Violence à Vénissieux

14 septembre 1981
02m 42s
Réf. 00210

Notice

Résumé :

Le quartier des Minguettes à Vénissieux vit cet été des heures difficiles. Des voitures ont été volées et incendiées. Les jeunes se plaignent du manque d'éducateurs, de manque de locaux et du peu d'activités possible.

Date de diffusion :
14 septembre 1981
Source :
Antenne 2 (Collection: MIDI 2 )
Personnalité(s) :

Éclairage

Pour comprendre l'explosion de la violence dans le quartier des Minguettes au début des années 1980, il est certes important de souligner les facteurs sociaux tels que la concentration de la pauvreté, la déstructuration de la classe ouvrière, le chômage massif, la ségrégation spatiale, le racisme, le départ des couches moyennes et des fonctionnaires etc., mais il faut aussi étudier la configuration sociale et politique et les rapports de force qui structurent le quartier, en particulier les relations entre les jeunes et la police. La rébellion des jeunes aux Minguettes s'explique par la rupture d'un certain équilibre dans ces relations. De la construction des premières tours de la ZUP (zone à urbaniser en priorité) au début des années 1960 et jusqu'au début des années 1980, il existe un faible niveau de violence. Le relatif équilibre est exprimé par la notion d'« esprit de village » où les relations entre les individus et familles, aux origines diverses, sont plus ou moins pacifiées. Les jeunes se retrouvent notamment à la cafétéria Casino du centre commercial, dans un local offert par le bailleur Logirel au pied de la tour n°10 de Monmousseau et un snack. Ce contexte permet l'émergence de « bandes », peu structurées et constituées d'amis du même quartier, qui bénéficient du soutien d'une partie de la population lorsqu'ils sont recherchés par la police. Ainsi, à partir de la fin des années 1970, la police a l'impression que le territoire des Minguettes n'est plus sous contrôle. La police de Vénissieux s'est sentie de plus « trahie » par le gouvernement d'union de la gauche en 1981 qui interrompt les expulsions d'étrangers. Tout se passe comme si l'équilibre des rapports de force entre les jeunes, la petite délinquance et la police était alors rompu. Ce déséquilibre débouche sur la succession d'incidents mineurs qui dégénèreront durant les rébellions de l'été 1981 (les rodéos et les voitures brûlées qui font mémoire et qui seront mimés ensuite devant les caméras de télévision). À partir de mars 1983, l'enchaînement des événements violents provoqueront la recherche d'autres répertoires d'action : ce sera, entre autres, la Marche pour l'Égalité de décembre 1983.

Michelle Zancarini

Transcription

Présentateur
Durant d’une bonne partie de l’été, vous le savez probablement puisque je pense que vous n’avez pas pris beaucoup de vacances comme les autres membres de gouvernement, les nuits de la banlieue lyonnaise ont été particulièrement chaudes. Tous les soirs ou presque, vols de voitures, rodéos, incendies, et affrontements avec la police. Alors quelques arrestations, 14, et surtout une grande interrogation: "Que se passe-t-il et comment éviter le retour à de tels incidents dans la banlieue lyonnaise ?"
Journaliste
A Vénissieux, le quartier des Minguettes. On l’appelle toujours la ZUP des Minguettes, la Zone à Urbaniser en Priorité depuis 1967. 35 000 personnes habitent ici plus de 40 nationalités y sont représentées. Depuis le début de l’été, les vols de voitures se sont multipliés suivis de rodéos et d’incendies, des distractions entre guillemets pour des jeunes qui ne disposent que de 4 éducateurs, alors qu’ils sont 10 000 de 10 à 19 ans.
Intervenant 1
Il n’y a pas assez d’éducateurs, je trouve.
Inctervenant 2
Et puis, les gens pour un rien ils se plaignent tout de suite là, un peu de bruit, allez hop, sur le compte des voyous, allez hop c’est tout le temps le bordel ce qui, imagine tout ça c’est trop triste, ils abusent quand même.
Journaliste
Mais est ce que tout le monde est d’accord un petit peu pour participer à ces animations puisque…
Intervenant 2
Oh, il y en a un paquet qui sont d’accord, pour pas s’emmerder, y sont d’accord. Les mecs qui partent faire un peu d’animation, ça leur fait du bien, y partent une journée à la montagne, ils vont dans un lac pour pêcher même, histoire de sortir de là, de Lyon quoi !
Journaliste
Oui, mais ça, ça se passe combien, une fois par semaine ou peut-être une fois par mois, non ?
Intervenant 3
Ben, Il y a longtemps qu’on n’a pas eu de sortie comme ça !
Intervenant 2
quand y a du soleil !
Journaliste
Et le reste, le reste de la semaine, c’est moins évident ?
Intervenant 2
Oui, et puis maintenant il va y avoir la rentrée tout ça des classes alors il peut plus rien se passer, il va falloir se demerder, trouver un lieu de rencontre abrité. Parce que certains parlent d’un local, on l'attend toujours ce local. Vous nous donnez un local avec des établis pour histoire de bricoler de temps en temps, quand on n’a rien à faire, déjà discuter, se voir un peu dedans.
Intervenant 4
Dans ce quartier, y a même pas un, un endroit pour…
Intervenant 2
Puisqu’il y en a qui nous croient, qu’on n’est plus capables de faire maintenant… On est toujours réadaptables à la société comme on dit en vrai hein, y a toujours un moyen de se redresser quoi. Mais là ils disent non, c’est des mecs, il faut les laisser. Bien sûr, s’ils nous laissent comme ça, ils nous laissent tomber, ça va dégénérer, ça va faire du mal.
Journaliste
Comment tu te vois, toi, dans 10 ans ou… ?
Intervenant 2
Ben moi, personnellement je sais que je vais pas tarder à m’arracher alors je pense que si, comme je sais que je vais partir c’est parce que je sais que ça va aller de plus en plus mal et ça va finir mal. Très mal. Alors vaut mieux que je parte avant que ça finisse mal pour moi.
Journaliste
Il faut faire quelque chose avant ?
Intervenant 2
Ce qu’il faut c’est, c’est qu’ils donnent un local, et qu’ils essaient de trouver, il faut que les flics aussi, ils arrêtent de nous narguer puisque un jour ça va mal aller aussi de l’autre côté hein.
Journaliste
Alors là, il faut parler des loyers aussi.
Inctervenant 2
Ah, les loyers ils augmentent du matin au soir, il paraîtrait qu’on est des émirs! On n’a pas du pétrole à la maison hein, on ouvre le robinet c'est de l'eau… Tout le monde part, c’est à cause des loyers hein, c’est pas à cause des petits scandales qu’y a, c’est le loyer.
Journaliste
Et toi Fredo, comment tu te vois dans 10 ans, toi personnellement, travaillant, marié, des enfants ?
Intevenant 5
On sait pas avec cette vie de chien. On n’a pas d’avenir, on n’a pas d’avenir nous-mêmes, vous voulez que nos gosses, ils ont des avenirs ?