Ozyvo association de promotion de la langue picarde

14 février 2009
07m 12s
Réf. 00025

Notice

Résumé :

Ozyvo est une association et un groupe de musique nés pour défendre et promouvoir la langue Picarde. Après des cours de picard, ils proposent désormais un fanzine, distribué principalement dans le quartier Saint-Leu d'Amiens. Rencontre avec David Lefevre dit "Tiodave" et Adrien Helmaniak qui nous entraînent dans le quartier Saint-Leu à Amiens, à Fonsommes et Harponville dans l'Aisne chez des grands-parents qui ont donné le goût de la langue à leurs petits enfants.

Type de média :
Date de diffusion :
14 février 2009
Source :

Éclairage

Dans le paysage associatif de Picardie, de nombreuses structures associatives de défense et de promotion de la langue et de la culture picardes existent. Aux côtés de Ch'Lanchron, Fédération Insanne, Achteure ou encore Tertous, l'association Ozyvo a réussi à affirmer une identité originale et à s'imposer comme l'un des acteurs incontournables du monde des picardisants.

À la fois association militante et groupe de musique, Ozyvo – qui signifie "on y va, à l'attaque" en français – a été créée le 25 octobre 2007 et officiellement déclarée en préfecture de la Somme le 29 janvier 2008. Il s'agit donc d'une association relativement récente. Cette jeunesse est justement le créneau choisi par "Ozyvo" pour s'imposer. En ayant choisi de définir leur association comme une association de "jeunes" picardisants, David Lefevre – surnommé Tiodave (1) – et Adrien Helminiak (2), se sont en effet emparés de la langue de leurs grands-parents pour en faire également la leur. Assurer la promotion de la langue, de la culture mais aussi de l'identité picarde, tout en luttant contre la rupture linguistique entre les générations en intervenant prioritairement auprès des jeunes, voilà le programme que s'est fixé l'association.

Les activités mises en place par Ozyvo sont nombreuses et se repartissent entre des concerts ou des interventions musicales en picard, des animations culturelles et linguistiques pour les enfants (3), des animations et visites guidées autour du patrimoine picard, ou encore des cours de langue et de culture picardes.

Par son implication, son dynamisme et sa jeunesse, Ozyvo apporte non seulement un nouveau souffle à la défense et à la promotion de la langue et de la culture picardes, mais constitue sans doute le trait d'union nécessaire pour léguer aux jeunes générations ce patrimoine précieux.

(1) Outre l'écriture de chansons, il collabore avec l'université Jules Verne, chargé de recherche au Centre d'études picardes , animateur du cours de picard de l'Institut Universitaire Tous Ages.

(2) Par ailleurs il a crée en 2010 un groupe (accordéon et percussions) de chansons traditionnelles de Picardie Les Gambes ed Min Pied .

(3) En 2009, ils créent un spectacle de chansons et comptines en picard pour enfant, adaptées de Min Tchot Leu de Marie-Madeleine Duquef.

Christophe Rey

Transcription

Adrien Helminiak
Ca va Tiodave ? T’as pas trop envie d' canter avec nous-eutes ? A vo!
(Musique)
Godard§Sabine
Pour les paroles et l’écriture en picard, c’est Tiodave. Depuis la cuisine, il tend l’oreille vers la mise en air des mots qu’il aime défendre, de la langue qu’il aime entendre.
(Musique) Yo o un moès, j'o un cot / Qu'il est né d'em vieille cate / Qu'il est mort su ch'cadot / Y o deux smangnes, bel et rade !
Lefèvre§David « Tiodave »
Moi, j’ai travaillé… Là, il y a quelques temps,dans un collège, enfin, j’entendais les gamins de 3ème, en montant dans le bus pour repartir chez eux, le soir, dire "adé" et ça fait un plaisir mais pas possible d’entendre ça parce qu’on se dit peut-être que tout n’est pas perdu. Et il ne manque pas grand-chose pour les remettre dans le bain. Et bon, je ne dis pas qu’ils parlent… qu’ils se mettent à parler picard 24 heures sur 24 mais ils peuvent lancer des mots picards dans leurs phrases au cours d’une conversation et tout. Ça serait déjà énorme, ça serait déjà énorme, ça.
(Musique) Y o chinq ans qu'jo un cot / Qu'a perdu s'patte arrière / Achteure, i monte, i vo, / Il a tcheu d’el chnaillère ! / Cot qui pue, el l’as-tu ? / Mi j’el l’ai, i m’foait tchier !
Godard§Sabine
Colporteurs de mots, ils écrivent aussi un fanzine, ils l’ont appelé "Metteu d'fu" pour dire leur envie de bousculer, d’amener au picard tous ceux qui ne l’avaient pas trouvé par les chemins traditionnels. Un fanzine distribué largement dans les rues de Saint-Leu pour toucher les gens du quartier mais aussi les étudiants et les fêtards.
(Musique) Cot qui pue, el l’as-tu ? Mi j’el l’ai, i m’foait tchier !
Sam Corwynn
Deux cordes donc deux notes. Pour faire l’accord, il y a une troisième note qui monte. C’est là que la voix démarre.
Godard§Sabine
La "wiverne", un instrument qui n’existe nulle part ailleurs, inventé par Sam, choriste du groupe. Autour du poêle à charbon, dans la ferme de l’Hayette à Harponville chez Tiodave. Né de parents agriculteurs, c’est d’une grand-mère au caractère trempé qu’il a hérité le goût du picard. Par elle, il en avait des tournures dans l’oreille. Ses parents, génération intermédiaire, ne le parlaient pas vraiment. Il a fallu réapprendre, avaler les dictionnaires l’un après l’autre pour en retenir les mots et enfin, arriver à écrire des textes en picard.
Lefèvre§David « Tiodave »
Les sujets, les idées auxquels je pensais, enfin, j’essayais de les écrire en français et je n’y arrivais plus. Les phrases, pour moi, me paraissaient fades. Et je leurs trouvais plus de saveur à les mettre en picard. Et ce qui fait que, de nos jours, quand j’écris un texte en picard, donc ça veut dire aussi que, en l’écrivant, je le pense en picard, et quand quelqu’un me dit : « Tu peux me faire la traduction en français ? », eh bien, sur certaines formules de phrase, sur certains mots, je cherche le mot français correspondant. Arrivés à ch’bout d’el foére St-Jean, i y avoait el Moaison d’chés Phunomènes : « Serpintinette pi Robinso », eune tchuriosité qu’o n’srez point près d’oublier ! Eune réclame paréle, ch’est pour chés femmes, comme du miel pour chés mouques : cha les attire ! Les vlo partis d’din : un long colidor tout noér, pi au bout, eune titiote pièche, éclairée par des candelles, pi au fond, chés fameux « serpintinette pi robinso » ! Sié, o peut dire : « chés fameux », car o savez ch’que ch’étoait que « serpintinette pi robe in so » ?Ch’étoait une serpe din une tinette, un pot de chambre, et pi eune robe din un sieu ! Alors, finalemint, el réclame sur el baraque ed bos a n’disoait mie des mintiries : « Serpintinette pi Robinso, eune tchuriosité qu’o n’srez point près d’oublier ! »
Sabine Godard
Retour à Amiens, à l’université, pour un collage d’affiches.
Adrien Helminiak
O foait d’el réclame. I nn’a pu qu’à télévision…
Lefèvre§David « Tiodave »
Ch’est tchulturel comme boulot !
Godard§Sabine
La réclame, c’est pour des cours. Aujourd'hui, Tiodave transmet à d’autres ce qu’il a appris. Le mercredi soir, une semaine sur deux, autour d’un verre, dans un bistrot du quartier Saint-Leu.
Lefèvre§David « Tiodave »
Dans la phrase, vous avez aussi… Alors, les chômeurs. Alors là, on l’a en français. C’est la version française que vous avez, chômeur. Mais il y a un mot plus précis en picard.
Inconnue
Ch’est des tchoeurfalis ?
Lefèvre§David « Tiodave »
Non, ce n’est pas « des tchoeurfalis ». Quoè qu’ch’est qu’un « tchoeurfali » ? Alors mot à mot, si vous regardez… J’ai oublié un R, là. C’est un coeur brisé, un coeur qui a une faille, d’accord ? Un« tchoeurfali », en picard, c’est un paresseux. Voilà, le « tchoeurfali ». Il y a un autre mot aussi pour le dire. : « des joqueux ». Quelqu’un qui est un « in joque », quelqu’un qui est un « in joque », alors c’est soit qu’il est en train de faire le pont parce que c’est les jours fériés, soit qu’il n’y a pas de boulot, il est au chômage« in joque ».
Helminiak§Adrien
Chés viux, i m’disaient : « chés joènes i n’parl’té pu picard achteure. » I disent cho. Ej dis : « Mi, j’parle picard, ch’est point vrai. » Donc là, ils sont contents,chés viux ils sont contents. Moi, j’aime bien ça. Ce rapport entre les générations, surtout que d’un point de vue social, je n’aime pas, moi, cette rupture. Je n'ai jamais aimé cette rupture qu’on affiche entre la génération des grands-parents et les jeunes. Il y a une rupture, une incompréhension. Les vieux sont dépassés, paraît-il. Ce n’est pas vrai, ça. Si les jeunes, ils continuent à communiquer avec chés vieux, ils ne sont pas si bêtes eq cha. Ils vont comprinde. Ils vont comprendre. I feut communitcher, pi ch’est toute.
Adrien Helminiak
Tais-toi Marcel, ne me raconte pas des bêtises.
Marcel
Ecoute Marcel, eh !
Adrien Helminiak
Le jus d’orange, mon chéri ?
Helminiak§Adrien
Il est là, mamie.
Godard§Sabine
D’ailleurs, pour Adrien, le chemin du picard est venu d’un lien fort et particulier avec Marcel, ce grand-père chez qui nous l’avions accompagné dans la chaleur de l’été dernier. Des mots et des expressions joyeusement transmis.
Helminiak§Adrien
Mon grand-père, il me racontait des histoires quand il était jeune avec Tchot Paul. [Tchot Paul], c’est un copain à li, un copain d' bistrot, quoi. Et ils jouaient aux "étchus" à ch' bistrot. Il me racontait des histoires comme o. Il me disait « Tu connais l’signe ed croix d’l’ivrogne ? Il est rudemint clair, i nn’a point bécoeup, t’in veux pas, ti non pu, bin j’vais boire un coeup ! ». Ma mère n’aimait pas quand i m'racontait ça.
(Musique) Timbré …Si tu montes en Picardie,T’in braies, t’in braies ! /Mais si té tchitte el Picardie, /T’in braies !... Ouais, t’es timbré !