Canoë Kayak : les problèmes d'affluence pour la descente de l'Ardèche
Notice
La descente de l'Ardèche devient victime de son succès. L'affluence des touristes entraîne des difficultés au niveau de la sécurité mais aussi de la propreté du lieu.
Éclairage
Une vue aérienne suit le cours de l'Ardèche au fond d'une gorge d'où s'élancent de hautes falaises couvertes de végétation : c'est ainsi que s'ouvre le reportage que France Régions 3 Lyon consacre en août 1977 aux problèmes de saturation touristique liés à la multiplication des « descentes » de la rivière pendant la période estivale. Les images s'attardent alors plus longuement sur des scènes de vacanciers pêchant, se baignant et, surtout, naviguant en canoë, en kayak, en barque ou encore dans des bateaux pneumatiques. Le montage conjugue l'offre et la demande de façon équilibrée en alternant les séquences sur des pratiquants et divers professionnels, loueurs d'embarcations et moniteurs. Le reportage s'achève sur un zoom arrière allant de la rivière vers le haut des gorges, où les hommes, dans leur bateau, disparaissent progressivement au profit d'un paysage remarquable qui emplit bientôt tout l'écran.
Le film souhaite attirer l'attention sur l'impact de l'essor de la randonnée nautique en Ardèche. Dans les années 1960, le nombre de descentes touristiques étaient passées de 4000 à 77 000 par an, avant de connaitre un rythme d'augmentation moins fort mais néanmoins soutenu puisque, malgré le tassement du tournant des années 1990, on compte autour de 180 000 descentes annuelles aujourd'hui. Sur fond d'extension du loisir sportif en général, la massification de la randonnée nautique dans l'Ardèche s'explique par la recherche de nouvelles territorialités pour l'aventure ou la sociabilité dans les populations urbaines issues plutôt des classes moyennes et non des classes défavorisées, comme le prétend un peu hâtivement l'un des loueurs de bateau interviewés.
Au moment du reportage, la situation est en passe de devenir problématique à plusieurs niveaux. Le premier concerne l'apparition de temps d'attente, voire de véritables embouteillages avant les passages les plus difficiles des 33 kilomètres de la descente, qui s'opposent à la plénitude du cadre. Le second niveau concerne la multiplication des dangers liés à l'augmentation du trafic nautique et à la prise de risques de touristes peu avertis en matière de conduite d'embarcation. Une brève séquence d'un cours donné par un instructeur de canoë-kayak vient ici opportunément rappeler qu'un encadrement professionnel existe depuis peu. En 1974, le Brevet d'Etat d'Educateur Sportif de Canoë-kayak, option « tourisme sportif » était créé et une option Canoë-kayak avait été ouverte au Certificat d'Aptitude au Professorat d'Education Physique et Sportive (CAPEPS) dès 1970. Enfin, un troisième niveau existe à travers la question environnementale et les risques de pollution consécutifs à l'afflux de touristes. L'un des professionnels locaux interviewés évoque à ce propos un projet de réserve naturelle qui permettrait d'organiser plus rationnellement la gestion du tourisme. Un tel projet voit effectivement le jour moins de trois ans après le reportage, en janvier 1980. La « Réserve naturelle nationale des Gorges de l'Ardèche », riche de 1575 hectares, a pour mission la préservation du site ; elle interdit notamment le camping sauvage, toute nouvelle construction et toute activité commerciale ou industrielle en dehors de quelques exceptions au nombre desquelles on compte notamment la visite des gorges. Néanmoins, le label a, à son tour, créé un effet d'attraction, qui n'a fait qu'amplifier la tendance à la saturation. Désormais, cette régulation est assurée par le Syndicat Mixte de Gestion des Gorges de l'Ardèche. Quant aux effets espérés de la randonnée nautique sur le canoë kayak sportif, tel que l'une des personnes interviewées les mentionne, ils sont à peu près nuls. La fédération n'a toujours que 12 500 licenciés à cette époque et son essor ultérieur (35 000 licences en 2009) est davantage la conséquence des bons résultats de son élite que celle de la massification du loisir nautique.