Les grèves dans le secteur privé
Notice
Jean Paul Duquenne fait le point sur les grèves dans le secteur privé. Dans la zone industrielle d'Amiens (images des Constructions électro mécaniques, de Dunlop et d'un meeting chez Ferodo), la grève est illimitée. Dans l'Aisne et dans l'Oise, le secteur industriel est aussi touché.
Éclairage
Le mouvement étudiant qui se développe à la faculté de Nanterre à partir du 22 mars puis à la Sorbonne à partir du 2 mai et dans toute la France à partir du 7 mai prend une nouvelle dimension dès le 13 mai. Le mouvement ouvrier et social suit les étudiants révoltés. Le 13 mai, un appel à la grève générale est lancé par les syndicats. 3 à 4 000 manifestants défilent dans les rues d'Amiens selon la préfecture et Le Courrier picard. Le Travailleur, hebdomadaire local du PCF, en évoque 8 000 ! Le lendemain, une vague de grèves s'enclenche : elle part de Sud-Aviation, dans la banlieue de Nantes, puis gagne les usines Renault de Cléon et Sandouville, en Seine-Maritime, puis de Flins et Boulogne-Bilancourt, en région parisienne, et s'étend à la France entière à partir du 15.
En Picardie, les ouvriers entrent en grève à compter du 16 mai : d'abord à l'usine Nord- Aviation de Méaulte, puis chez Saint Frères à Flixecourt, Les Aciers de la Chiers à Corbie, à la zone industrielle d'Amiens : Dunlop, Goodyear, Férodo, CEMA, Motobecane à Saint Quentin, Massey Ferguson à Beauvais...etc. Les piquets de grève s'organisent. On réclame des hausses de salaires, le retour aux quarante heures, l'amélioration des conditions de travail et l'abaissement des cadences. La généralisation de la grève paralyse le pays. Les stocks alimentaires diminuent rapidement : les supermarchés et les épiceries finissent par fermer. Les stocks d'essence s'amenuisent. L'approvisionnement est possible dans la Somme jusqu'au 22 mai mais en quantités limitées. Des problèmes d'hygiène apparaissent car les ordures ne sont plus enlevées. Le 24 mai, les paysans se joignent au mouvement : plus d'un millier d'entre-eux tiennent un meeting au Cirque d'Amiens et menacent de barrer les routes avec leurs tracteurs.
Parallèlement, le mouvement a investi la Maison de la Culture et a fait tache d'huile dans le secteur public. Malgré les accords de Grenelle (25-27 mai), qui portent sur une revalorisation du SMIG et une hausse des salaires, la grève continue. Le mouvement prend fin début juin avec la reprise du travail, même si la lutte continue encore aux usines Renault de Flins, Peugeot de Sochaux et Férodo à Amiens, où la grève animée par l'extrême-gauche et la gauche autogestionnaire, dure jusqu'au 24 juin. Malgré les appels à la constitution d'un gouvernement populaire – vocabulaire qui rappelle le mouvement de 1936 – et à l'union des partis de gauche, les élections anticipées de juin 1968 donnent une large majorité à la droite gaulliste, qui a su mettre à profit les divergences du mouvement et les inquiétudes de l'opinion publique.