Longueau et Amiens : arrêt de travail dans les services publics

20 mai 1968
03m 22s
Réf. 00204

Notice

Résumé :

Alors que la grève touche aussi la station régionale, Guy Jolivet présente le journal. Il énumère les différents arrêts de travail dans les services publics en Picardie. Yves Henry fait le point sur les problèmes à EDF et à la SNCF, sur des images de la gare de triage de Longueau où le personnel est en grève à 100%. A Amiens nord, la gare d'Amiens est fermée et le trafic est complétement à l'arrêt. Enfin, aux PTT, les bureaux sont fermés.

Date de diffusion :
20 mai 1968
Source :

Éclairage

La vague de grèves qui s'enclenche dans toute la France à partir du 14 mai touche également les services publics. Les cheminots de l'important centre ferroviaire d'Amiens-Longueau, bastion de la CGT, votent la grève illimitée le 16 mai. Le 18, l'ensemble des services est en grève et les aiguillages sont occupés. La paralysie s'installe dans l'ensemble des transports. Après les cheminots de Longueau – les premiers à se mettre en grève, le mouvement fait tache d'huile : l'Hôpital, EDF-GDF, les PTT et l'Education nationale entrent dans le mouvement. On compte 70% de grévistes à la SNCF et aux PTT. La télévision se met aussi en grève. Le pays est à l'arrêt. Alors que l'approvisionnement devient difficile, des sommes massives d'argent sont retirées des banques. Le 25 mai, débutent les négociations dites de Grenelle. Le lendemain, le mouvement est à son apogée : à Amiens, une manifestation réunit 5 000 personnes d'après la police, 10 000 selon les syndicats. Quelques jours plus tôt, l'UD-CGT de la Somme estimait le nombre de grévistes à 100 000 dans le département. Le mouvement de grève prend fin début juin. Les entreprises reprennent lentement leurs activités. L'Éducation nationale vote le retour au travail le 7 juin mais la Cité scolaire d'Amiens résiste jusqu'au 12.

Fin mai, la crise est aussi devenue politique. Le pays a l'impression qu'il n'est plus dirigé. "Il n'y a plus d'Etat" déclare François Mitterrand lors d'une conférence de presse le 28 mai. Candidat unique de la gauche lors de la première élection présidentielle au suffrage universel de 1965 et leader de la Fédération de la gauche démocrate socialiste (FGDS), qui rassemble les formations de la gauche non communiste, François Mitterrand constate la vacance du pouvoir et se déclare candidat à la présidence de la République. Le 30 mai, de Gaulle réapparaît après une visite éclair à Baden-Baden, où il rencontre le général Massu : il annonce qu'il ne se retirera pas et dissout l'Assemblée. À l'issue des élections législatives des 23 et 30 juin, un raz-de-marée gaulliste déferle sur la Picardie comme ailleurs en France. Au premier tour, les candidats gaullistes obtiennent 45,2% des suffrages exprimés en Picardie – soit un point en dessous de la moyenne nationale, mais 50,3% des voix dans le département de l'Oise. L'UDR, qui a enlevé 293 des 485 sièges de l'Assemblée, en rafle 10 sur 15 en Picardie, dont 4 dans l'Oise (Marcel Dassault, Edmond Nessler, René Quentier et François Bénard), le dernier siège revenant à Robert Hersant. Guy Sabatier, Edmond Bricout et Albert Catalifaud sont élus dans l'Aisne. Dans la Somme, l'UDR a également trois élus (Jean-Louis Massoubre, Charles Bignon et Emile Luciani), Fred Moore – député de 1958 à 1962 – ne réussit pas à battre René Lamps à Amiens tandis que l'indéboulonnable Max Lejeune était réélu à Abbeville.

Julien Cahon

Transcription

Guy Jolivet
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, bonsoir. Comme vous le pensez bien, ce sont les événements sociaux, les problèmes universitaires qui constitueront, ce soir, l’essentiel de notre journal. D’ailleurs, pour les traiter, j’ai réuni, autour de moi, l’ensemble de la rédaction d’Amiens Picardie et qui est là et avec laquelle nous allons essayer tout au long de cette journée de faire, malgré les difficultés inhérentes à ce genre de situation, notre métier de journaliste. Nous allons d’abord voir les problèmes des grèves. Quelques chiffres auparavant, des chiffres officiels d’abord. Pratiquement, dans le secteur privé, de 90 à 100 % de grévistes. Dans les textiles, 100 %. Sur la zone industrielle d’Amiens, 100 %. Dans le secteur public, les PTT, l’ensemble du département est pratiquement perturbé. Dans l’enseignement, peu d’enseignement est donné dans le secondaire. Quant aux facultés, nous en parlerons tout à l’heure. La SNCF, 100 % de grévistes (pardon), le trafic est nul. Et maintenant, tout de suite, passons à Yves Henry qui va nous faire le point sur les problèmes qui ont eu lieu, aujourd'hui, à l’EDF et à la SNCF.
Henry§Yves
Tout d’abord, l’électricité au Gaz de France, depuis ce matin, et les locaux administratifs d’Amiens, l’usine de Saint Roc et le district d’Ailly-rur-Noye sont occupés par le personnel. Le gaz et l’électricité ont été distribués normalement et des équipes de sécurité sont prêtes à fonctionner. Elles sont constituées par les grévistes. Dans les services municipaux, à Amiens, la grève a touché surtout le service de la voirie. Vous avez pu constater que vos ordures ménagères sont restées dans les poubelles. Dans les autres services, le fonctionnement a été normal tout au long de cette journée. Toutefois, actuellement, le syndicat Force Ouvrière, réuni à la bourse du travail les agents des services municipaux du centre hospitalier universitaire et de l’hôpital Pinel. Une décision relative à la grève sera prise. Mais le syndicat CGT a déjà distribué un tract ce matin. Dans les banques, la situation était normale tout au long de la journée. Et afin d’éviter la cohue, des guichets supplémentaires avaient été prévus. Les clients qui se sont présentés aux guichets ont atteint un nombre de 75 % supérieur au chiffre normal. Maintenant, d’autres secteurs publics en images. A la SNCF, tout d’abord, la gare de triage de Longo, l’activité est complètement paralysée. Le personnel est en grève à 100 % pour une durée illimitée et les locaux et chantiers sont occupés par les grévistes.
(Silence)
Henry§Yves
Toujours rayon SNCF, à Amiens nord, porte close garnie d’affiches revendicatrices. La grève est également illimitée pour le trafic des voyageurs. Quelques trains demeurent immobiles le long des quais. Le pourcentage des grévistes est difficile à établir et certains cheminots n’ont pu regagner leur lieu de travail, victimes eux-mêmes de cette grève ferroviaire.
(Silence)
Henry§Yves
Aux PTT, depuis ce matin 6 heures, occupation de la recette principale après décision unanime des syndicats. La grève illimitée atteint 70 à 80 % des personnels sur les services. Pas de tri ni de distribution de courrier. Les bureaux administratifs et publics sont fermés et les vitrines se sont couvertes d’affiches de revendications. Le service de sécurité a été mis en place par le personnel en grève sur le tas.
(Silence)