Les pêcheurs à la traîne de Palavas
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Résumé
À Palavas, au milieu de la nuit, un groupe d’hommes se prépare à la pêche à la traîne : calage du filet en mer, feu de repérage sur la plage… Au petit matin, les pêcheurs s’attellent aux cordes du filet et le remontent sur le rivage. La caméra s’attarde sur les gestes précis et les visages fatigués.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
31 déc. 1969
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Contexte historique
ParChercheur et doctorant en études occitanes, Université Paul Valéry Montpellier
Le reportage débute à Palavas-les-Flots, quai Paul Cunq, le long du fleuve Lez qui traverse la ville avant de se jeter dans la Méditerranée. C’est là que sont amarrées les barques, c’est là que se prépare la pêche et que les hommes se retrouvent. Il est très tôt et il fait nuit, nous sommes à l’époque du poisson bleu, entre printemps et début d’automne, période où ces espèces : anchois, sardines, maquereaux et thons se rapprochent des côtes. L’équipage se retrouve, les hommes discutent, s’interpellent et se nomment par des surnoms. À Palavas comme dans tous les ports de pêche et plus généralement dans tous les métiers traditionnels, l’usage du surnom est omniprésent, en français et surtout en occitan. Il est souvent héréditaire et parfois surprenant. Ainsi ce matin « le Cordonnier » est en retard et c’est avec la barque des « Cavidoules » [1] qu’on se rend sur le lieu de pêche, à l’ouest de la ville, près du grau du Prévost.
Sur cette côte héraultaise, basse et sablonneuse, bordée d’étangs, les graus sont nombreux. Le terme, lui aussi occitan est en usage sur tout le littoral, il désigne un chenal entre étangs et mer ou l’embouchure d’un fleuve côtier. Les graus, qui étaient des lieux de pêche et des abris naturels, ont pour certains été aménagés au cours de l’histoire et des villes s’y sont parfois développées comme Sète, Agde, Carnon, Vendres, et Palavas, anciennement « grau de Balestras ». Quant à l’origine de « Prévost » qui donne son nom à l’étang et au grau qui le lie à la mer, la proximité du site de la cathédrale de Maguelone, évêché pendant dix siècles, laisse à penser qu’il fait référence au supérieur du collège de chanoines de l’ancienne cathédrale.
C’est vers trois heures du matin que l’équipage des douze pêcheurs palavasiens arrive sur la plage pour pratiquer la technique de la senne de plage, dite traïna, de l’occitan traire (tirer) à l’origine de la dénomination « traîne » en usage sur tout le littoral. À Palavas, comme dans d’autres ports de pêche du littoral, pour désigner cette pêche, on parle aussi de pêche à la trace (traça en langue d’oc). Cet usage ancien trouve son origine dans l’amalgame du sens donné à traïna, simple coup de filet, avec celui de traça qui désigne plusieurs coups de filets successifs le long de la côte sur la piste (la trace) du banc de poissons. Il s’agit en tous cas d’une méthode de pêche très ancienne, attestée dès l’Antiquité, d’encerclement en pleine eau du banc de poisson à l’aide d’une longue bande de filet. Munie de flotteurs en haut et plombée en bas, elle forme deux ailes symétriques de part et d’autre d’une poche centrale où le poisson sera rabattu.
C’est le plus âgé de l’équipage qui met à l‘eau et cale soigneusement les 180 brasses de filet (250 mètres environ) et la vingtaine de mailles de cordage, (2000 mètres environ). Guidée par le repère d’un feu allumé sur la plage, l’opération d’encerclement se déroule durant une demi-heure depuis une embarcation à fond plat, une bèta, menée à la rame. Une fois le filet déployé dans l’eau et au signal « Tire ! », les hommes qui attendaient en se réchauffant autour du feu, commencent à haler les deux très longs cordages. Ils sont équipés d’un baudrier de traction, l’arnesc ou la tiradoïra, armé d’un bout de cordage fin, lesté à son extrémité. D’un seul geste sec et précis, chaque pêcheur exécute une sorte de nœud de bosse ou d’étrive, l’escarcèla, qui va lui permettre de s’atteler au cordage principal et de tirer en toute sécurité. On parle alors de « faire à la bricole » ou « faire à l’escarcelle ». La tâche est rude, longue, et nécessite un effort soutenu pour coordonner les mouvements et permettre aux deux ailes du filet d’arriver simultanément à la plage. Avec la ruse ou le talent, l’attention est l’une des conditions de la réussite de la pêche. En témoigne la longue séquence du reportage dédiée à ce moment où dominent le silence et la gravité des regards. Elle contraste avec l’enthousiasme et le ton plaisant des conversations à l’arrivée de la poche dans laquelle frétillent plus d’une tonne de belles sardines.
Le revenu de la pêche sera, il est vrai, partagé : un tiers ira au matériel et à son entretien, le reste de la part de pesca allant à l’équipage qui en l’espèce a de bonnes raisons de se réjouir. Car outre la quantité, le poisson pêché à la prima (à l’aube) est en général mieux vendu que celui du crépuscule ou de la nuit, parce que plus frais. Comme le dit fort justement le commentateur, il ne leur restera plus alors qu’à ranger le matériel, « faire l’aiga-sau », un court-bouillon de poissons frais (dit en français l’eau-sel), et à aller se coucher...
[1] De l’occitan Cavidola, chevalier gambette, petit échassier à bec long des marais.
Transcription
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Date de la vidéo: 16 janv. 1965
Durée de la vidéo: 03M 35S