Portrait de Jean-Marie Tarascon, enseignant chercheur
Notice
Portrait de Jean-Marie Tarascon, chercheur à l'Université Picardie Jules Verne, membre de l"Académie des sciences, qui vient de décliner un poste en Californie pour se consacrer au laboratoire de réactivité et chimie des solides qui, sous son impulsion, est devenu une référence mondiale. Cet ancien joueur de rugby qui prône le travail en équipe a fédéré la recherche française en créant un réseau national pour le stockage de l'énergie. A Amiens, on travaille sur des batteries biodégradables. Nommé au Collège de France, il vient d'être décoré de la Légion d'honneur.
Éclairage
Face à la menace du réchauffement climatique et l'inéluctable épuisement des ressources fossiles, l'humanité s'apprête à affronter l'un de ses plus importants défis.
Il est dès lors plus que jamais urgent de reconsidérer radicalement à la fois les modes de fonctionnement de nos économies et nos propres modes de vie dans le respect des dimensions écologiques de l'activité humaine. On ne le répétera jamais assez, la transition écologique est devenue une nécessité impérieuse ! Les écueils sont de taille. Mais, bien négociée, une telle bifurcation décisive peut être la clef de la prospérité de demain, à condition de s'insérer dans le cadre d'un nouveau projet de société.
On aurait tort, en effet, de ne voir dans la transition écologique que des obstacles. Elle peut être une formidable opportunité de développement dans le cadre de ce que l'économiste Michel Aglietta qualifie de "nouveau régime de croissance tourné vers l'innovation environnementale".
Le système productif de la Picardie, qui porte encore les stigmates de la fin de l'âge d'or des Trente glorieuses, trouve là une chance inouïe d'opérer une reconversion fructueuse. C'est d'ailleurs le choix stratégique au long cours du Conseil régional de Picardie que d'aider son industrie à s'engager dans ce que l'essayiste américain Jeremy Rifkin appelle de son côté la "troisième révolution industrielle ".
Un picard d'adoption et d'exception incarne à merveille cette ambition de la mutation vers une économie à bas carbone dans laquelle la question énergétique occupe une place centrale. Il s'agit du Professeur Jean-Marie Tarascon. Excusez du peu ! Sa carte de visite est des plus impressionnantes : Professeur de classe exceptionnelle à l'UFR des sciences et directeur de l'Institut de chimie de l'Université de Picardie Jules Verne, membre senior de l'Institut universitaire de France, ex-directeur du laboratoire (CNRS) de réactivité et de chimie des solides (LRCS (1)) (il a passé la main à un de ses disciples pour mieux se consacrer à la recherche pure !), récipiendaire de l'habilitation d'excellence européenne, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie européenne des sciences, des arts et des lettres, titulaire d'une chaire temporaire au Collège de France, Chevalier de l'Ordre des Palmes académiques et enfin, Chevalier de la Légion d'honneur...Reprenons notre souffle !
Discret, arborant toujours son accent du sud-ouest malgré les quinze années passées aux Etats-Unis, celui qui s'est offert le luxe de renoncer au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui lui tendait les bras a donné ses lettres de noblesse aux batteries plastiques à ions lithium équipant les téléphones portables notamment.
Le Professeur Tarascon est aujourd'hui une sommité reconnue mondialement dans le domaine crucial de la technologie du stockage de l'énergie. Son savoir est donc précieux dans la réflexion sur le développement des énergies renouvelables.
Si la soutenabilité environnementale globale des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque...etc.) par rapport aux sources classiques est avérée, elles souffrent néanmoins de nombreuses lacunes qui en limitent la généralisation (coûts, rendements, absence de synchronisation entre consommation et production). On dit qu'elles sont intermittentes et diffuses. Par exemple, les éoliennes ne tournent pas en permanence, elles sont tributaires des vents. Il en va de même des panneaux photovoltaïques donc l'efficacité demeure faible (dépendance à l'ensoleillement, faible capacité conversion en courant...etc.). Les enjeux autour des énergies renouvelables se situent donc à trois niveaux : production, transport et stockage. C'est sur ce dernier point que se concentrent actuellement les recherches du Professeur Tarascon. Comme il aime à le rappeler, le véhicule électrique n'a véritablement d'avenir que si nous parvenons à produire des batteries bon marché, légères, performantes et recyclables. D'avenir, il en est aussi tous les jours question dans son laboratoire pour celui qui voit dans la formation de jeunes disciples la meilleure reconnaissance de son œuvre de chercheur.
(1) A la tête du Réseau européen sur le stockage électrochimique de l'énergie (RS2E), le LRCS se verra doter en 2016 d'une plate-forme d'échanges scientifiques (un hub implanté à Amiens) regroupant les principaux laboratoires académiques français et industriels dans l'objectif de mutualiser toutes les compétences autour du stockage électrochimique de l'énergie.