la guerre ?
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Résumé
Le reportage du journal télévisé de 1964 revient sur les grandes phases de la bataille de Verdun, décrit les conditions des combats, les moyens mobilisés, les destructions et fait le portrait des combattants. Au travers de ces thèmes, c’est la question de l’importance de la bataille qui est interrogée, à la fois dans la guerre et dans la mémoire nationale.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
11 nov. 1964
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
En 843, le traité de Verdun partage l’Empire carolingien entre les trois petits-fils de Charlemagne. Verdun entre dans l’Histoire de France comme le lieu de la division de l’Empire et de la naissance de ce que nous appelons aujourd’hui la France et l’Allemagne. Qu’est-ce qui se joue à nouveau dans la cité des bords de Meuse en 1916 ?
En ce début d’année 1916, la situation militaire est bloquée sur tous les fronts et les armées mises en sommeil par l’hiver. Les Etats-majors des deux camps peaufinent leurs plans, avec l’idée de sortir de la guerre de position, guerre défensive qui ne peut conduire à la victoire, pour provoquer la percée décisive. L’Entente (Royaume-Uni, France et Russie) prépare une gigantesque offensive pour juillet sur la Somme, les Russes devant prendre à revers les Allemands sur le front Est. Côté allemand, le général en chef Von Falkenhayn cherche à reprendre l’offensive après avoir « saigné à blanc » l’armée française : il veut obliger la France à engager toutes ses forces sur un point stratégique et l’épuiser, avant de faire la percée décisive. Le choix allemand se porte sur Verdun. La ville, sur un saillant l’exposant fortement, ceinte par la Meuse, est difficile à défendre malgré la présence de nombreux forts du plan Séré de Rivières aux alentours, dont Vaux et Douaumont, et de sa citadelle. De plus, elle constitue une sorte de pointe dans la ligne de front, entourée de trois côtés par les forces allemandes. Elle est également mal reliée au territoire national par une route et une voie ferrée modestes. Les Allemands y voient donc une cible potentiellement prenable en limitant leurs pertes.
La bataille de Verdun se déroule en deux phases distinctes, du 21 février au 18 décembre 1916. La première phase est marquée par l’offensive allemande, face à une armée française mal préparée à défendre le secteur et sous-équipée. Les Allemands avancent très rapidement en direction de Verdun mais se heurtent à une résistance acharnée des soldats français. Le général Pétain est nommé à Verdun et dès son arrivée, il réorganise la défense française avec efficacité. Les Allemands sont à quelques kilomètres de Verdun, bombardent la ville mais ne percent pas. Une dernière grande offensive est lancée début juillet, sans succès. Les combats de l’été sont sans effet. A l’automne, l’armée française, sous le commandement de Nivelle, passe à la contre-offensive : elle reprend Douaumont puis Vaux en octobre. A la mi-décembre, une dernière poussée permet de reconquérir tout le terrain perdu depuis février. La bataille se finit sur un statu quo ante.
Le bilan est terrible : environ 700 000 morts et blessés, à parts à peu près égales entre les deux camps, sur un champ de bataille aux dimensions très réduites. Le paysage est bouleversé par le déversement de millions d’obus de toutes tailles, de nombreux villages ont été rayés de la carte. Mais la plus longue bataille de la guerre n’a pas remis en cause l’équilibre des forces sur le front occidental.
On peut s’interroger sur les enjeux militaires de la bataille de Verdun. L’historiographie allemande récente avance que le seul vrai enjeu était de repousser les Français de Metz et du bassin minier lorrain, l’enjeu d’épuisement de l’armée française aurait été avancé a posteriori pour justifier l’ampleur de l’engagement. La bataille de la Somme, engagée en juillet, avait des enjeux plus importants pour les deux camps et a d’ailleurs obligé les Allemands à alléger leur dispositif à Verdun, tout comme l’offensive russe de septembre à l’Est. Beaucoup d’historiens s’accordent sur le fait qu’une percée à Verdun n’aurait pas été déterminante pour la suite de la guerre. La bataille de Verdun serait donc davantage porteuse de mythes que de réalités ? Si la dimension mythique est une évidence, Verdun peut aussi être perçue comme un moment de basculement dans la stratégie, plus que dans le résultat final.
Éclairage média
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Le reportage diffusé lors du journal télévisé du 11 novembre 1964 revient sur un des temps forts de la Première Guerre mondiale : la bataille de Verdun. Constitué d’archives et d’infographies, il montre des images des combats, des destructions et de la logistique de guerre, abordant de nombreuses thématiques, mais sans grande structure dans le montage et le récit, et avec une voix off très solennelle. Il permet de questionner en quoi Verdun fait partie de la mémoire collective des Français.
Cette mémoire collective, c’est d’abord la mémoire d’un sacrifice humain, celles des soldats français. Ce sont les trois-quarts de l’armée française qui participent aux combats : Verdun entre ainsi dans chaque ville et village, dans chaque famille de France, dans la mémoire privée avant la mémoire collective. Ces hommes se sont sacrifiés, dans des combats où les choix de l’Etat-major, qui préparaient l’offensive de la Somme, les laissent démunis face à la puissance de feu allemande. Le jeune aviateur Guynemer, un "As des as" des débuts de l’aviation semble incarner l’héroïsme de la jeunesse française à Verdun. Verdun a donc ses figures sacrificielles, connues et surtout inconnues, mais unies dans le même sacrifice au service de la Nation. Ce sacrifice, le reportage suggère qu’il est porté par celui dont le nom incarne Verdun : le général Pétain. Sur le monument aux morts de Verdun, c’est sa célèbre formule "On les aura" qui a été gravée. Bien qu’il n’ait passé que quelques mois dans la Meuse, Pétain est le "héros de Verdun" : il incarne le chef humain qui porte ses hommes vers le sacrifice au service du pays. Peut-être aussi que le poids de Verdun dans la mémoire collective est lié à la dimension défensive de la bataille : la France semble acculée, semble jouer sa survie dans cette bataille, et les soldats de Verdun, leur chef en tête, sont vus comme des sauveurs de la Nation.
Le reportage insiste beaucoup sur le rôle de la Voie sacrée. Cette expression due à l’écrivain et homme politique nationaliste Maurice Barrès, a une dimension religieuse forte, celle du Salut. La route entre Bar-le-Duc et Verdun, un chemin dirions-nous aujourd’hui, devient avec la bataille l’axe majeur du pays, celui qui, avec une voie ferrée sous-dimensionnée aux besoins du moment, permet de nourrir la bataille en hommes et en matériels durant les 10 mois du combat, dans une organisation à l’efficacité décisive. Telle qu’elle est présentée par le reportage, la Voie sacrée est donc le chemin du salut de la France.
Enfin, au travers du récit des combats, le reportage permet de comprendre le basculement stratégique de la guerre : on passe à Verdun de la guerre des hommes à la guerre des matériels. Ce passage est perceptible dans les moyens mis en œuvre, notamment l’importance de la logistique précédemment évoquée mais aussi l’aviation et surtout l’artillerie. On notera par contre que l’usage des gaz n’est pas le fait de Verdun mais plutôt de l’année 1915, où les Allemands les utilisent sur le front de l’Est puis à Ypres. Dès le début de la bataille, le siège des forts tourne au profit de l’assaillant : sous la puissance de feu sans cesse croissante de l’artillerie, tenir une position est impossible. 80% des victimes le sont par l’artillerie. C’est le renforcement rapide de cette artillerie qui permet aux Français de repousser les Allemands et de reprendre les conquêtes allemandes. D’autre part, Pétain comprend aussi très vite qu’il a besoin d’yeux dans le ciel pour observer les manœuvres allemandes : l’aviation, d’observation surtout, devient une arme indispensable. Si le matériel prend de plus en plus d'importance, cela signifie que les hommes, malgré leur sacrifice, ne sont plus décisifs dans la victoire : la guerre est devenue matérielle à Verdun.
Le reportage a pour but d’entretenir la mémoire de Verdun, un jour de commémoration. Il permet aussi de comprendre les nouvelles formes de la guerre, une guerre devenue totale dans les années 1914 - 1918.
Transcription
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(Silence)
Edouard Guibert
Verdun il y a 46 ans, et s’il y eut victoire c’est que l’on s’y bâti, et avec quel acharnement.Verdun c’est le symbole de la Grande Guerre.Cette bataille, le duel de deux pays, dira Henry Bordeaux, décidera du sort du conflit et permettra deux ans plus tard au clairon de cellier d’annoncer en même temps que le cesser le feu, la victoire.C’est le 21 février 1916 à la pointe du jour que tout a commencé.Faire l’appel des héros de Verdun, c’est lire le martyrologe de Vaux, de Douaumont, de la cote 304, des Cumières, du Mort-Homme, du Bois des Caures.Ici, un héros prestigieux, Guynemer.Guynemer, l’homme aux multiples victoires aériennes.Guynemer, lui aussi, disparu au cours de l’année 1917, il n’avait pas 25 ans.De ces hommes qui montent en ligne, combien ne sont jamais revenus.L’attaque de Verdun est déclenchée le 21 février par la cinquième armée allemande sous les ordres du Crown Prince.Successivement, le fort de Vaux, Cumières, le Mort-Homme, tomberont aux mains de l’ennemi.
(Musique)
Edouard Guibert
Douaumont, clé de voûte de la défense de Verdun sera pris le 25 février 1916.C’est au cours de ces batailles qu’apparaitront les gaz de combat.
(Musique)
Edouard Guibert
Et puis au printemps 1916, ce seront les premières contre-attaques, mètre après mètre, les positions seront reconquises et le 24 octobre, Douaumont sera délivré.10 mois après l’attaque allemande, le front se stabilisera sur la même ligne que celle de février 1916.10 mois de lutte, 10 mois de combat acharné, c’est le sort de la guerre qui s’est joué en ces 10 mois.
(Musique)
Edouard Guibert
Mais avant d’être la guerre de position où l’homme va vivre terré dans sa tranchée, Verdun se sera la guerre de mouvement.À l’offensive succédera la contre-offensive, le seul répit pour l’infanterie sera le moment où l’artillerie pilonnera les lignes adverses.
(Musique)
Edouard Guibert
Des milliers de tonnes de munitions seront tirées sur les champs de bataille de Verdun, car après l’échec de la grande offensive allemande de 1914 stoppée par Joffre sur la Marne, après la bataille d’arrêt de l’Isère, Verdun deviendra le point décisif de la guerre.Et Hanoteau pourra écrire « Verdun depuis l’antique traité, qui a partagé l’héritage des fils de Charlemagne est le point autour duquel s’est joué l’histoire de la France et de la Germanie.» Et l’infanterie devra conquérir les positions détruites par l’artillerie, ce que l’obus a préservé, la grenade le détruira.
(Musique)
Edouard Guibert
Mais au cours de cette bataille, il a fallu organiser le ravitaillement de Verdun et ce sera la Voie Sacrée.Toutes les voies reliant Verdun à la France étaient coupées, sauf une, la route de Bar-le-Duc à Verdun par Souilly, et c’est là qu’eu lieu le miracle.Nuit et jour, sans interruption, et dans les deux sens, les camions ravitaillent Verdun, en hommes, en équipement, en matériel, en munitions.Les Allemands pilonnent la route, et le génie refera sans relâche ce que défera l’artillerie.Le vingtième corps est acheminé à Douaumont par cette voie en l’espace de 12 heures.Et de 1916 au mois d’août 1917, la route de Bar à Verdun fut la seule artère à irriguer encore les positions françaises et d’un seul coup aux yeux du pays, les camions de Verdun, les camions de la Voie Sacrée, ces convois prendront place aux côtés des taxis de la Marne.
(Musique)
Edouard Guibert
Toute l’armée française fut engagée à Verdun, les troupes s’y relayeront sans cesse.
(Musique)
Edouard Guibert
Pour certains, c’est le début de la trêve, pour d’autres c’est l’enfer qui commence avec en toile de fond le spectre de la mort.Mais courageux, ils le furent, les soldats de Verdun.L’ordre du jour du 10 avril 1916 signé Pétain se terminait par ces mots :« courage, on les aura ».Cette phrase, on peut la lire sur le monument de la victoire érigé à Verdun.Verdun 1916, c’était cela.
(Musique)
Edouard Guibert
Et si aujourd’hui, la France entière célèbre la victoire, il faut se souvenir à quel prix elle fut acquise.
(Musique)
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