Portrait du peintre Alfred Manessier
Notice
Portrait du peintre Manessier à partir d'extraits du magazine "Pour Mémoire" dans lequel on le retrouve dans son atelier travaillant sur les vitraux de l'Église du Saint Sépulcre à Abbeville.
Éclairage
En concevant, posant et inaugurant les vitraux de l'Église du Saint Sépulcre à Abbeville, quelques mois à peine avant sa disparition dans un accident de la route (1er Août 1993) le peintre Alfred Manessier, né en 1911 à Saint-Ouen dans la Somme, mettait, à son insu, un point final à son art. D'une part il bouclait pour ainsi dire la boucle, terminant aux lieux mêmes dont il avait reçu l'inspiration dans son enfance, passée aux côtés d'un grand-père pêcheur retiré dans le faubourg de Thuison, à Abbeville, à proximité des marais que forment les petites rivières du Scardon et de la Drucat ; d'autre part il redonnait tout son éclat lumineux à un édifice religieux ayant perdu ses vitraux dans l'incendie de Mai 1940. Plus encore il laissait derrière lui, selon les termes prémonitoires qu'on l'entend tenir dans le document télévisé en question, son "testament". Enfin il faisait chanter à son sommet, dans un splendide magnificat profane et spirituel, cette lumière qui l'avait éclairé depuis ses débuts, "la lumière de la Baie de Somme". Aussi quelle ne fut pas la stupeur du monde local pressé de fêter le retour de l'artiste parmi les siens, de devoir célébrer quasiment aussitôt ses obsèques dans le temple qu'il venait de rendre à la lumière. On eût dit voir sourire d'une manière secrète et indéfinissable cet artisan humble et modeste, emportant dans la tombe le secret d'une vie tout entière vouée au mystère de l'existence. Homme d'équilibre, comme il se présente lui-même dans ce bref portrait, "entre le drame et le bonheur, la joie et l'angoisse".
Manessier aura en effet constamment fait l'aller et retour, dans son art, entre les tragédies du monde politique (cf. ses grands hommages à Martin Luther King ou Dom Helder Camara, présentés de Juin à Septembre 2012 à l'Abbaye de Saint Riquier) et les thèmes liturgiques de la Passion. Avant l'église Saint-Sépulcre d'Abbeville le peintre vitrailliste avait successivement conçu les vitraux des cryptes de la Cathédrale d'Essen en Allemagne, de Fribourg en Suisse, ainsi que de nombreuses églises et chapelles (Brême, Saint-Dié-des Vosges, Sainte Bénigne de Pontarlier etc.). C'est l'Inspecteur des Monuments historiques François Enaud qui fut à l'initiative de la commande faite à Alfred Manessier pour l'église du Saint-Sépulcre d'Abbeville. Il rappelle dans le catalogue publié par le Musée Boucher de Perthes de cette ville, lors de l'exposition "Manessier Œuvres 1927-1988" comment il avait été impressionné par le bleu profond de la Nuit du Vendredi saint conçu par le peintre pour la cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg en 1976.
Parlant de l'église de son enfance Manessier a cette confession "Ce lieu est la cassure de mon paradis d'enfance". Mais il ajoute aussitôt : "Je ne veux pas être seulement le peintre de la mort du Christ et de la Passion, je suis aussi le peintre des Alléluias". C'est précisément le sens du chemin de ces 31 vitraux, réalisés par l'Atelier Lorin de Chartres, dont les trois premiers furent posés par Gérard Hermet et ses compagnons le 21 Avril 1989, avant l'inauguration officielle du 30 Mai 1993.