Les étudiants définissent leur position sur l'autonomie et la réforme universitaire
Notice
Interview d'un étudiant (certainement Francis Lec futur député socialiste) sur la situation de l'université. Celle-ci a proclamée son autonomie et son indépendance vis à vis de la tutelle administrative et financière de Lille. Est mis en place une cogestion paritaire étudiants enseignants. Une réunion s'et tenue avec les parlementaires de la Somme afin de les informer.
Éclairage
Révolte étudiante parisienne, qui traduit un certain malaise au sein de l'université française, le mouvement gagne les universités de province à partir du 6 mai . Elle est animée par l'UNEF, syndicat unique étudiant créé en 1907. Organisé en tendances, l'UNEF a basculé à gauche pendant la Guerre d'Algérie – nationalement en 1956 ; en 1960 à Amiens – et rejoint les rangs de la cause anticolonialiste. Creuset de la gauche chrétienne (JEC), l'UNEF connaît une scission en 1962 avec la création de la Fédération nationale des étudiants de France (FNEF), proche de la droite. A la veille des événements du printemps 1968, les groupes dits « gauchistes » prospèrent au sein de l'UNEF : il s'agit notamment des trotskystes – rassemblés dans l'Alliance des jeunes pour le socialisme (AJS) – et des étudiants maoïstes également appelés marxistes-léninistes – une scission de l'Union des étudiants communistes (UEC) – qui participent depuis 1966 à la lutte pour la paix au Viêt-Nam. C'est cette bouillante UNEF qui anime les manifestations estudiantines du mois de mai 1968.
A Amiens, Centre universitaire rattaché à l'Université de Lille qui n'a pas connu la violence des lanceurs de pavés, elles débutent par le rassemblement devant l'Hôtel de ville d'une cinquantaine d'étudiants trotskystes se réclamant de la Fédération des étudiants révolutionnaires (FER) et témoignant de leur solidarité avec leurs camarades parisiens. Le lendemain, 600 étudiants manifestent dans le calme et participent au meeting de l'AGEA-UNEF, qui appelle à la grève générale le 9 mai. Ce jour-là, un grand meeting est organisé à La Veillère où intervient le doyen de la faculté de droit, Jean-Pierre Cot, fils de Pierre Cot (Ministre radical du Front populaire) et militant socialiste. La révolte étudiante débouche sur des grèves généralisées dans le secteur privé et le secteur public . Les syndicats ouvriers (CGT, CFDT, FEN, FO) entrent ainsi en lice le 13 mai, après la fameuse nuit des barricades (10-11 mai) au cours de laquelle étudiants et CRS s'affrontent dans de véritables combats de rue : des défilés à Paris et en région rassemblent des dizaines de milliers d'étudiants et de travailleurs. A Amiens, un long cortège réunit 3 à 4000 manifestants. Aux lendemains de la grande manifestation du 13 mai, les étudiants d'Amiens, réunis en assemblée générale avec leurs professeurs, décident la transformation des trois collèges universitaires (droit, sciences, lettres) en facultés. C'est ainsi l'autonomie – administrative, financière, pédagogique – et la cogestion des facultés qui est adopté. Ils demandent également le report des examens. Le cloître Dewailly, abritant à l'époque les locaux universitaires, est occupé et transformé en véritable bunker par des étudiants réclamant l'autonomie universitaire. Des commissions repensant le rôle, la mission et le fonctionnement de l'université sont également créées. Elles rendent leurs conclusions le 22 mai lors d'une nouvelle assemblée générale : une structure comprenant une assemblée et un bureau paritaire (étudiants-enseignants) est mise en place. C'est une nouvelle étape vers la naissance de l'université de Picardie.