Les gîtes familiaux de La Grande-Motte

En février 1965, à 12 kilomètres de Mauguio, les travaux débutent pour faire sortir de terre la station pilote de la Mission Racine, celle dont dépendra la réussite du projet d’aménagement tout entier : La Grande-Motte. Une fois les infrastructures réalisées, l’architecte Jean Balladur réussit, non sans mal, à faire accepter ses fameuses pyramides. C’est très moderne, avant-gardiste, mais le béton, omniprésent, cohabite plutôt agréablement avec les très nombreux espaces verts. Tout semble prévu, agencé pour le bien-être des touristes qui vont se succéder dès 1968. Des courts de tennis, un mini-golf (plus tard un « vrai »  terrain de golf), des discothèques, un parc d’attraction, un casino, etc., vont d’ailleurs rapidement s’installer dans cet environnement dédié à la détente et au plaisir. 

La Grande-Motte devenue l’image de marque du littoral languedocien a la réputation d’une station de tourisme de luxe . C’est par cette représentation, assez largement véhiculée au milieu des années 1970, que le reportage débute. Les vues sur la plage, les pyramides, les espaces verts et les bassins tendent à confirmer cet a priori. C’est oublier que la Mission Racine a d’emblée accordé une place au tourisme social. Comités d’entreprises, responsables syndicaux nationaux, services sociaux des grandes administrations ont été associés au développement des stations nouvelles ou modernisées du Languedoc-Roussillon. Des terrains bien placés ont été réservés pour les centres de vacances des PTT, d’EDF ou de la SNCF mais aussi pour les villages de vacances, les colonies et les campings susceptibles d’accueillir un public populaire.

Le reportage présente des bâtiments qui ne dépareillent pas avec le reste des constructions de La Grande-Motte. Ces bâtiments sont ceux des Gîtes familiaux. Ils ont été construits par la Caisse d’allocations familiales (CAF). Un responsable insiste sur la volonté d’offrir un hébergement, des équipements et des services de qualité aux familles à faible revenu. Les appartements ont effectivement l’air agréables. Les balcons offrent un espace de vie supplémentaire bienvenu en été. Les familles modestes  ne sont pas dépaysées à La Grande-Motte  renchérit une autre personne. Elles ne se sentent pas à l’écart dans cette station familiale et sont aidées, sur le plan financier, par des allocations vacances. Des retraités, envoyés par la caisse de retraite, viennent également bénéficier des facilités offertes dans les Gîtes familiaux en mai, juin, septembre et octobre. Le reste de l’année, des groupes se succèdent pour des formations, des stages ou des séminaires.

Aujourd’hui, en France, 4 personnes sur 10 ne partent toujours pas en vacances, et ce essentiellement pour des motifs financiers. Le tourisme social, lui, se veut « solidaire », « durable » et « éthique »mais il fait face, d’un côté, à la montée en gamme de nombreux opérateurs touristiques marchands et de l’autre, au développement d’une offre de séjours à bas prix favorisé par les plateformes de réservation en ligne, le tout dans un contexte de raréfaction des financements publics. L’image du tourisme social en pâtit. Nombreux sont ceux qui assimilent cette forme de tourisme à des logements au confort spartiate [1] et à des prestations de faible qualité dédiées à un public spécifique. La mixité sociale n’est souvent qu’un mot d’ordre. C’est à regretter l’ambition de la Mission Racine.

 
[1] Il est vrai que, sur le littoral du Languedoc-Roussillon, en particulier à La Grande-Motte, certains bâtiments ont mal vieilli. Certains logements du tourisme social n’ont pas été suffisamment rénovés mais c’est vrai aussi d’innombrables studios possédés par des particuliers.