Le parcours de Max Lejeune dans la Somme
Notice
Max Lejeune évoque son parcours politique sous trois Républiques. A la Libération il est élu conseiller général à Abbeville et élu président du conseil général de la Somme, il y sera reconduit à plusieurs reprises. Il explique son refus au moment de la loi de la décentralisation d'un nouvel échelon administratif avec les Régions. Paradoxalement il est devenu Président du Conseil régional de Picardie en 1978.
Éclairage
Le parcours politique exceptionnel de ce personnage charismatique et indépendant d'esprit en fait la grande figure politique picarde du XXe siècle. Elu député du Front populaire en 1936, à l'âge de 27 ans, Max Lejeune détient le record de longévité parlementaire. Réélu à l'Assemblée nationale de 1945 à 1977 puis au Sénat jusqu'en 1995, il est maire d'Abbeville pendant 42 ans (1947-1989), président du conseil général durant 43 ans (1945-1988) et ministre dans onze gouvernements de la IVe et de la Ve République. Il dirige également la fédération socialiste SFIO de la Somme de 1952 à 1969. Ses mandats locaux et sa présence dans les hautes sphères de l'État font de lui le véritable patron du département de la Somme pendant un demi-siècle.
Pacifiste et révolutionnaire, Max Lejeune se convertit au patriotisme en 1939 et au réformisme en 1945. La nécessité de reconstruire sa région à l'issue de la Seconde Guerre mondiale le pousse à prendre et assumer le pouvoir, avec la volonté de bannir les querelles politiciennes des assemblées locales, qu'il conçoit comme des chantiers et non des rings politiques mais où il opte pour les alliances centristes dite de "Troisième force", pratiquées par la SFIO sous la IVe République dans le contexte de la Guerre froide. Sa notabilisation est ainsi la première cause majeure de son évolution politique.
La Guerre d'Algérie est le second grand tournant de sa carrière. Plusieurs fois secrétaire d'État aux forces armées, il est chargé des Affaires algériennes entre 1956 et 1958. Le souci de défendre la République le pousse, comme la majorité de la SFIO, à rallier le général de Gaulle dont il devint le ministre avec l'important portefeuille du Sahara (1958-1959). Mais ses prises de position le marginalisent progressivement au sein de son parti. Partisan d'une autonomie au sein de la République et hostile à l'indépendance algérienne au nom de l'indivisibilité de la République et de l'indépendance énergétique de la France, il rompt avec le Général lorsqu'il s'achemine vers la solution de l'indépendance. En 1962, comme l'ensemble de la gauche, Max Lejeune fustige le projet gaulliste d'élection du Président de la République au suffrage universel. C'est bien plus tard, au milieu des années 1970, que Max Lejeune intervient dans les débats constitutionnels à l'Assemblée et souhaite une évolution des institutions vers un régime à l'américaine et que le Président et l'Assemblée soient élus en même temps pour une même durée de mandat.
Cependant, cet anticommuniste farouche refuse le rapprochement opéré par la SFIO avec le PCF à la fin des années 1960, puis le contrôle du nouveau Parti socialiste par François Mitterrand en 1971. Dès 1969, il est mis en minorité, perdant son poste de secrétaire fédéral au profit de Dominique Taddéi. En 1972, il refuse de donner son accord au programme commun et à la politique d'union de la gauche et est exclu du PS. Max Lejeune fonde alors son propre parti, le Mouvement démocrate-socialiste de France (dont il est le président national), qui se fond ensuite dans l'UDF (1978) avant de prendre l'appellation de de Parti social-démocrate (PSD) en 1982. Cette même année, il s'oppose aux lois Defferre. En tant que président du conseil général de la Somme, il doit cependant appliquer la politique de décentralisation qu'il accuse d'affaiblir l'Etat. En 1978-1979, il préside aussi le conseil régional, un échelon administratif inutile selon lui. Le régionalisme est pour ce géographe jacobin synonyme de dissolution de l'identité nationale.
En 1988, il quitte la présidence du conseil général pour respecter la loi sur le cumul des mandats (1985). La présidence de l'assemblée départementale revient à un de ses poulains, Fernand Demilly. Max Lejeune perd son fauteuil de maire en mars 1989 au profit du député Jacques Becq (PS) dans le cadre d'une triangulaire avec la liste du barriste Jacques Mignot – Max Lejeune, payant ainsi son soutien à Jacques Chirac lors de l'élection présidentielle de 1988. Il choisit de ne pas se représenter aux élections sénatoriales du 24 septembre 1995 et, malade, décède deux mois plus tard à l'âge de 86 ans.