Le pape à Lyon
Notice
Lors de cette première journée de la visite du pape en France, 300 000 fidèles se sont retrouvés au parc des expositions à Lyon pour entendre Jean Paul II. La cérémonie de béatification du père Antoine Chevrier, y a été célébrée.
- Rhône-Alpes > Rhône > Lyon
Éclairage
Jean-Paul II accomplit du 4 au 7 octobre 1986 son troisième voyage en France. Après Paris et Lourdes, il vient à Lyon et en profite pour effectuer deux déplacements à Ars et Annecy. On le voit ici l'après-midi du premier jour présider la béatification d'un prêtre du diocèse de Lyon. L'abbé Antoine Chevrier (1826-1879), nommé vicaire de la paroisse Saint-André dans le quartier de la Guillotière après son ordination en 1850, découvre qu'il suffit de traverser le pont du Rhône pour rencontrer la misère prolétarienne. Il dénonce l'exploitation des ouvriers et de leurs enfants et décide de vivre au milieu d'eux et comme eux. Il acquiert en 1860 la salle de bal du Prado qui donne son nom à une salle d'asile (école) pour enfants, puis à la société de prêtres que l'abbé lance vers 1870 et à laquelle des femmes ouvrières s'associent. La société se développe au XXe siècle, dans l'esprit de pauvreté et de solidarité de son fondateur. Dans les années 1950 elle s'engage dans l'expérience des prêtres ouvriers et réussit, grâce à son supérieur Mgr Ancel, à obtenir le droit de maintenir certains membres dans le monde du travail malgré la condamnation romaine des prêtres ouvriers. Elle se distingue aussi par ses engagements en faveur de la décolonisation ou de la fin de la guerre d'Algérie, puis pour la défense des droits des immigrés et s'implante dans le Tiers-monde.
La cérémonie se tient dans le Parc des expositions de Lyon et rassemble une foule considérable évaluée à plus de 300 000 personnes. L'affluence illustre le succès du voyage d'un pontife dont certains clercs et laïcs, notamment à Lyon, ont pourtant vivement contesté les prises de position et des initiatives qui leur semblent remettre en cause les ouvertures conciliaires. Le pape profite des circonstances et de l'exemple donné par le père Chevrier et le Prado pour souligner dans son homélie, son attachement aux exigences sociales nées de la foi chrétienne et rappeler la fécondité de la tradition catholique lyonnaise en la matière. Il apporte ainsi son soutien, au cardinal Albert Decourtray, archevêque de Lyon (1981-1994) qui a pris des positions courageuses en faveur des immigrés et des musulmans (on le voit et entend furtivement dans une incrustation). Dans un contexte social déjà dominé en France par la crise économique, il prend clairement parti pour la défense des plus fragiles, appelle les catholiques à être au premier rang dans la solidarité avec les « nouveaux pauvres » et la promotion des droits des immigrés, en particulier le droit au regroupement des familles. Autant de thèmes qu'il reprendra dans diverses encycliques. Fidèle à sa conviction que la solution des questions sociales passe par une transformation spirituelle, il insiste sur l'importance de donner une nourriture à la fois matérielle et spirituelle.
Son voyage confirme la difficulté de classer un pape hors norme. Il mêle dans ses discours retour aux sources, symbolisé le matin même de son arrivée par une cérémonie dans l'amphithéâtre des trois Gaules (à la Croix Rousse) où des chrétiens de la région avaient été martyrisés en 177, réaffirmation d'une identité catholique, défense de l'orthodoxie et de la tradition, rencontres œcuméniques, dialogue interreligieux avec le judaïsme, engagement dans la vie sociale et internationale. Soucieux de prendre ses distances avec l'air du temps, il fait applaudir par les jeunes réunis au stade de Gerland (5 octobre) un discours dont la conclusion est un éloge du modèle catholique en matière de mariage et de sexualité.
Cette visite laisse dans la région une marque durable, pour quelques-uns à cause du discours tenu, pour le plus grand nombre à cause des talents de communicateur et de la personnalité du pape. Un grand concert en son honneur, mis en scène et dirigé le soir du 5 octobre au pied de la colline de Fourvière par le Lyonnais Jean-Michel Jarre, constitue le point d'orgue d'une rencontre réussie avec la population même si elle n'inverse pas les tendances lourdes d'un catholicisme régional dont l'influence s'affaiblit.
Pour accéder au texte des discours prononcés pendant le voyage du pape, voir le site officiel du Vatican.