Opération propreté des plages à Palavas

Été 1968 : les plages de Palavas accueillent de nombreux estivants. C’est le moment pour eux de décompresser, de se détendre, de profiter du soleil et de la mer. Mais attention à ne pas trop se laisser aller ! Un papier de bonbon négligemment abandonné sur le sable fin. Non, Monsieur ! Un paquet vide de cigarettes, des Gitanes, lancé à quelque distance de la serviette de bain.  Non, Monsieur ! Un journal jeté au vent.  Non, Monsieur ! A chaque fois, une voix masculine morigène l’estivant indélicat et, par un effet vidéo de retour en arrière, le papier, le paquet de cigarettes, le journal retournent à l’expéditeur. Le message est clair : la propreté des plages est l’affaire de tous.

La solution ? Un sac plastique distribué par les  charmantes émissaires du Touring Club de France [1] pour que chacun puisse y stocker les déchets que l’on abandonne trop aisément sur le sable . L’État appuie, sans réserve, cette initiative. Le préfet de l’Hérault et de la région Languedoc-Roussillon, souligne qu’à l’heure où l’État et les collectivités territoriales investissent massivement dans l’aménagement du littoral (mission Racine), les estivants se doivent de prendre soin des lieux qui les accueillent.  L’initiative du Touring Club vient en son temps , dit-il. Durant la saison, 295.000 sacs en plastique seront ainsi distribués sur le littoral du Languedoc-Roussillon pour recevoir les détritus. Ce sera l’occasion de contracter de bonnes habitudes et, souhaitons-le, de les conserver  affirme la voix qui, peu de temps auparavant, sermonnait les touristes négligents.

Ce reportage sur l’opération « Propreté des plages » démontre que l’attention portée à l’environnement n’est pas récente. Bien avant le mot d’ordre de la transition écologique et les discours de Greta Thunberg, des tentatives de sensibilisation et de responsabilisation avaient été menées auprès de la population. Certes, on ne parlait pas encore au grand public d’éco-gestes ou de développement durable, mais la sensibilité écologique et les références à la responsabilité individuelle se diffusaient lentement mais sûrement dans la société française. À ce titre, le choix de lancer l’opération « Propreté des plages » dans la station populaire de Palavas n’est probablement pas le fruit du hasard. Palavas représente en effet, pour le meilleur comme pour le pire, le tourisme de masse dans l’imaginaire français. C’est donc là qu’il fallait apporter la preuve de la soutenabilité de cette forme de tourisme.

Un demi-siècle plus tard, le reportage nous rappelle combien les changements de mentalité et de comportement prennent du temps. La mairie de Palavas communique toujours auprès des estivants et des habitants sur le thème de la pollution. Par exemple, une signalétique indique en ville et sur la plage qu’ « ici commence la mer ». Des photos de mégots, de masques ou de bouteilles plastiques jetés n’importe où, pointent du doigt la négligence de certains. La sensibilisation se double en outre d’une répression, en tout cas, d’une menace à l’encontre des fautifs puisque la signalétique en question mentionne souvent le prix, salé, d’une amende pour abandon de déchets (450 €). 

Le reportage illustre également le processus d’essais et d'erreurs caractéristiques des politiques environnementales. En 1968, le sac plastique paraît être la solution individuelle au problème des déchets. En 2022, le plastique est, à l’échelle de la planète, l’ennemi numéro 1. Selon WWF France  « les plastiques nous envahissent (…). La Méditerranée est en train de devenir un piège de plastiques avec des niveaux records de microplastiques qui menacent les espèces marines et notre santé. Une majorité des plastiques ne sont utilisés qu’une seule fois avant de se transformer en déchets » [2]. Errare humanum est, perseverare diabolicum.

 
[1] Le Touring Club de France (TCF), créé en 1890 par un groupe de passionnés de vélo, est une ancienne association, disparue en 1983, dont le but était le développement du tourisme sous toutes ses formes. LE TCF a compté jusqu’à 700 000 membres et a longtemps pallié le faible engagement des pouvoirs publics en matière de développement touristique.  
[2] « La nature sans plastique », WWF [en ligne] (Mise à jour 2022). Site internet : https://www.wwf.fr/sengager-ensemble/relayer-campagnes/pollution-plastique