Le château de Chantilly
Notice
Visite guidée dans les coulisses des trésors du château de Chantilly qui a appartenu aux Princes de Condé. Le tableau "La bataille de Fribourg" quitte l'atelier de restauration sous l'œil attentif de la conservatrice en chef du patrimoine, Nicole Garnier, pour rejoindre la grande galerie des appartements. Celle-ci nous fait visiter les appartements privés du Duc d'Aumale, ancien propriétaire de Chantilly, militaire, académicien, collectionneur d'art. A la mort du duc d'Aumale le château a été confié à l'Institut de France et c'est Yvon Gattaz, un des conservateurs, qui nous fait découvrir les jardins de Le Nôtre.
Éclairage
Chantilly est sans conteste un endroit exceptionnel, capable de soutenir la comparaison avec Versailles ou Vaux-le-Vicomte, ce qu'il doit à la passion de trois hommes qui ont chacun marqué les lieux de leur empreinte entre le XVIe et le XIXe siècle.
À l'origine, il s'agit d'un vaste domaine seigneurial, reçu du roi par les Bouteiller, qui font ériger une forteresse sur le massif rocheux émergeant des marais de la Nonette, un affluent de l'Oise. Car, situé à proximité de Paris et sur la grande route de Picardie, le site est stratégique. Lors de l'insurrection paysanne ou Jacquerie de 1358, le château est mis à sac puis vendu, en 1386, à Pierre d'Orgemont, ancien chancelier de Charles V. C'est lui qui rebâtit la forteresse médiévale dont les sept tours cernées de douves sont encore visibles aujourd'hui. Dépourvu d'héritier, celui-ci lègue le domaine à son neveu, Guillaume de Montmorency, en 1484.
Mais c'est avec Anne de Montmorency (1492-1567), connétable de France, véritable prince de la Renaissance que le destin du château bascule. Non content de faire rénover le "Château vieux" par l'architecte Pierre Chambiges, il demande à Jean Bullant, qui a déjà travaillé pour lui au château d'Écouen, de construire le Petit château ou Capitainerie, dans le style inspiré de l'art italien et de l'Antiquité, qui se diffuse alors en France. On doit également au connétable les jardins et la terrasse où se dresse sa statue équestre, réalisée par Paul Dubois (1886).
L'œuvre du connétable est complétée par son fils, Henri, à l'origine d'une maison d'agrément dans les bois, où Henri IV se plaisait à séjourner. On l'a surnommée plus tard Sylvie à cause du poète Théophile de Viau qui s'y réfugia dans les années 1620 pour fuir la censure et y composa des vers en hommage à la nymphe de la forêt, en réalité la duchesse de Montmorency, épouse du petit-fils du connétable, Henri II.
Mais ce dernier est décapité en 1632 pour s'être révolté contre Louis XIII qui confisque ses biens, dont le château. En 1643 il est rendu à la famille et connaît une nouvelle phase de grandeur sous l'égide de Louis II de Bourbon (1621-1686), dit le Grand Condé, qui y élit résidence après son retrait de la Cour, consécutif à sa participation à la Fronde. De cette époque datent les jardins élaborés par Le Nôtre, certes pourvus d'un grand canal mais qui se démarquent de ceux de Versailles par l'ordre dispersé de ses parterres, non tributaires d'un axe unique. Le Nôtre conçoit également le Grand degré, réalisé par Daniel Gittard, c'est-à-dire l'escalier majestueux à trois rampes qui relie la terrasse aux jardins. À la fin de sa vie, le Grand Condé charge Jules Hardouin Mansart, architecte de Versailles, d'aménager ses appartements dans le Petit Château qui accueille une galerie célébrant ses faits d'armes.
Toutefois, c'est Henri Jules de Bourbon qui mène à bien le projet plus ambitieux, également concocté par Mansart, de modernisation du Grand Château, dans le premier tiers du XVIIIe siècle, où sont aussi construites les fameuses écuries, sous l'égide de Louis VI Henri, ministre de Louis XV. Il fait également décorer ses appartements dans le style rococo et améliorer les jardins où son fils, Louis-Joseph, installe notamment un hameau semblable à celui de Trianon.
Chantilly est alors au faîte de sa splendeur mais c'est sans compter sans la Révolution française. En l'absence de son propriétaire, émigré, le château est vidé de son mobilier, converti en prison sous la Terreur, rasé en 1799 et le domaine vendu par lots.
Il faut attendre le dernier tiers du XIXe siècle pour voir le château renaître à l'instigation de son héritier, Henri d'Orléans, duc d'Aumale, dernier fils de Louis-Philippe. Il demande à Honoré Daumet de rebâtir le château pour y loger sa collection de livres précieux et d'objets d'art. Veuf et sans enfants, il lègue en 1884 le château et son contenu à l'Institut de France afin d'en faire un musée, à la condition expresse que tout soit préservé, ce à quoi a fortement contribué l'inscription du site aux Monuments Historiques en 1988 et la création d'une fondation en 2005, par S. A. l'Agha Khan.