Les fouilles archéologiques de la citadelle d'Amiens
Notice
Reportage sur un chantier archéologique à la Citadelle d'Amiens. Le site sur lequel va être construit la prochaine faculté de lettres a révélé une très grande richesse archéologique très bien conservée. Didier Bayard, ingénieur de la DRAC explique que c'est l'existence la porte du Ravelin de Montrescu qui a amenés à entamer des recherches. Des fortifications faisant partie d'un fort (Ravelin) construit en 1520 sous François Ier ont été découvertes ainsi qu'une chaussée datant du Moyen Age. Dominique Gemehl, archéologue, pense que cette voie reliant Amiens à Arras, était très empruntée à l'époque.
Éclairage
Même si elle ne peut être considérée comme un symbole de la ville, au même titre que la cathédrale ou le beffroi, la citadelle reste un de ses lieux de mémoire, quoique douloureuse.
La citadelle a été édifiée à partir de 1598, sur ordre d'Henri IV, après qu'il ait reconquis la ville sur les Espagnols qui s'en était emparés par "surprise" le 11 mars 1597, dans le cadre de la guerre entre le roi de France et Philippe II. Ville stratégique sur la frontière avec les Pays-Bas espagnols, Amiens avait la réputation d'être une forteresse inexpugnable mais, la chance aidant, le stratagème mis au point par Hernan Tello Portocarrero sur la base des informations recueillies par ses espions au sujet des faiblesses conjoncturelles de la défense fonctionna.
Côté français, on cria à la trahison, alors que le seul tort des édiles amiénois est d'avoir cru qu'ils pouvaient se passer des renforts que leur avait proposés le roi, par fidélité à la tradition d'auto-défense des bourgeois et dans le souci de leur éviter les inconvénients occasionnés par l'hébergement d'une garnison.
Henri IV vint en personne assurer le siège de la ville qui se rendit le 25 septembre 1597. Cependant, cette mésaventure lui fit prendre conscience de la nécessité de sécuriser la place et d'asseoir sur elle son autorité. C'est pourquoi il réduisit l'autonomie du gouvernement municipal et demanda à son architecte militaire, Jean Errard de Bar-le-Duc (1554-1610), d'édifier une citadelle à l'endroit le plus exposé de la ville. Celui-ci y mit en pratique les idées qu'il exposa dans un traité publié en 1600, reprenant les principes de la fortification bastionnée, inventée en Italie à la fin du XVe siècle, et annonçant largement le système développé par Vauban. Il créa donc un ouvrage précédé de larges fossés et constitué de cinq bastions à angles aigus formant une sorte d'étoile. Construite en briques à chaînage de pierre en bossage, dans le style de l'époque, la citadelle est achevée en 1622.
Ayant nécessité la destruction de quasiment tout un quartier de la ville, pourvue d'une garnison qu'ils doivent entretenir et coupée de la ville dont elle empêche le développement sur son flanc septentrional, la citadelle est mal supportée par les Amiénois. Ils multiplient d'ailleurs les requêtes auprès de l'État en vue de son démantèlement. En vain : la citadelle perdure, à la fois parce qu'elle sert à caserner des soldats et parce qu'elle n'a pas perdu tout intérêt stratégique, malgré l'annexion, en 1659, de l'Artois qui a repoussé la frontière de plus de cent vingt kilomètres au nord.
Aussi, la citadelle reprend-t-elle du service pendant les guerres révolutionnaires et pendant la guerre franco-prussienne de 1870, où elle est vaillamment défendue par le commandant Vogel, mort au combat le 29 novembre. En 1914, la citadelle est brièvement occupée par les Allemands. De 1939 à 1944, ceux-ci s'en servent comme prison et y exécutent une cinquantaine de personnes, ce qui explique le souhait d'associations locales d'y établir un mémorial des victimes de la Résistance et de la Déportation dans la Somme. En 1945, après la Libération, ce sont les autorités françaises qui y détiennent des prisonniers politiques. On comprend, dès lors, pourquoi la citadelle a si mauvaise réputation auprès des habitants.
Rebaptisée caserne Boyaldieu à la fin du XIXe siècle, elle reste à usage militaire jusqu'en 1993. Une fois l'armée partie, le lieu, déjà gravement endommagé par le percement de l'actuelle avenue du Général de Gaulle au début des années soixante, subit de nouvelles dégradations. C'est une des raisons qui expliquent l'inscription aux Monuments Historiques des éléments encore intacts de la citadelle en 1978, ce qui s'est accompagné de plusieurs campagnes de fouilles archéologiques, notamment après le rachat du site par la municipalité amiénoise, en 1998. Celle-ci a finalement décidé d'y implanter le pôle Humanités de l'Université de Picardie. La première pierre de ce chantier, confié à l'architecte Renzo Piano, a été posée le 20 juin 2013.