Les grèves dans le secteur privé

20 mai 1968
02m 14s
Réf. 00205

Notice

Résumé :

Jean Paul Duquenne fait le point sur les grèves dans le secteur privé. Dans la zone industrielle d'Amiens (images des Constructions électro mécaniques, de Dunlop et d'un meeting chez Ferodo), la grève est illimitée. Dans l'Aisne et dans l'Oise, le secteur industriel est aussi touché.

Date de diffusion :
20 mai 1968
Source :

Éclairage

Le mouvement étudiant qui se développe à la faculté de Nanterre à partir du 22 mars puis à la Sorbonne à partir du 2 mai et dans toute la France à partir du 7 mai prend une nouvelle dimension dès le 13 mai. Le mouvement ouvrier et social suit les étudiants révoltés. Le 13 mai, un appel à la grève générale est lancé par les syndicats. 3 à 4 000 manifestants défilent dans les rues d'Amiens selon la préfecture et Le Courrier picard. Le Travailleur, hebdomadaire local du PCF, en évoque 8 000 ! Le lendemain, une vague de grèves s'enclenche : elle part de Sud-Aviation, dans la banlieue de Nantes, puis gagne les usines Renault de Cléon et Sandouville, en Seine-Maritime, puis de Flins et Boulogne-Bilancourt, en région parisienne, et s'étend à la France entière à partir du 15.

En Picardie, les ouvriers entrent en grève à compter du 16 mai : d'abord à l'usine Nord- Aviation de Méaulte, puis chez Saint Frères à Flixecourt, Les Aciers de la Chiers à Corbie, à la zone industrielle d'Amiens : Dunlop, Goodyear, Férodo, CEMA, Motobecane à Saint Quentin, Massey Ferguson à Beauvais...etc. Les piquets de grève s'organisent. On réclame des hausses de salaires, le retour aux quarante heures, l'amélioration des conditions de travail et l'abaissement des cadences. La généralisation de la grève paralyse le pays. Les stocks alimentaires diminuent rapidement : les supermarchés et les épiceries finissent par fermer. Les stocks d'essence s'amenuisent. L'approvisionnement est possible dans la Somme jusqu'au 22 mai mais en quantités limitées. Des problèmes d'hygiène apparaissent car les ordures ne sont plus enlevées. Le 24 mai, les paysans se joignent au mouvement : plus d'un millier d'entre-eux tiennent un meeting au Cirque d'Amiens et menacent de barrer les routes avec leurs tracteurs.

Parallèlement, le mouvement a investi la Maison de la Culture et a fait tache d'huile dans le secteur public. Malgré les accords de Grenelle (25-27 mai), qui portent sur une revalorisation du SMIG et une hausse des salaires, la grève continue. Le mouvement prend fin début juin avec la reprise du travail, même si la lutte continue encore aux usines Renault de Flins, Peugeot de Sochaux et Férodo à Amiens, où la grève animée par l'extrême-gauche et la gauche autogestionnaire, dure jusqu'au 24 juin. Malgré les appels à la constitution d'un gouvernement populaire – vocabulaire qui rappelle le mouvement de 1936 – et à l'union des partis de gauche, les élections anticipées de juin 1968 donnent une large majorité à la droite gaulliste, qui a su mettre à profit les divergences du mouvement et les inquiétudes de l'opinion publique.

Julien Cahon

Transcription

Guy Jolivet
Avec Jean-Paul Duquenne, nous passons maintenant aux grèves dans le secteur privé. Jean-Paul Duquenne.
Duquenne§Jean-Paul
Eh bien, écoutez, dans le secteur privé, il est actuellement difficile de faire le point étant donné que ce secteur est actuellement en pleine évolution. En effet, des entreprises ont commencé vendredi. D’autres, ce matin. Toutes les décisions ne sont pas prises, en effet, puisque c’est quelquefois au service intérieur de l’usine elle-même que ces revendications ont lieu. Un point test : la zone industrielle d’Amiens. Nous y avons été ce matin ainsi que dans la région. En voici maintenant les images. Nous nous sommes donc rendus aux portes des différentes entreprises à Amiens ainsi que dans sa région. Dans de nombreuses industries, 100 % de l’effectif est en grève selon les déclarations des responsables syndicaux. La plateforme des revendications est sensiblement la même pour les employés des usines à savoir augmentation des salaires, réformes de la Sécurité Sociale, 5ème semaine de congés payés, réduction à 40 heures des horaires de travail sans diminution de salaire, abaissement de l’âge de la retraite et liberté syndicale. Ceci, évidemment, sans compter des revendications propres à chaque usine. Dans la plupart des usines atteintes, les locaux sont occupés par les grévistes et les entrées, surveillées par des piquets de grève. Certaines ont débrayé depuis vendredi alors que d’autres n’ont cessé le travail que depuis ce matin répondant aux derniers mots d’ordre des syndicats. Un seul point commun : grève illimitée. Voici en ce qui concerne Amiens et la Somme en particulier. Ici, le meeting à l’usine Ferodo qui s’est tenu cet après-midi. Voyons maintenant dans l’Aisne, toujours dans le secteur privé, de nombreuses usines sont occupées en particulier Motobécane, Unelec Saint-Quentin et Thomson Bohain. Dans d’autres, grève totale également mais sans occupation. C’est le cas de la SITEF et Boyer. Notons toutefois que l’activité économique n’est pas complètement atteinte, en particulier dans l’industrie textile à Saint-Quentin. Dans l’Oise, situation à peu près identique. A Beauvais, les usines Lockeed, Novacel, Viscora et Massey Ferguson ont cessé toute activité. Et grève illimité également aux papeteries de Pont Sainte Maxence.
(Silence)
Duquenne§Jean-Paul
Une chose très importante à noter. Vous avez pu le remarquer au cours de ces images : toutes ces manifestations, meetings et décisions se sont déroulées dans le calme.
(Silence)